« Faire comme si son prochain était un pauvre minable est simplement une façon indirecte d’avouer sans le reconnaître explicitement qu’on est un pauvre minable soi-même. »
Ainsi donc, après le « minable » du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, suit docilement la ministre de la Culture Aurélie Filippetti qui s’est dite « tout à fait scandalisée »… comme l’ont été les sidérurgistes de Florange par son silence suite à la décision récente du gouvernement.
Puis le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon a estimé que l’exil fiscal de l’acteur était un « mauvais exemple » pour les jeunes… comme l’organisation de son débat sur la laïcité pour occulter le fait que l’école républicaine (officiellement du mérite) ne joue plus son rôle d’ascenseur social (la part d’étudiants issus de classes populaires, enfants d’agriculteurs, d’employés et d’ouvriers, s’est réduite ces quatre dernières années, passant de 35 % en 2006 à 31 % en 2010 – tandis que la part des étudiants issus de classes supérieures est passée de 32 % à 36 %).
Enfin, pour clôturer le lynchage, Michel Sapin, ministre du Travail qui a vu dans la décision de l’acteur « une forme de déchéance personnelle »… comme son incapacité à stopper les destructions d’emplois en France (l’Observatoire de l’investissement de Trendeo propose une carte de France où il recense 67 000 emplois « détruits » – des licenciements économiques – annoncés depuis le début de l’année 2012, en se fondant notamment sur la presse quotidienne régionale) ou encore ses déclarations tentant de nous faire croire que la crise de l’euro serait pire sans l’euro, quel aveu de renoncement à servir l’intérêt général en donnant un blanc-seing aux marchés financiers.
Décidément, Raymond Aron avait vu juste : « Les hommes font l’histoire mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font. » Alors, chers ministres, préservez-moi de vos commentaires afin que je ne me préserve pas de mes efforts.
Mais juste deux questions : qui a trahi la France ? Qui aujourd’hui manque de patriotisme ? Gérard Depardieu, un homme, un seul, qui a travaillé depuis l’âge de 14 ans et qui a payé 145 Millions € d’impôts en 45 ans, et fais travailler 80 personnes dans des entreprises qui ont été créées pour eux et qui sont gérées par eux ?
Ou par exemple, des députés, représentants du Peuple, qui le lundi 14 novembre 2011, ont rejeté la proposition du député UMP Lionnel Luca et d’une trentaine de ses collègues de réduire de 10 % leurs indemnités parlementaires pour participer à l’effort de solidarité en ces temps de rigueur budgétaire… Pour rappel, aucun député PS n’avait signé l’amendement !
Ou autre exemple de civisme, ces 477 députés qui, au lieu de refuser des mécanismes européens, aggravant inévitablement la spirale dépressive catastrophique dans la crise de compétitivité engendrée en Europe par l’euro, ont adopté le mardi 9 octobre 2012 le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG)… seulement 70 députés « résistants » ont voté contre, probablement les seuls à l’avoir lu !
Traité qui les dessaisit du contrôle du budget et les fait renoncer à notre souveraineté budgétaire, héritée de la Révolution, en gravant dans le marbre une limite complètement absurde des déficits de notre État-nation.
Cette mise sous tutelle de la France, objectée médiatiquement, incombe-t-elle à Gérard Depardieu ? Cette trahison démocratique conduisant à une torture économique qui sanctifie une politique d’austérité à l’endroit de tous les Français a-t-elle été votée par Gérard Depardieu ? Alors, chers citoyens, est-ce Gérard Depardieu qui a transféré le pouvoir budgétaire de la France à la Commission de Bruxelles ?
