Quand le mercure chute à l’hôpital Beaujon, à Clichy (Hauts-de-Seine), les patients grelottent et, lorsqu’ils claquent des dents, on sort du ruban adhésif pour calfeutrer les fenêtres... C’est ce que vient de dénoncer, dans un mail fracassant à sa hiérarchie, un chef de service, excédé par ces « conditions tout simplement indignes d’hospitalisation ».
Il est 10 h 47, jeudi [1er mars 2018], quand le professeur P.L., qui dirige le service de pancréato-gastroentérologie – en charge des personnes gravement malades ou en fin de vie –, prend la plume et écrit :
« Madame la directrice, nous sommes aujourd’hui le 28/02/18. Chambre 4 d’un service dit de pointe hébergeant des malades graves, en l’occurrence en fin de vie, il fait 17 oC. La malade a froid dans son lit, une parka, un pull en laine, une étole autour du cou. Pas très facile de vomir avec cet attirail. Grande lectrice, elle n’arrive pas à lire son dernier livre, ayant trop froid aux mains. On lui a promis de scotcher les fenêtres, un traitement très moderne et esthétique pour assurer l’étanchéité. Ce n’est pas fait. On lui a promis un chauffage d’appoint. Il n’y en a pas. On lui a promis... une couverture. Il n’y en a pas non plus. »
Si ce médecin a décidé de taper du poing sur la table, c’est qu’il ne cesse d’alerter sa direction sur la vétusté des chambres où sont hospitalisés ses patients, dont certains sont en chimiothérapie.
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Le lanceur d’alerte a reçu de nombreux soutiens
À l’AP-HP, ce courriel, rendu public, a jeté un sérieux froid tout en suscitant de nombreux messages de soutien au lanceur d’alerte : « Beaujon est loin d’être un cas isolé. Quand on voit l’état déplorable de certains services à Avicenne, Garches, Cochin, on a honte, on a envie de hurler », remarque Bernard Granger, psychiatre à l’hôpital Tarnier à Paris (VIe) et défenseur de l’hôpital public.
Beaujon et Bichat sont promis à la fermeture. À l’horizon 2025, c’est un tout nouvel établissement, l’hôpital Nord, qui les remplacera.