À l’heure où la sphère politico-médiatique s’emballe autour de la commémoration obligatoire des 80 ans de la « Nuit de cristal » sur fond d’affaire Pétain/Macron et de « résurgence de l’antisémitisme », refaire l’historique qui a mené à ce « pogrom annonciateur de l’Holocauste » apparaît comme la meilleure manière d’accomplir son devoir de mémoire.
7 novembre 1938 : dans un climat de méfiance à l’égard des juifs, Herschel Grynszpan, un juif polonais âgé de 17 ans, assassine à Paris Ernst von Rath, troisième secrétaire de l’ambassade d’Allemagne.
Le motif ? Ses parents, considérés en situation illégale, venaient d’être reconduits à la frontière germano-polonaise par les autorités nazis, devenant alors des réfugiés apatrides.
Il ne s’agit pas du premier événement du genre : en 1935, un étudiant talmudiste avait assassiné le responsable du parti nazi en Suisse, sans susciter de réaction des autorités ou de la population allemande.
Mais le 9 novembre 1938, après qu’Ernst von Rath eut officiellement succombé à ses blessures (cinq coups de pistolet à bout portant), des groupes de manifestants allemands brisent les vitrines de commerces appartenant à des juifs et saccagent des synagogues sur l’ensemble du territoire. Environ 200 juifs meurent lors des affrontements de cette nuit du 9 au 10 novembre. Près de 30 000 sont déportés en camp de concentration dans la foulée.
Explosion de colère populaire ou planification du IIIe Reich ? La Nuit de cristal fut présentée par le ministre de la Propagande Joseph Goebbels comme la conséquence d’un complot de la « communauté juive mondiale » contre l’Allemagne. Pour les antinazis d’hier et d’aujourd’hui, le Führer Adolf Hitler guettait le moindre prétexte pour déclencher des hostilités antisémites.
Adoptée lors de l’arrivée au pouvoir du Parti nazi, la loi du 24 mars 1933 de « Réparation de la détresse du peuple et du Reich » était le premier jalon d’une politique de reprise en main de la citoyenneté allemande. En 1935, les lois de Nuremberg privent les juifs de nombreux droits. En 1938, leurs passeports sont confisqués, ils ne peuvent exercer une profession médicale et doivent déclarer tous leurs biens. Ces mesures ont pour but de pousser les juifs à émigrer. Après la Nuit de cristal, les pays voisins de l’Allemagne fermèrent leurs frontières aux réfugiés allemands en raison de l’exode massif de juifs allemands et livrèrent les émigrés clandestins à la Gestapo qui les interna en camp de concentration. Lorsque la guerre éclata, 180 000 juifs vivaient encore en Allemagne.
Si l’histoire officielle considère que l’Allemagne nazie a déclaré la guerre aux juifs et aux nations en 1938, peu de gens savent que dès 1933, le Congrès juif américain avait proclamé une déclaration de guerre des juifs contre l’Allemagne nazie. Une manifestation de protestation massive fut d’ailleurs organisée dans les jardins de Madison Square, appelant à un boycott américain des produits allemands.
Pour mieux cerner les tenants et les aboutissants de cette période, les prochaines lignes sont extraites d’un article éclairant de Laurent Guyénot, Combien de guerres mondiales pour Sion ? – Partie 2 :
Les conditions de la montée du nazisme sont bien connues. Le premier facteur fut la Révolution bolchevique et la Terreur rouge, qui était pour les Allemands une menace très proche : en 1918 avait eu lieu en Bavière une révolution menée par le juif Kurt Eisner, qui avait établi une éphémère République soviétique bavaroise. La forte proportion de juifs parmi les cadres dirigeants de la Révolution bolchevique et de la plupart des autres mouvements révolutionnaires européens alimenta l’antisémitisme allemand qui porta Hitler au pouvoir.
Le second ennemi désigné par Hitler était la finance internationale, jugée responsable de la crise mondiale des années 30. À Berlin avant la Première Guerre mondiale, trente banques privées sur cinquante-deux appartenaient à des familles juives, et la proportion s’était accentuée après la guerre [1]. Ainsi, l’horreur du bolchevisme assimilé à un complot juif, et la position supposée dominante des juifs dans l’économie capitaliste [2] – soit la Révolution et la Banque – constituent les deux ferments principaux de l’antisémitisme nazi.
