Henry Coston est ce journaliste qui a travaillé d’arrache-pied pour édifier une cartographie des réseaux de pouvoir français, ou disons actifs en France, à partir de tout ce qui était publié sur le sujet. Bénéficiant de bonnes sources à l’intérieur du Système, il a en outre mené un travail de fourmi – celui de l’archiviste – qui lui a permis de prouver que le personnel politique français était sous influence.
Des influences qui vaudront à Coston de sérieux ennuis, à la Libération, et tout au long de sa longue et très laborieuse vie, laborieuse étant compris dans le sens noble du terme. Né en 1910 et disparu en 2001, il laisse un travail impressionnant que reprendra Emmanuel Ratier, son successeur officiel. Un Ratier qui n’échappera pas aux foudres du même Système, et dont les travaux seront, comme ceux de Coston, allègrement pillés par ses adversaires idéologiques. Le Canard enchaîné se faisant un malin plaisir de brosser certains de ses portraits à partir de la lettre quinzomadaire Faits & Documents.
Aujourd’hui, après la disparition d’Emmanuel Ratier, c’est une troisième génération de costonistes qui reprend les rênes de ce journal pas comme les autres qu’on pourrait repabtiser le Journal Officieux. Mais ô combien précieux pour la compréhension des forces en présence dans l’édifice de pouvoir français ! Quand la lecture du Canard enchaîné reste au niveau de l’écume et de l’invective gaucho-libérale qui ne menace aucunement l’édifice précité, celle de F&D plonge dans les profondeurs verticales et horizontales de la Puissance. Verticales par l’Histoire, horizontales par l’arborescence, ce qu’on appelle communément les réseaux.
Pour exemple, l’ouvrage de Sophie Coignard et Marie-Thérèse Guichard Les bonnes fréquentations, histoire secrète des réseaux d’influence, sorti en 1997 chez Grasset (l’éditeur de BHL), évoque tous les réseaux, chapelles et clubs possibles, sauf le principal. Un oubli de poids, que Coston et F&D ne feront pas, puisque le lobby sioniste est aujourd’hui ouvertement influent : sa soirée avec tout le gratin politico-médiatique français est la publicité nationale et mondiale de sa puissance. La prise en compte de ce lobby permet de mieux comprendre les choix stratégiques de la politique française, pas toujours très inspirée. C’est ainsi que des auteurs américains ont sous-entendu que la politique extérieure de leur pays, souvent contre-productive, ne pouvait être comprise que sous l’angle de l’influence du lobby sioniste, dont la puissance est unanimement reconnue de l’autre côté de l’Atlantique.
Toute sa vie, Coston préfèrera ne pas mentir à ses lecteurs, et il en paiera le prix par une sous-médiatisation chronique. Cependant, les vrais journalistes, qu’ils soient du Système ou d’en face, savent reconnaître la valeur de ce travail.