Dans son nouveau livre, Hillary Clinton promet de dire « ce qu’il s’est passé », de livrer son analyse sur le pourquoi de sa défaite à l’élection présidentielle face à Donald Trump. Au programme : le fait que ce soit une femme et l’implication des Russes dans la campagne. Pas dit que le diagnostic soit le bon.
Atlantico : Hillary a-t-elle vraiment perdu parce qu’elle était une femme et parce que les Russes sont impliqués dans la campagne américaine ?
Jean-Éric Branaa [1] : Sur la première hypothèse sa condition de femme, je crois au contraire que c’était le temps des femmes et que Clinton était la bonne personne même si elle avait en face d’elle des femmes américaines, en particulier les féministes, qui estimaient le contraire.
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Elle était donc bien placée et, on l’oublie aujourd’hui, mais pendant toute la campagne elle est apparue comme la plus compétente. Seulement, être compétent n’est pas forcément gage de succès aux États-Unis, la preuve, on se souvient d’Al Gore qui était l’était compétent et qui avait été battu par Bush qui était soi-disant complètement incompétent.
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La question de la Russie me semble complétement anecdotique et je crois que le Parti démocrate se trompe lourdement en exploitant ce dossier de la manière dont ils l’exploitent, comme s’ils avaient avec ça les moyens de faire tomber Donald Trump. On peut comprendre cette logique, surtout de la part d’Hilary Clinton qui a subi des attaques (infondées) sur l’« affaire des mails » qui ont pu lui être préjudiciables.
Même si l’« affaire russe » n’a pas eu d’effet en soit, cela n’empêche pas que l’acte soit grave et que le cyberterrorisme est un danger que l’on sous-évalue et quand on réfléchit aux conséquences spectaculaires qu’il pourrait avoir, ça fait froid dans le dos et ça pose de vrais questions.
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N’y a-t-il pas des facteurs sur lesquels elle ferme commodément les yeux à commencer par l’impact de la crise sur un certain nombre de catégories sociales américaines ?
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Mais elle n’a pas su parler, en particulier aux journalistes qui ne l’aimaient pas du tout car elle voulait verrouiller la communication, ce qui ne peut pas marcher dans une société comme aux États-Unis. Puis elle a fait des erreurs, si on reprend le 9 septembre quand elle a dit que la moitié des partisans de Trump étaient des « lamentables », c’était une erreur terrible car on attaque jamais les électeurs, c’est une règle d’or en politique. Les « petites personnes » n’ont pas accepté ces propos, on ne supporte pas l’arrogance de la part des puissants. Cela a eu un impact chez les Républicains mais aussi chez les Démocrates.
Surtout elle a choisi la mauvaise stratégie avec le Parti démocrate. Elle hésitait à savoir si elle voulait être l’héritière ou critiquer Barack Obama. Elle a voulu s’imposer comme son héritière, une erreur car elle s’est imposée comme la tenante du troisième mandat de Barack Obama et l’héritière des échecs du dernier président.
Elle aurait dû s’inspirer de Bernie Sanders qui a eu l’intelligence de parler du quotidien des gens, c’est tout ce qu’ils voulaient entendre. Elle a parlé grande politique quand il fallait, je crois, parler du quotidien, de politique quotidienne. C’est ce qu’attendait l’Amérique à ce moment.
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Donald Trump a su exploiter les diverses divisions qu’il y avait dans la société, il a eu le langage adapté pour répondre à ces divisions. En favorisant les Blancs qui ont racialisé leur situation. On avait une nouvelle catégorie qui était « blanc, classe moyenne » à qui Trump a su s’adresser. L’erreur du Parti Démocrate c’est d’avoir refusé d’écouter cette demande de la société blanche en s’appuyant sur la démographie. La démographie américaine nous explique que la société est multiculturelle et qu’il fallait s’adresser aux hispaniques, Noirs… Donc qu’il faut arrêter de répondre aux demandes des Blancs qui pourtant sont toujours majoritaires car ce sont ceux qui votent le plus.