Plus dure et plus humiliante sera la chute. Tandis que les Occidentaux continuent leurs gesticulations médiatiques, il apparaît de plus en plus clairement que dans quelques semaines, leur soumission à la volonté politique russe sera totale. La victoire russe elle-même est totale, et l’incapacité des Occidentaux à réécrire l’histoire de cette guerre, au contraire des guerres de Yougoslavie, fera de cette défaite américaine une humiliation sans précédent. Cette humiliation rejaillira inéluctablement sur l’Union Européenne, en général, et sur la France en particulier.
La France a en effet manqué une magnifique occasion de jouer son rôle de puissance d’équilibre, entre une Amérique déclinante et agressive, et une Russie surprise par sa propre puissance. La démarche de Nicolas Sarkozy laissait pourtant envisager un brillant succès diplomatique français. Sa précipitation à se rendre en Russie, ne l’a pas empêché de se rendre compte de la situation, et il a fait la seule chose qu’il restait à faire, transmettre les exigences russe au président géorgien. Le fait que ces exigences soient transmises par le président tournant de l’Union Européenne, évitait une trop grande humiliation à Saakachvili. Le processus fonctionna, les hostilités cessèrent. Evidemment, il était désormais trop tard pour éviter à la Géorgie la promenade militaire russe, qui allait annihiler le potentiel militaire géorgien. La Géorgie avait perdu la guerre et elle ne s’en sortait pas si mal.
Ce scénario idéal est mis à mal dès le retour de Sarkozy en France. L’administration américaine, Condoleeza Rice en tête décide d’intervenir. En fait d’intervention, la seule option dont dispose le département d’état est la communication. Après avoir fermement rappelé au président français son devoir d’allégeance et soumis la diplomatie européenne, Condoleeza se lance dans ce qui ressemble plus à un baroud d’honneur, qu’à une véritable campagne diplomatique. Tous les jours depuis deux semaines, nous lisons que les Occidentaux « haussent « ou « durcissent » le ton face une administration russe goguenarde, surprise à la fois par sa propre puissance et par l’agitation stérile de l’Europe et des Etats-Unis.
« L’entrée en guerre » de l’UE lui fera partager une partie de la perte de prestige liée à cette débâcle, mais le grand perdant reste les Etats-Unis. Ni la Géorgie, ni Saakachvili ne comptent dans cet affrontement. L’unique fonction du futur ex-président géorgien est désormais d’attendrir les populations occidentales désinformées et impuissantes. Les conséquences de ce cataclysme militaro-politique seront pour les Etats-Unis bien plus graves que le 11 septembre, qui avait suscité une sympathie mondiale, y compris de la part du président russe de l’époque, Vladimir Poutine.
La défaite américaine est tout d’abord militaire. Il ne fait désormais plus aucun doute que les opérations de nettoyage ethnique en Ossétie et sans doute celle qui devait suivre en Abkhazie ont été organisées, planifiées et vraisemblablement encadrées par les spécialistes américains (126 conseillers au ministère de la défense géorgien, plus de 1000 instructeurs au sein de l’armée géorgienne). Il est intéressant de constater que les unités initialement envoyées en Ossétie étaient équipées entièrement à l’américaine, y compris dans l’uniforme et l’armement léger. En revanche des que l’armée russe a commencé à se faire trop pressante, ces unités ont abandonné le terrain, et ses « unités spéciales » ont laissé la place aux unités régulières géorgiennes complètement dépassées. L’état major russe a confirmé la présence de mercenaires étrangers, notamment des Snipers ukrainiennes qui ne sont pas sans rappeler leurs homologues roumaines employées par l’UCK contre la police serbe en 1998 et 1999. Les conseillers militaires étrangers ne sont pas un élément exceptionnel de la politique étrangère d’un pays, et il ne faut pas s’émouvoir de leur présence, même dans l’encadrement d’un nettoyage ethnique. Les Américains n’ont fait que répéter l’opération « Tempête » en Croatie, qui avait permis l’épuration complète de la Krajina serbe en août 1995. Le tout est de ne pas se faire prendre la main dans le sac comme en Géorgie, mais la véritable catastrophe réside dans le fait que l’armée que l’Amérique a formé pendant plus de deux ans, s’est faite étrier en moins de 48 heures. Qui voudra désormais des conseillers militaires américains pour former ses unités ? Pour ceux qui observent les opérations militaires ou paramilitaires américaines de ces dernières années, ce n’est pas une surprise. Les Etats-Unis disposent de la meilleure aviation au monde, et, sans doute, de la plus mauvaise infanterie, si on fait le rapport entre le niveau d’équipement et les résultats sur le terrain. Consciente de sa faiblesse, l’armée américaine n’a jamais osé mettre le pied au Kosovo, tant que l’armée serbe s’y trouvait, sachant que contre ces guerriers aguerris et dans un milieu géographique défavorable aux déploiements de force massifs, ils n’avaient pas la moindre chance. Certains se souviendront peut-être de l’évacuation en catastrophe de 600 Rangers au début du conflit afghan, complètement gelés dans les montagnes. L’infanterie qui a fait tomber les Talibans était tadjike, pas américaine.