À cela s’ajoutait encore le rôle prêté aux juifs dans la défaite et l’écrasement de l’Allemagne à l’issue de la Première Guerre mondiale, comme l’a reconnu le sioniste anglais Samuel Landman dans un mémoire de 1936 :
« Le fait que les juifs ramenèrent les USA dans la guerre aux cotés des alliés a eu les pires effets en Allemagne, spécialement dans l’esprit nazi, et a contribué grandement à l’importance que l’antisémitisme occupe dans le programme nazi [3]. »
1933 : « La Judée déclare la guerre à l’Allemagne »
Dès 1939, les nazis s’efforçaient de convaincre le peuple allemand que la guerre avait été voulue et tramée par les juifs. Quelques heures avant son suicide, Hitler écrivait encore :
« Il est faux de dire que j’ai, ou que n’importe qui d’autre en Allemagne, ait voulu la guerre en 1939. Elle a été voulue et provoquée uniquement par les hommes d’États internationaux d’origine juive ou travaillant pour les intérêts des Juifs [4]. »
Jeffrey Herf, auteur de L’Ennemi juif. La propagande nazie, 1939-1945, montre de façon convaincante que les dirigeants nazis croyaient sincèrement au « complot juif » qu’ils dénonçaient. Leur obsession à rendre responsable de la guerre une élite juive anglo-américaine relevait donc, selon Herf, d’ « une paranoïa propre à l’antisémitisme radical des nazis [5] ». Cette thèse de la paranoïa n’est convaincante qu’à condition d’escamoter un élément crucial de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Le minimiser ne suffirait pas ; il faut le passer entièrement sous silence, et c’est ce que font les historiens conformistes comme Herf.
Le 24 mars 1933, soit moins de deux mois après la nomination d’Hitler comme Chancelier du Reich, le Daily Express britannique publia en première page un article intitulé : « Judea Declares War on Germany. Jews of All the World Unite in Action », proclamant que :
« Le peuple israélien dans le monde déclare la guerre économique et financière contre l’Allemagne. Quatorze millions de Juifs dispersés à travers le monde s’unissent comme un seul homme pour déclarer la guerre contre les persécuteurs allemands de leurs frères en religion [6]. »
- Première page du Daily Express du 24 mars 1933
Cette campagne était soutenue par la majorité des instances représentatives juives et coordonnée par l’influent avocat d’affaire Samuel Untermeyer (président de la Keren Hayesod, une organisation de collecte de fonds pour le mouvement sioniste), qui avait déjà intrigué en faveur de la Première Guerre mondiale. Dans un discours radiophonique reproduit par le New York Times du 7 août 1933, Untermeyer appelait encore à une « guerre sainte » contre l’Allemagne, « menée sans merci », centrée sur « l’embargo économique de tous les produits allemands, transports et services […] nous saperons le régime d’Hitler et ramèneront le peuple allemand à la raison en détruisant leur commerce extérieur dont dépend leur existence même. »
Untermeyer qualifie de « traitre à sa race » tout juif qui ne se plierait pas à ce boycott ou voyagerait en Allemagne. Les juifs, habitués à la persécution « depuis les temps immémoriaux », vaincront une fois de plus. « Car les Juifs sont les aristocrates du monde [7]. » Cette déclaration de guerre fut promptement suivie d’effets désastreux sur le commerce extérieur allemand.
Cinq jours après l’article du Daily Express, Hitler annonça un boycott des affaires juives à titre de « mesure défensive contre la propagande juive à l’étranger », et prévint :
« La juiverie doit reconnaître qu’une guerre juive contre l’Allemagne conduira à des mesures implacables contre les Juifs en Allemagne. »
Goebbels lui emboita le pas deux jours plus tard dans un discours radiodiffusé. De façon caractéristique, Jeffrey Herf cite ces deux discours mais omet de dire qu’ils répondaient à la déclaration de guerre lancée dans la presse anglaise et états-unienne par une élite s’exprimant au nom du « peuple israélien », soit les « quatorze millions de Juifs dispersés à travers le monde [8] ».
Tout en organisant la guerre économique contre l’Allemagne, ces mêmes élites juives poussaient les gouvernements à l’affrontement militaire. Dans son autobiographie, le banquier américain Bernard Baruch, qui avait déjà joué un rôle déterminant dans l’entrée en guerre des États-Unis en 1917, se félicite de l’efficacité de son lobbying auprès de l’Angleterre en 1939 :
« Je soulignais que la défaite de l’Allemagne et du Japon et leur élimination des échanges mondiaux donnerait à la Grande-Bretagne une opportunité extraordinaire de gonfler son commerce extérieur en volume et en profit [9]. »
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« Guerre sainte », mise à mort économique [10], déclaration de guerre mondiale : pour commémorer la Nuit de cristal, autant savoir de quoi l’on parle !