Après l’avoir vilipendé de son vivant, chassé de ses murs et brûlé ses livres jugés trop subversifs, la ville de Genève s’est mise en quatre jeudi, 300 ans après sa naissance, pour célébrer dignement son illustre citoyen, Jean-Jacques Rousseau, né dans une maison au coeur de la vieille ville le 28 juin 1712.
Cortèges, discours, banquet républicain, fresque souvenir, films, présence de philosophes français, comme Luc Ferry, ont ponctué cette journée d’hommage exceptionnel au philosophe de langue française (1712-1778), organisée par la ville qui a donné le nom de Rousseau à une île sur le Rhône, face au lac Léman.
A Berne, capitale politique de la Suisse, le ministère des Affaires étrangères a aussi tenu à s’associer à ces célébrations avec la publication d’un petit livre appelé Jean-Jacques Rousseau et la Suisse, destiné à mieux faire connaître à un large public la "modernité et la "suissitude" de la pensée de Rousseau".
Le livre, écrit par l’historien genevois Stéphane Garcia, rappelle ce que la Suisse doit à Rousseau, "les grands principes régissant la démocratie directe, la souveraineté populaire, et le respect de la nature et de l’environnement".
Pourtant, "à cause de ses prises de position, allant souvent contre la pensée établie, Rousseau (a vécu) de manière très mouvementée", rappelle le site présentant les manifestations, 2012 Rousseau pour tous : http://ville-ge.ch/culture/rousseau/
"Critiqué, malmené, il est souvent contraint à l’isolement et à l’exil. Certaines de ses œuvres sont d’ailleurs censurées et brûlées publiquement, de son vivant."
Aujourd’hui, pour son tricentenaire, l’éditeur genevois Michel Slatkine publie les oeuvres complètes du philosophe, une oeuvre représentant 24 volumes et quatre ans de travail.
Le philosophe des Lumières a aussi mis le monde français de l’édition en émoi avec près de 300 nouveaux ouvrages qui lui sont consacrés cette année. Parmi les nombreux hommages qui lui sont rendus en Suisse, il faut signaler une exposition sur Madame de Warens, sa muse et protectrice, à Vevey, sur les bords du Léman.
Rousseau rencontre Mme de Warens à l’âge de 16 ans, lorsqu’il quitte Genève pour la Savoie voisine. La jeune femme, qui a 13 ans de plus que lui, sera sa première passion. D’une grande intelligence, elle fut l’éducatrice sentimentale de Rousseau, qui l’appellera Maman jusqu’à la fin de sa vie, et lui ouvrira les portes des salons parisiens.
En 1754, à l’âge de 42 ans, Rousseau redevient citoyen de la ville de Genève, cette fois avec sa compagne Thérèse Levasseur, la mère de ses cinq enfants, tous abandonnés à l’Assistance Publique. Quatre mois plus tard il repart pour Paris, où il est certain de ne pas rencontrer Voltaire, qu’il n’aime pas. Celui-ci s’est installé à Ferney, à deux pas de la frontière suisse et de Genève.
A Paris, Jean-Jacques Rousseau rédige Emile, son traité sur l’éducation, ainsi que Du Contrat Social, deux ouvrages écrits en 1762, qui déplaisent aux Français et l’obligent à reprendre le chemin de l’exil. Comme ni Genève, ni Berne ne veulent de lui, c’est à Neuchâtel qu’il trouva refuge.
Considéré comme son oeuvre la plus importante, ouvrant par le célèbre aphorisme, "L’homme est né libre et partout il est dans les fers", le Contrat social a été considéré comme une Bible par les révolutionnaires de 1789. Les idées novatrices et le mode de vie libertaire du philosophe des Lumières lui valent d’être mis au ban tour à tour de la Genève calviniste et de la France monarchiste.
"Il meurt en 1778, à Ermenonville, dans le nord de la France, abandonné de presque tous. La portée de son œuvre est cependant si universelle que Rousseau sera réhabilité et même porté aux nues peu après sa mort", rappelle le site 2012 Rousseau pour tous. Ses cendres seront transférées au Panthéon, à Paris, en 1794. Il y repose toujours à côté de Voltaire, son ennemi juré, mort 33 jours avant lui.