La défaite est politique, car lorsque l’agitation médiatique aura pris fin et que les agences de communication auront démontré qu’elles ne peuvent gagner une guerre à elle seule, il restera le bilan suivant :
Il ne sert à rien d’être un allié des Etats-Unis lorsqu’on est face à une grande puissance. Le fait d’être dans l’OTAN n’aurait rien changé, d’autant plus que l’article 5, qui régit l’intervention des États les uns envers les autres est en fait peu contraignant sur les moyens.
La reconnaissance de l’indépendance des deux provinces par la Russie a pour conséquence, que toute discussion sur l’avenir du Kosovo impliquera le statut des deux nouveaux États du Caucase. Autrement dit la décision russe annule la reconnaissance du Kosovo du mois de février par les Occidentaux. La situation actuelle de l’Ossétie et de l’Abkhazie convient très bien aux Russes même si aucun autre État ne reconnaît les deux républiques.
Les Etats-Unis et l’Europe n’ont aucun moyen de pression sur la Russie en raison des approvisionnements énergétiques d’une part, et en raison du fait que la Russie est un des marchés les plus prometteurs pour les sociétés étrangères. Cette semaine s’est tenu à Moscou le premier salon de l’automobile de niveau international, et le conflit géorgien n’a absolument pas influé sur le bon déroulement de l’événement. La Russie est désormais le premier marché automobile européen.
Concernant le gaz, il est important de noter que la Russie, dans sa volonté de s’en prendre au gouvernement de Saakachvili et pas au peuple géorgien (plus de 300 000 Géorgiens à Moscou), n’a pas utilisé cette arme contre la Géorgie. Après avoir appris les réalités militaires, politiques et géographiques, les occidentaux vont apprendre les réalités climatiques. L’hiver approche, personne ne peut se passer du gaz russe en Europe et encore moins dans le Caucase où il peut faire très froid.
Les anciennes républiques soviétiques qui avaient des velléités de persécuter leur minorité russe vont y réfléchir à deux fois.
Le gouvernement ukrainien devrait être largement déstabilisé par cette crise. L’Ukraine est peuplée pour moitié par des Russes et à 80% en ce qui concerne la Crimée. En outre les dirigeants ukrainiens sont en passe d’être éclaboussés par le scandale des ventes d’armes à la Géorgie, qui n’ont pas rapporté un Kopek au budget ukrainien. Le Parti des Régions, pro-russe, a demandé une commission d’enquête parlementaire. Certains analystes considèrent que l’incendie qui a détruit, ces derniers jours, un dépôt de munitions ukrainiens était en fait destiné à camoufler les malversations liées à ces ventes d’armes.
L’Europe diplomatique aura montré son inefficacité face à la Russie, les pays réalistes comme l’Allemagne et l’Italie vont privilégier désormais leur relation bilatérale, espérons que la France en fera autant.
L’OTAN aura de plus en plus de mal à justifier son existence, par son inutilité politique et par son inefficacité militaire.
Le prochain président américain aura à gérer, non seulement le déclin économique de l’Amérique, mais également son déclin politico-militaire. En fonction de la nature de la prochaine administration américaine, on peut craindre une nouvelle guerre contre un petit pays, afin de redorer son image de puissance mondiale, ce qu‘elle n‘est définitivement plus.
En ce qui concerne l’instabilité dans le Caucase, l’opération russe devrait renforcer son pouvoir dans la région, la force étant une valeur communément reconnue dans cette région. On notera que la Russie a engagé des unités tchétchènes dans les opérations en Géorgie. Quelques attentats sont à prévoir en Tchétchénie ou aux Daguestan, mais rien de significatif. Les services américains ne peuvent plus jouer au jeu qui risquerait de précipiter la livraison de SA-300 et de Kornet en Iran ou en Syrie.
