En d’autres temps (les années 80), Le Gay-Pied se voulait un journal subversif mais il était plus sûrement un Paris Boum Boum de petites annonces, lesté de quelques textes des derniers penseurs de l’homosexualité asociale. Puis ce fut la décennie du sida, des médicaments et du retour à la « consommation ». Il ne sera plus question de politique : les homos sont devenus des hétéros comme les autres, la gauche culturelle a gagné, les cathos sont rentrés dans leur niche. Il reste un lobby LGBT surpuissant, calqué sur le modèle du lobby sioniste, avec sa Shoah – les morts du sida –, ses nazis – les hétéros – et ses libérateurs – la gauche sociétale incarnée par Lang (Jack, pas Fritz).
Ce premier signe d’une communautarisation de la subversion sera suivi de bien d’autres. Tout le monde appliquera à son église les principes inventés par Hara-Kiri en 1960. Un demi-siècle plus tard, toute la presse française ou presque est déficitaire, en chute contrôlée ou en chute libre : les lecteurs ne veulent plus payer pour une propagande trop bête et trop chère. Dans le secteur de l’humour, la précarité économique chronique et la normalisation politique ont tout rasé : il ne reste plus grand-chose debout.
Quatre ans après l’attentat et malgré les millions venus du monde entier, Charlie Hebdo périclite : les ventes baissent, la sécurité coûte cher, et l’antipopulisme virulent ne fait plus recette dans le pays des Gilets jaunes en révolte nationale et sociale. En 2015, le mouvement de solidarité avait porté les ventes et les abonnements à un niveau jamais atteint : 100 000 exemplaires en kiosques et 200 000 abonnés. En 2018, la barcasse reprend son rythme de croisière à moins de 30 000 ventes en kiosques et moins de 30 000 abonnés. L’esprit « Je Suis Charlie » s’éteint à petit feu.
Face à Charlie, il restait un journal subversif mais au sens gauchiste, celui du couple Siné ou Sinet. Madame gérait, monsieur dessinait et animait la joyeuse équipe. Siné avait été viré de Charlie par Philippe Val, invité logique au dernier dîner du CRIF. Il avait accusé le dessinateur d’antisémitisme suite à une vanne sur le mariage du fils Sarkozy avec l’héritière Darty...
Mais Siné Hebdo n’ira pas beaucoup mieux que Charlie Hebdo : après avoir dépassé le canard de Val le jour de sa sortie, l’hebdo coule en 2010 pour être remplacé en 2011 par Siné Mensuel, moins risqué économiquement, sous la direction de Catherine Sinet et Emmanuelle Veil. On reste entre potes gauchistes tendance Mélenchon, avec une fibre écolo, féministe et antilibérale. Malheureusement, en 2015, Emmanuelle quitte le navire pour fonder Le journal minimal . Elle répond en passant à une interview :
« J’étais à Charlie au moment des caricatures de Mahomet. Nous, on était menacés, j’étais beaucoup là, j’avais peur. Lorsqu’est arrivé le bénéfice des ventes du numéro avec les caricatures, tout est allé aux actionnaires. Les gens qui étaient jamais là palpaient, et nous, nous avions eu en tout et pour tout 1 500 euros de prime de risque. Je m’étais dit à ce moment-là : ‘Philippe Val est un voleur’. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, ils reproduisent ça. Je n’ose pas imaginer l’ambiance atroce qui règne là-bas. Un journal de gauche alternatif comme Charlie Hebdo doit être exemplaire. L’idée d’une coopérative leur correspond plus : ce n’est pas un journal capitaliste, ce n’est pas ce qu’il défend. »
Bien vu (on espère que ces quelques lignes ne vont pas lui coûter sa carrière car chez E&R on a un super pouvoir, dès qu’on cite quelqu’un sa carrière est foutue).
On peut dire que le capitalisme et le communautarisme ont bouffé l’esprit libertaire qui animait les débuts de tous ces canards. Emmanuelle explique pourquoi elle a lâché la presse dite subversive :
« J’ai désormais envie de parler avec empathie et douceur de l’actualité. À Charlie et à Siné, tu critiques, tu critiques, et tu tournes en rond. »
Selon nous, c’est surtout que le logiciel gauchiste est inadapté au temps présent. Se foutre de la gueule des flics et des curés, l’inséparable duo « Font & Val » le faisait il y a plus de 50 ans et ce, de 1970 à 1995 !
Ici Patrick (pédophile devenu mort) & Philippe (gauchiste devenu atlantiste) chantent l’anti-France :
Les Spice Girls de l’humour autorisé
Résultat de tous ces reniements, alignements et soumissions : un Siné Madame sort ce 17 avril 2019.
On a visionné la gestation du premier numéro en images animées, avec Charline (Vanhœnacker), la donneuse de leçons de France Inter, Juliette Arnaud, la comédienne qui « teste un gel orgasmique » et qui sort la vanne ultra subversive « on a toutes un truc en commun avec Christine Boutin », Constance la grosse exhib qui fait dans l’humour porno, la sempiternelle féministe Isabelle Alonso et Zoé Thouron, fille du dessinateur Lefred-Thouron.
Finalement, le gauchisme est une grande famille de pensée unique. Nous y avons trouvé des échantillons lourds de féminisme, de clitorisme, d’antiracisme, d’antichristianisme et d’européisme. On sent qu’on va bien se marrer...