Hier soir, François Hollande intervenait sur France 2 dans un contexte d’impopularité record. S’il s’est voulu volontiers combatif dans la forme, le pédalo présidentiel continue à tourner à vide sur le fond, rabâchant des mesures qui ne donnent et ne donneront rien. Pas de remise en cause, juste des rustines.
L’impasse de la croissance
Le président de la République a eu bien du culot d’affirmer que « nous n’avions pas anticipé que cette crise allait durer plus longtemps que prévu ». Ce faisant, il se place comme un commentateur de l’actualité et non comme un acteur. Car si on ne peut pas lui imputer la responsabilité du niveau de la croissance pour 2012, en revanche, il est bel et bien responsable de ce qui va arriver en 2013. Et il est bien évident, comme l’a souligné Jacques Sapir sur Twitter, que les plans d’austérité mis en place à son arrivée au pouvoir allaient avoir un impact significatif (et négatif) sur la croissance.
À ce titre, il est risible qu’il ait osé dire que « prolonger l’austérité, c’est le risque de ne pas aboutir à réduire les déficits et la certitude d’avoir des gouvernements impopulaires dont les populistes feront une bouchée le moment venu ». Si le constat est juste, il faut noter que nous le disions il y a plus de trois ans déjà et surtout que, comme sous Nicolas Sarkozy, le président de la République tient un discours et fait autre chose. Car dans les faits, il a été le premier à prolonger l’austérité, même s’il a fini par renoncer à l’objectif de réduction du déficit public à 3% du PIB dès 2013.
Surtout, ne pas fâcher
Ce qui est assez marquant dans cette intervention, c’est que François Hollande a finalement pris très peu de risques. Toutes les promesses de simplification de l’administration, ou d’amélioration de la politique d’achat de l’État ne déplaieront à personne. Il a également promis de ne plus monter les impôts et de réduire les déficits par des économies sur le train de vie de l’État. Heureusement, il a annoncé qu’il n’y aura pas de coupes massives dans le budget de la défense. Il a annoncé le énième déblocage de la participation des ménages pour six mois pour soutenir la consommation.
Sur les allocations familiales, il a logiquement (mais malheureusement) tranché en faveur d’une réduction des allocations familiales pour les ménages les plus aisés, ce qui va rompre le principe fondateur d’universalité de notre système de protection sociale. Devant la grogne des chefs d’entreprise, il a annoncé qu’il va réduire la fiscalité sur la transmission d’entreprise. Et devant les manifestations contre le projet gouvernemental de mariage pour tous, il semble prêt à sacrifier la PMA. En revanche, il a annoncé un probable allongement de la durée des cotisations retraite.
Le mauvais constat
En fait, ce qui frappe avec cette émission, c’est que le président de la République a tout simplement esquivé les sujets qui fâchent. Il n’a fait aucune analyse sérieuse de la crise de la zone euro, appelant seulement à « ne pas prolonger l’austérité » alors qu’il faut le contraire. Rien sur les politiques désastreuses de dévaluation interne qui provoquent une immense régression sociale en Grèce, en Espagne, au Portugal ou en Irlande. Et naturellement, rien sur les divergences franco-allemandes.
Illustrant totalement mon papier de la veille, François Hollande a affirmé que « trouver la croissance, c’est être plus compétitif que les autres ». Pourtant, si tous les pays mènent la même politique visant à améliorer leur compétitivité et à réduire le coût de leur travail, alors le continent européen sera en dépression. Et ce ne sont pas les 20 milliards du plan de l’automne qui changera grand chose sachant que le coût horaire moyen du travail en France est de 34,9 euros contre 3,7 en Bulgarie.
Bref, le président s’est contenté de gadgets dans un cadre néolibéral qu’il ne remet pas en cause, faute d’un bon constat. Dès lors, sa promesse d’inversion de la courbe du chômage à la fin de l’année semble très présomptueuse. En clair, il va dans le mur et il accélère en essayant de ne pas déplaire.