On peut s’attendre à quelques opérations de communications et autres trucages du côté américano-géorgien. RIA Novesti a publié une dépêche dans laquelle il est dit les unités géorgiennes auraient regroupé les cadavres des soldats géorgiens pour simuler un charnier.
Saakachvili sera a priori lâché par les Américains dans la mesure il deviendra vraiment gênant. Il subira le sort de ces chefs d’État qui se croyaient intouchables après avoir servi fidèlement l’oncle Sam. Citons simplement le Shah d’Iran, Saddam Hussein, Slobodan Milosevic, le général Noriega…
Le seul risque que nous voyons à moyen terme, est que le gouvernement russe prenne goût à ces victoires faciles. Nous n’avons pu qu’apprécier la retenue de la Russie après la reconnaissance du Kosovo, elle aurait pu alors immédiatement reconnaître les deux républiques caucasiennes. Nous avons apprécié la retenue de la Russie au moment de la révolution orange en Ukraine, lorsqu’elle a compris que les Etats-Unis étaient prêts à déclencher une guerre civile plutôt que de laisser le pouvoir au parti pro-russe. Nous avons apprécié enfin la mesure de la contre-attaque russe en Géorgie. Alors que l’armée géorgienne avait utilisé les systèmes « Grad » (lance-roquettes multiples, peu précis mais très meurtriers dans des zones habitées), alors que contrairement aux conventions de Genève, la télé géorgienne a montré et même questionné un pilote russe blessé et complètement groggy dans une civière, les Russes ont retenu leurs coups alors qu’ils auraient pu faire de la Géorgie un tas de cendre. Les Serbes n’ont pas fait au Kosovo le dixième de ce qu’a fait Saakachvili. Belgrade a été bombardé par les promoteurs de la riposte proportionnée, ainsi que des objectifs civils, l’ambassade de Chine, les industries, les ponts sur le Danube, les colonnes de réfugiés.
Nous pensons comme Emmanuel Todd que la Russie doit devenir un pôle de stabilité pour le monde car elle a tout et n’a besoin de rien, sauf de rétablir sa démographie. Nous pensons aussi que la Russie est la pénétrante de l’Europe vers l’Asie et qu’elle doit s’unir au vieux continent. Pat Buchanan dans un récent article comparait la situation actuelle à celle de l’Italie mussolinienne, que l’Angleterre et la France ont jetée dans les bras de l’Allemagne, alors que Mussolini, ami personnel de Dolfuss, voulait faire payer au dictateur allemand, le meurtre de ce dernier. Nous espérons ardemment que l’administration du président Medvedev conservera la ferme mesure qui a caractérisé celle du président Poutine.
E&R
La France a en effet manqué une magnifique occasion de jouer son rôle de puissance d’équilibre, entre une Amérique déclinante et agressive, et une Russie surprise par sa propre puissance. La démarche de Nicolas Sarkozy laissait pourtant envisager un brillant succès diplomatique français. Sa précipitation à se rendre en Russie, ne l’a pas empêché de se rendre compte de la situation, et il a fait la seule chose qu’il restait à faire, transmettre les exigences russe au président géorgien. Le fait que ces exigences soient transmises par le président tournant de l’Union Européenne, évitait une trop grande humiliation à Saakachvili. Le processus fonctionna, les hostilités cessèrent. Evidemment, il était désormais trop tard pour éviter à la Géorgie la promenade militaire russe, qui allait annihiler le potentiel militaire géorgien. La Géorgie avait perdu la guerre et elle ne s’en sortait pas si mal.
Ce scénario idéal est mis à mal dès le retour de Sarkozy en France. L’administration américaine, Condoleeza Rice en tête décide d’intervenir. En fait d’intervention, la seule option dont dispose le département d’état est la communication. Après avoir fermement rappelé au président français son devoir d’allégeance et soumis la diplomatie européenne, Condoleeza se lance dans ce qui ressemble plus à un baroud d’honneur, qu’à une véritable campagne diplomatique. Tous les jours depuis deux semaines, nous lisons que les Occidentaux « haussent « ou « durcissent » le ton face une administration russe goguenarde, surprise à la fois par sa propre puissance et par l’agitation stérile de l’Europe et des Etats-Unis.
« L’entrée en guerre » de l’UE lui fera partager une partie de la perte de prestige liée à cette débâcle, mais le grand perdant reste les Etats-Unis. Ni la Géorgie, ni Saakachvili ne comptent dans cet affrontement. L’unique fonction du futur ex-président géorgien est désormais d’attendrir les populations occidentales désinformées et impuissantes. Les conséquences de ce cataclysme militaro-politique seront pour les Etats-Unis bien plus graves que le 11 septembre, qui avait suscité une sympathie mondiale, y compris de la part du président russe de l’époque, Vladimir Poutine.
