On se rapproche du mois d’octobre. Conakry bénéficie d’éclaircies. L’air est toujours humide, parfois irrespirable dans cette vaste décharge à ciel ouvert que devient progressivement la capitale guinéenne, où les mares de boue le disputent aux ordures jonchant les rues mais aussi aux gigantesques embouteillages quotidiens. Et en marge de ce train-train habituel, les destins de milliers de femmes basculent dans une indifférence nationale aussi douloureuse qu’inacceptable.
Il est environ 16 heures ce mardi 20 septembre. Dans le quartier de Simambossia au nord de la capitale, de jeunes adolescentes, vêtues de leur pagne aux motifs uniformes traversent la rue. Accompagnées de plusieurs adultes portant en équilibre des seaux sur la tête, la plus âgée ne doit pas avoir 18 ans.
- Un groupe de jeunes Guinéennes raccompagnées chez elles après avoir subi l’excision du clitoris, le 20 septembre à Conakry
Le pagne noué au dessus de leur poitrine naissante, est un signe distinctif de leur nouveau statut : ce sont désormais des femmes aux yeux de leurs compatriotes. Un rituel d’excision – pourtant interdit par la loi – vient de se dérouler en pleine journée.
Le spectacle est répulsif, saisissant et l’on peut décemment penser que les protagonistes de cette scène se cachent en fait dans les confins d’un village guinéen. Pas du tout : nous sommes à Conakry et tout le monde sait ce qui vient de se produire.
L’inefficacité des campagnes de sensibilisation
Si l’on tendait l’oreille, on pourrait presque entendre partout en Guinée le bruit des clitoris que l’on coupe, nerveusement comme pour leur reprocher d’avoir été là, et que l’on jette dans des seaux contenant déjà plusieurs lambeaux sanguinolents de chair humaine. Selon un rapport de l’Unicef datant de 2013, la Guinée avec un taux de prévalence de 96% des femmes, est le deuxième pays au monde à pratiquer les mutilations génitales féminines (MGF), juste après la Somalie (98%).
Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, l’excision va bon train en dépit de toutes les campagnes, de sensibilisation – affichages, spots radiotélévisés, dialogues intracommunautaires, etc – qui, il faut le dire, ont largement échoué dans leur objectif. Le déclic n’a toujours pas eu lieu et les mentalités restent rigides, imperméables à toute tentative d’explication rationnelle de la nocivité des MGF.
Il est d’ailleurs courant de rencontrer de jeunes gens scolarisés clamer les bienfaits de l’excision et réprouver toutes les jeunes femmes qui ne s’y soumettent pas, les accusant d’être « impures ». La société guinéenne demeure globalement favorable au maintien des MGF et plus celles-ci sont décriées dans des campagnes nationales de sensibilisation, aussi répétitives qu’inefficaces, plus la population semble s’y agripper, voyant dans leur négation la main coupable de l’Occident impérialiste contre des coutumes ancestrales.
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Insupportable consentement collectif
Les vacances scolaires sont la période désignée de l’excision dans le pays. De cette façon, les jeunes filles concernées n’ont pas à s’absenter de l’école le temps de la guérison. Puisque les vacances coïncident avec l’hivernage, on estime qu’il est préférable pour les jeunes mutilées de faire leur convalescence avant la cuisante chaleur de la saison sèche.
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