Gérard Araud quitte ses fonctions officielles aux USA. L’ambassadeur a donné une longue interview au journal The Atlantic. Connu pour son franc-parler, il évoque en vrac l’administration Trump, le populisme, Israël, Kushner et Macron. Y a du bon et du mauvais, comme dirait Zanini.
Nous n’avons pas tout traduit de l’entretien, juste extrait ce qui représente un intérêt politique, et surtout ce qui n’est pas banal dans la bouche d’un ambassadeur. Peut-être Gérard s’est-il tu pendant trop longtemps...
Pour Gérard, le rôle des Américains en tant que gendarme du monde est terminé. Trump ? Un type brutal, légèrement primitif, mais dans un certain sens il a raison sur le libre marché. John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale ? Un vrai pro, même s’il déteste les organisations internationales. Jared Kushner ? Extrêmement malin, mais il n’a pas de couilles.
Le journal revient sur le tweet malheureux envoyé par l’ambassadeur au moment où Trump a été élu 45e président des États-Unis : « Après le Brexit, après Trump, un monde s’effondre. » Ce qui lui a valu une pluie d’insultes en ligne. Mais l’ex-ambassadeur persiste et signe : « J’avais raison sur le fond, j’avais tort dans la forme. »
Gérard a commencé sa carrière au Moyen-Orient, qu’il connaît bien. À ce titre, il se sent très proche de Jared Kushner, l’atout de Netanyahou dans la main de Trump, ou l’atout de Trump dans la main de Netanyahou, au choix. La preuve, le plan de paix proposé par Jared Kushner est très proche du plan israélien...
Pour Araud, la situation en Israël est allée trop loin pour que la solution à deux États soit encore viable. Et il accuse Trump de cet état de fait. Il raconte ce qu’aurait dit Trump à Macron : « J’ai tout donné aux Israéliens, les Israéliens doivent maintenant me donner quelque chose. » D’accord, mais quoi ?
Pour Araud, le problème réside dans la disproportion des forces entre les deux côtés (israélien et palestinien) : la partie la plus forte n’a pas intérêt à faire des concessions. Et le statu quo – ou le pourrissement de la situation – profite à l’entité israélienne. De toute façon, pense l’ambassadeur, les Palestiniens ne seront jamais des citoyens israéliens à part égale. Cette différence sera inscrite dans la loi, il y aura donc un apartheid de fait. Ce sera un État d’apartheid, ce qu’il est déjà en réalité.
Alors, ce plan de paix de Kushner ? Un homme très intelligent donc, mais pas courageux pour un sou, selon Araud. De plus, le gendre de Trump ne connaît rien à l’histoire, et l’histoire du Proche-Orient est complexe. Kushner est tellement pro-israélien qu’il néglige le fait que les Palestiniens peuvent se retrouver devant un choix dramatique : se rendre ou se suicider, c’est-à-dire tout faire péter, et il est possible qu’ils choisissent la seconde solution.