La défaite américaine est tout d’abord militaire. Il ne fait désormais plus aucun doute que les opérations de nettoyage ethnique en Ossétie et sans doute celle qui devait suivre en Abkhazie ont été organisées, planifiées et vraisemblablement encadrées par les spécialistes américains (126 conseillers au ministère de la défense géorgien, plus de 1000 instructeurs au sein de l’armée géorgienne). Il est intéressant de constater que les unités initialement envoyées en Ossétie étaient équipées entièrement à l’américaine, y compris dans l’uniforme et l’armement léger. En revanche des que l’armée russe a commencé à se faire trop pressante, ces unités ont abandonné le terrain, et ses « unités spéciales » ont laissé la place aux unités régulières géorgiennes complètement dépassées. L’état major russe a confirmé la présence de mercenaires étrangers, notamment des Snipers ukrainiennes qui ne sont pas sans rappeler leurs homologues roumaines employées par l’UCK contre la police serbe en 1998 et 1999. Les conseillers militaires étrangers ne sont pas un élément exceptionnel de la politique étrangère d’un pays, et il ne faut pas s’émouvoir de leur présence, même dans l’encadrement d’un nettoyage ethnique. Les Américains n’ont fait que répéter l’opération « Tempête » en Croatie, qui avait permis l’épuration complète de la Krajina serbe en août 1995. Le tout est de ne pas se faire prendre la main dans le sac comme en Géorgie, mais la véritable catastrophe réside dans le fait que l’armée que l’Amérique a formé pendant plus de deux ans, s’est faite étrier en moins de 48 heures. Qui voudra désormais des conseillers militaires américains pour former ses unités ? Pour ceux qui observent les opérations militaires ou paramilitaires américaines de ces dernières années, ce n’est pas une surprise. Les Etats-Unis disposent de la meilleure aviation au monde, et, sans doute, de la plus mauvaise infanterie, si on fait le rapport entre le niveau d’équipement et les résultats sur le terrain. Consciente de sa faiblesse, l’armée américaine n’a jamais osé mettre le pied au Kosovo, tant que l’armée serbe s’y trouvait, sachant que contre ces guerriers aguerris et dans un milieu géographique défavorable aux déploiements de force massifs, ils n’avaient pas la moindre chance. Certains se souviendront peut-être de l’évacuation en catastrophe de 600 Rangers au début du conflit afghan, complètement gelés dans les montagnes. L’infanterie qui a fait tomber les Talibans était tadjike, pas américaine.
La défaite est politique, car lorsque l’agitation médiatique aura pris fin et que les agences de communication auront démontré qu’elles ne peuvent gagner une guerre à elle seule, il restera le bilan suivant :
Il ne sert à rien d’être un allié des Etats-Unis lorsqu’on est face à une grande puissance. Le fait d’être dans l’OTAN n’aurait rien changé, d’autant plus que l’article 5, qui régit l’intervention des États les uns envers les autres est en fait peu contraignant sur les moyens.
La reconnaissance de l’indépendance des deux provinces par la Russie a pour conséquence, que toute discussion sur l’avenir du Kosovo impliquera le statut des deux nouveaux États du Caucase. Autrement dit la décision russe annule la reconnaissance du Kosovo du mois de février par les Occidentaux. La situation actuelle de l’Ossétie et de l’Abkhazie convient très bien aux Russes même si aucun autre État ne reconnaît les deux républiques.
Les Etats-Unis et l’Europe n’ont aucun moyen de pression sur la Russie en raison des approvisionnements énergétiques d’une part, et en raison du fait que la Russie est un des marchés les plus prometteurs pour les sociétés étrangères. Cette semaine s’est tenu à Moscou le premier salon de l’automobile de niveau international, et le conflit géorgien n’a absolument pas influé sur le bon déroulement de l’événement. La Russie est désormais le premier marché automobile européen.
Concernant le gaz, il est important de noter que la Russie, dans sa volonté de s’en prendre au gouvernement de Saakachvili et pas au peuple géorgien (plus de 300 000 Géorgiens à Moscou), n’a pas utilisé cette arme contre la Géorgie. Après avoir appris les réalités militaires, politiques et géographiques, les occidentaux vont apprendre les réalités climatiques. L’hiver approche, personne ne peut se passer du gaz russe en Europe et encore moins dans le Caucase où il peut faire très froid.
