Pour comprendre les islamologues contemporains, il faut avant tout étudier les ouvrages des orientalistes à l’ère coloniale qui considéraient les musulmans comme une race sujette qui, au nom du développement et de la civilisation, devait être vaincue et mise sous tutelle occidentale.
À la fin du XXe siècle, lorsque l’étude dénigrante de « l’Oriental » est enfin perçue comme un discours impérialiste, l’orientalisme est fondu dans les sciences sociales et adopte de nouvelles appellations pour se défaire de sa connotation coloniale. Cette manœuvre sournoise n’a cependant nullement empêché les islamologues, anthropologues et sociologues du XXIe siècle de transmettre et perpétuer l’héritage raciste de leurs « pieux prédécesseurs ».
[...]
De nos jours, le plus bruyant de la mouvance néo-orientaliste est sans doute Gilles Kepel qui ne cesse de criminaliser les musulmans pratiquants en liant leur culture au radicalisme et au terrorisme. Son hostilité culturelle et colonialiste est facilement discernable dans les interviews qu’il accorde aux médias français. En voici un exemple :
« J’insiste sur le fait qu’il faut éliminer ce terme de "radicalisation" qui n’a aucun sens. La question est celle du passage au salafisme, en rupture avec les valeurs de la laïcité et de la démocratie. Ce qui est très frappant en France, c’est que le vocabulaire salafiste s’est érigé contre la laïcité. On le voit aujourd’hui dans les écoles, et notamment dans les cours de philosophie de Terminale où des garçons qui viennent en cours en djellaba et avec la barbe, et des filles en jilbab qui enlèvent simplement leur voile en classe, expliquent que la foi est plus importante que la raison et font des exposés dans lesquels ils récitent des versets du Coran et nient à la raison humaine une place quelconque au profit de la mise en œuvre de ce qui est dit dans les hadiths du prophète, c’est-à-dire les faits et gestes de son vivant, considérés comme une norme pour le comportement en société ».
À l’instar de ses précurseurs orientalistes, Kepel dispose lui aussi d’un ensemble de clichés racistes et de catégories réductrices. Il considère ainsi que la pratique de l’Islam contient un « vocabulaire salafiste qui s’érige contre la laïcité » et, comme tout islamophobe, il se sent attaqué par des pratiques culturelles et religieuses contrastantes qu’il réduit à un reniement de la raison humaine.
Cette vision du « musulman dépourvu de raison » fut largement partagée par les orientalistes européens dans les colonies. Dans son ouvrage Modern Egypt, l’orientaliste anglais Cromer établit un contraste absolu entre le musulman « déraisonnable et différent » et l’Européen « raisonnable et normal ». Il estima que la logique est quelque chose « dont l’Oriental est tout à fait disposé à ignorer l’existence », que « les races sujettes n’ont pas la connaissance infuse de ce qui est bien pour elles » et que « les Arabes manquent singulièrement de faculté logique ».
Les propos de Kepel sont non seulement islamophobes, mais aussi misogynes. Taxer les femmes musulmanes de « salafistes sans raison » parce qu’elles portent un voile est une diffamation très similaire à celle des « nègres sans âme » de l’époque ségrégationniste américaine.
Le politologue conclut en dénigrant le Coran et la tradition prophétique et déclare que « la raison humaine » (qui pour lui n’est que la sienne) ne peut être appliquée en suivant les préceptes islamiques. Comme les orientalistes d’antan, Kepel estime que les musulmans n’ont pas de raison et impose sa perception personnelle comme universelle pour pouvoir éradiquer toute diversité culturelle.
La seule différence entre les anciens orientalistes et ceux de la génération kepeliste est que là où les premiers ne faisaient aucune distinction entre les musulmans, les derniers établissent une hiérarchie culturelle où le musulman pratiquant (l’« islamiste radical ») est considéré comme inférieur à l’arabe acculturé (le « musulman modéré »). Étant donné que ce dernier a été illuminé par les « grandes valeurs universelles de la laïcité française », il ne tombe plus sous l’étude de l’islamologie et est à l’abri de toute analyse stigmatisante et critique islamophobe. C’est ce racisme culturel qui explique pourquoi Kepel donne toujours la parole aux Arabes qui ont perdu leur identité en rejetant les valeurs musulmanes et jamais aux musulmans qui pratiquent simplement leur religion.
Kepel découvre le « blédard de Bruxelles »
Lors de sa visite à Bruxelles en mars 2016, Gilles Kepel s’est offusqué de voir le vivre ensemble dans une Belgique multiculturelle où dans sa capitale les citoyens acceptent la façon de vivre des musulmans. Très vite, il devint clair que le but de sa visite était de relier la culture et l’identité musulmanes au terrorisme en établissant une continuité logique entre l’Islam visible et le massacre d’innocents.
[...]
La haine du musulman pratiquant fait délirer Kepel qui ne semble plus contenir son racisme virulent. Sa thèse conspirationniste sur l’« islam transplanté » où la démarche des blédards rifains à Bruxelles empêcherait les services de sécurité de combattre le terrorisme est d’ailleurs un parfait exemple de l’islamophobie scientifique. On attend avec impatience la sortie de son nouvel ouvrage contre le terrorisme (intitulé — pourquoi pas — Meine Republik) où il pourra proposer d’incarcérer les musulmans pratiquants dans des camps de concentration pour y apprendre à marcher en jeans moulant et bien sûr… les pieds joints.