La réaction disproportionnée de certains politiques (dont très peu ont été élus avec une majorité supérieure à 50 % des électeurs inscrits) relève plus de l’acharnement et d’une vengeance dont l’origine remontrait probablement à la déclaration du comédien, qui dans le JDD du 19 avril 2010, en pleine promotion du film Mammuth, déclarait sur la politique : « La politique ne m’intéresse pas. Ce n’est qu’une basse-cour avec des poules et des coqs qui se chient dessus. C’est honteux et c’est sale. Notre film en dit plus que le discours d’un député sur le désarroi de ceux qui se retrouvent dépossédés de tout à la retraite car on ne leur a pas donné les clés pour la préparer. »
Monsieur le Premier ministre, professeur d’allemand, maire et député, vous qui avez donc toujours vécu de l’argent public des contribuables, quels sont alors vos projets (dont le vague et l’ineptie paraissent aujourd’hui notables) pour répondre aux préoccupations majeures des Français ? Est-ce vraiment prioritaire de monopoliser la scène publique pour débattre du Vote des étrangers (vote que ces derniers ne demandent pas) ou du Mariage des homosexuels (que ces derniers ne réclament pas) ? Est-ce que l’élaboration de ce changement civique et civilisationnel est l’unique demande qui vous parvient ? Cette méthode s’assimile à celle du docteur Coué, pharmacien lorrain, qui avait inventé une méthode pour guérir les malades en leur faisant répéter qu’ils iraient mieux demain qu’aujourd’hui. En êtes-vous arrivé à ce point pour établir une telle ordonnance à nos concitoyens ?
Mais qu’en est-il de votre volonté de freiner la scandaleuse bulle immobilière (en 1958, un logement valait en moyenne 70 loyers, en 1998, il fallait dépenser en moyenne 130 loyers pour devenir propriétaire alors qu’aujourd’hui, un logement coute en moyenne 250 loyers) ? Silence. Qu’en est-il de votre promesse électorale de réglementer la spéculation en limitant la liberté des transactions financières, telles que l’encadrement du crédit ou les taux d’intérêt bonifiés ? Silence. Qu’en est-il de votre indignation quand plus de 20 % des étudiants français ne se sont pas fait soigner, pour des raisons financières, notamment en ophtalmologie et en soins dentaires ? Silence. Qu’en est-il de votre souci de justice quand selon un rapport sur l’application des peines, des dizaines de milliers de jugements sont stockés dans les cartons des greffes en attente de traitement ? Silence. Et pourquoi votre silence résonne-t-il encore face à ce mal-être de notre jeunesse dont le suicide est la deuxième cause de mortalité, derrière les accidents de la route ? Est-ce la faute de Gérard Depardieu ?
Pourtant ce sont vous, les « humanistes » de Gauche, qui décrivez Gérard Depardieu comme un monstre ignoble, lui qui a pourtant enrichi la France de son talent, de son aura et de sa réussite dans le Panthéon du cinéma, ainsi que de sa volonté à préserver et faire connaître des produits de notre terroir. Lui, qui a développé des activités entrepreneuriales, créatrices de richesse, et permis à des citoyens français de se sentir utiles en accomplissant une activité salariée… et ce, comme plein de petits patrons, ayant la foi du charbonnier, qui meurent chaque jour de votre oubli… et de vos taxes.
Quant au billet qui génère une sensation de pléthore asphyxiante, pardon au vide-pensée de Philippe Torreton, cet immense et sublimissime comédien, ancien conseiller municipal du 9e arrondissement (élu « show-biz » qui fut vice-champion de la chaise vide au Conseil de Paris avec 23 absences sur 44 séances), ex-compagnon de Claire Chazal… en somme le profil type d’un révolté, l’homme intègre qu’on n’achète pas et qui ne fricote pas avec l’éthique et la morale… mais dont les postures sont toujours à l’abri d’amitiés au pouvoir. Où est donc sa naturelle colère face à l’adoption du TSCG, ou encore face à la paupérisation croissante de la classe moyenne française ? Aujourd’hui, il nous montre son nez… aussi long que celui de Bergerac !
Juste un rappel, M. Torreton, la dignité ne s’élève jamais dans le mépris, alors oui, Capitaine Conan, c’est Gérard Depardieu, pas vous.
Ami de Guillaume Depardieu (Paix à son âme), j’ai appris à connaître son père, Gérard Depardieu, par ses seuls témoignages, ses anecdotes évoquées avec parcimonie comme sorties d’un coin de la photographie ou du film Aime ton père… et j’ai aimé l’homme qu’il me décrivait, un fils de prolétaires, un père aimant ses enfants, implacablement humain, et dont le souffle de vie trace d’une main ferme l’espace infini de notre patrimoine culturel.
Merci Gérard.
Morad EL HATTAB, citoyen et patriote français (Co-auteur de KRIZ, éd. Léo Scheer)