Les anciennes républiques soviétiques qui avaient des velléités de persécuter leur minorité russe vont y réfléchir à deux fois.
Le gouvernement ukrainien devrait être largement déstabilisé par cette crise. L’Ukraine est peuplée pour moitié par des Russes et à 80% en ce qui concerne la Crimée. En outre les dirigeants ukrainiens sont en passe d’être éclaboussés par le scandale des ventes d’armes à la Géorgie, qui n’ont pas rapporté un Kopek au budget ukrainien. Le Parti des Régions, pro-russe, a demandé une commission d’enquête parlementaire. Certains analystes considèrent que l’incendie qui a détruit, ces derniers jours, un dépôt de munitions ukrainiens était en fait destiné à camoufler les malversations liées à ces ventes d’armes.
L’Europe diplomatique aura montré son inefficacité face à la Russie, les pays réalistes comme l’Allemagne et l’Italie vont privilégier désormais leur relation bilatérale, espérons que la France en fera autant.
L’OTAN aura de plus en plus de mal à justifier son existence, par son inutilité politique et par son inefficacité militaire.
Le prochain président américain aura à gérer, non seulement le déclin économique de l’Amérique, mais également son déclin politico-militaire. En fonction de la nature de la prochaine administration américaine, on peut craindre une nouvelle guerre contre un petit pays, afin de redorer son image de puissance mondiale, ce qu‘elle n‘est définitivement plus.
En ce qui concerne l’instabilité dans le Caucase, l’opération russe devrait renforcer son pouvoir dans la région, la force étant une valeur communément reconnue dans cette région. On notera que la Russie a engagé des unités tchétchènes dans les opérations en Géorgie. Quelques attentats sont à prévoir en Tchétchénie ou aux Daguestan, mais rien de significatif. Les services américains ne peuvent plus jouer au jeu qui risquerait de précipiter la livraison de SA-300 et de Kornet en Iran ou en Syrie.
On peut s’attendre à quelques opérations de communications et autres trucages du côté américano-géorgien. RIA Novesti a publié une dépêche dans laquelle il est dit les unités géorgiennes auraient regroupé les cadavres des soldats géorgiens pour simuler un charnier.
Saakachvili sera a priori lâché par les Américains dans la mesure il deviendra vraiment gênant. Il subira le sort de ces chefs d’État qui se croyaient intouchables après avoir servi fidèlement l’oncle Sam. Citons simplement le Shah d’Iran, Saddam Hussein, Slobodan Milosevic, le général Noriega…
Le seul risque que nous voyons à moyen terme, est que le gouvernement russe prenne goût à ces victoires faciles. Nous n’avons pu qu’apprécier la retenue de la Russie après la reconnaissance du Kosovo, elle aurait pu alors immédiatement reconnaître les deux républiques caucasiennes. Nous avons apprécié la retenue de la Russie au moment de la révolution orange en Ukraine, lorsqu’elle a compris que les Etats-Unis étaient prêts à déclencher une guerre civile plutôt que de laisser le pouvoir au parti pro-russe. Nous avons apprécié enfin la mesure de la contre-attaque russe en Géorgie. Alors que l’armée géorgienne avait utilisé les systèmes « Grad » (lance-roquettes multiples, peu précis mais très meurtriers dans des zones habitées), alors que contrairement aux conventions de Genève, la télé géorgienne a montré et même questionné un pilote russe blessé et complètement groggy dans une civière, les Russes ont retenu leurs coups alors qu’ils auraient pu faire de la Géorgie un tas de cendre. Les Serbes n’ont pas fait au Kosovo le dixième de ce qu’a fait Saakachvili. Belgrade a été bombardé par les promoteurs de la riposte proportionnée, ainsi que des objectifs civils, l’ambassade de Chine, les industries, les ponts sur le Danube, les colonnes de réfugiés.
Nous pensons comme Emmanuel Todd que la Russie doit devenir un pôle de stabilité pour le monde car elle a tout et n’a besoin de rien, sauf de rétablir sa démographie. Nous pensons aussi que la Russie est la pénétrante de l’Europe vers l’Asie et qu’elle doit s’unir au vieux continent. Pat Buchanan dans un récent article comparait la situation actuelle à celle de l’Italie mussolinienne, que l’Angleterre et la France ont jetée dans les bras de l’Allemagne, alors que Mussolini, ami personnel de Dolfuss, voulait faire payer au dictateur allemand, le meurtre de ce dernier. Nous espérons ardemment que l’administration du président Medvedev conservera la ferme mesure qui a caractérisé celle du président Poutine.
E&R