Chef de file du « crudivorisme » pour certains, attaqué frontalement par d’autres, Thierry Casasnovas est l’un des Youtubeurs francophone siglé « alimentation vivante » les plus populaires. En 2011, c’est extrêmement amaigri qu’il tourne les premières vidéos d’une chaîne qui cumule aujourd’hui huit millions de vues. Si le discours du catalan ne peut s’appuyer sur un physique à la Gilles Lartigot, son travail de vulgarisation de la physiologie séduit ou rebute sans nuance. Il reste néanmoins une référence pour de nombreuses personnes ayant expérimenté le « tout cru ». Nous l’avons rencontré pour une looongue interview afin que chacun puisse se faire une idée. Passionné altruiste ou leader illuminé ? Comme pour ses vidéos, il faut un peu de temps devant soit pour explorer la planète Casasnovas...
Bonjour Thierry, peux-tu nous dire qui tu es ?
J’ai 41 ans, je suis né en Catalogne, au bord de la mer. Il y a cinq ans, je me suis mis à faire des vidéos pour parler d’alimentation crue et, petit à petit, ça a pris de l’ampleur. Rapidement, j’y ai inclus d’autres thèmes car j’ai commencé à m’intéresser aux conditions qui font que l’être humain fonctionne à peu près et je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas que l’alimentation.
Tu es quelqu’un de prolixe, on te le reproche parfois. Pourrais-tu nous résumer « La Physiologie pour les Nuls » en quelques mots ?
Pour simplifier les choses, le corps a deux besoins : recevoir une alimentation appropriée, et avoir l’énergie nerveuse pour pouvoir l’utiliser. Je parle d’alimentation à tous les niveaux : nutrition, relations, environnement... Entre le parc où nous sommes maintenant et un appartement qui donne sur le mur d’en face, ces deux contextes ne te nourrissent pas de la même façon.
Le système glandulaire est ce qui permet au système nerveux de faire fonctionner les organes. Une fois qu’un individu a suffisamment de ressources nerveuses et qu’il s’alimente de façon appropriée, il fonctionne de manière correcte. Il y a une période d’ajustement pendant laquelle les produits toxiques accumulés s’évacuent. C’est assez simple, ça paraît « Bisounours » ! Mais si tu as les ressources adéquates, tu décrasses et ça redémarre.
Le problème est le manque d’énergie nerveuse. Certaines personnes témoignent que manger cru les a transformé en trois mois, tous leurs problèmes de santé ont disparu, ils se mettent à courir des 50kms... D’autres se sont mis à manger cru il y a un an, avec beaucoup de sérieux, et leur état ne bouge pas. La seule différence est l’énergie nerveuse. Quand on dit de quelqu’un qu’il est « fatigué de naissance », ce n’est pas pour rien ! Il y a vraiment des gens qui naissent épuisés et pour qui le simple fait de manger cru ne suffit pas. Pour le reste des gens, ça fonctionne.
Comment tu as connu l’alimentation vivante ?
De force ! J’étais mourant, j’avais une tuberculose très avancée, une hépatite C et une pancréatite aiguë. J’avais perdu la moitié de mon poids puisque je pesais à peu près 30 kilos pour 1m75, pour un poids de forme à 60 kilos. Je ne pouvais plus marcher, j’ai enchaîné plusieurs arrêts cardiaques. Entre mes 27 ans et mes 33 ans, j’ai passé quasiment sept ans d’agonie.
À 27 ans, je voyageais en vélo au sud du Maroc et j’ai attrapé une infection à la salmonelle. On m’a traité avec une antibio-thérapie très costaud. J’ai commencé à perdre du poids, à tomber en dépression. Bref, je me suis effondré et j’ai passé sept ans à décliner petit à petit. Je me suis retrouvé mourant. J’ai fais des prélèvements dans plusieurs hôpitaux. J’en ai un souvenir plutôt douloureux. Je me sentais comme un numéro qu’on passe en revue.
J’avais deux copains qui mangeaient cru et m’avaient dit plusieurs fois que cela pouvait me changer la vie. J’essayais déjà de travailler sur mon alimentation mais en étant végétarien, avec beaucoup de céréales et de légumineuses. Je pensais manger à peu près bien. Quand, les médecins ont finit par me dire texto : « Rentrez chez vous pour mourir », j’ai quand même essayé de manger cru.
Tu peux raconter tes débuts ? Comment as-tu commencé un jour à "manger cru" ?
C’était compliqué, comme pour tout le monde. On passe d’un carburant à un autre, on n’a aucun repère. Dans mon cas, il y avait en plus une forme d’urgence. On m’a mis un ou deux livres entre les mains et j’ai essayé de bricoler avec ça. J’ai aussi été accueilli par une personne qui était crudivore depuis plus de trente ans et m’a donné les rudiments de ce mode alimentaire. Ensuite, j’ai mangé, mangé, mangé. Des quantités énormes. C’était drôle parce que je n’avais pas les codes, mis à part mes quelques bouquins. Il n’y avait pas de vidéos sur le Net. Cela a explosé en huit ans. J’ai donc fait beaucoup d’erreurs et je me retrouvais malade certains soirs d’avoir trop mangé du même truc.
Mais en l’espace de quelques mois, j’ai repris du poids, j’ai arrêté de cracher du sang, mon pancréas s’est remis. Au bout d’un moment, je n’ai plus fait d’analyses. Pendant les trois années qui suivirent, j’ai passé mon temps à essayer de me retaper. Après ça, je me suis retrouvé retapé mais je m’ennuyais totalement. Je vivais de peu, je ne faisais rien. J’ai donc décidé de partir en Indonésie et c’est là que j’ai commencé à faire des vidéos.
Il ne faut pas croire que mon but était altruiste au départ. Je voulais partager pour ne pas rester sans rien faire ! Ensuite, cela a pris beaucoup plus d’ampleur pour moi, sans que ce soit réfléchi.
Tu as fait des erreurs à éviter lorsque l’on change d’alimentation ?
Oui, beaucoup trop de mélange, trop en quantité. J’avais une compulsion alimentaire et beaucoup de mal à me combler. Je me suis surchargé en fruits secs, ce que tout le monde fait au début je crois. Je crois qu’on a tous besoin de cette lourdeur des oléagineux au début. Petit à petit, ce besoin décroît. Je crois que ce ne sont pas tant des erreurs que des passages obligés.
On passe quand même d’un carburant très concentré, car il y a peu d’eau dans l’alimentation cuite, à un carburant relativement « déconcentré ». Il faut aussi le temps pour que ton système intestinal s’adapte et assimile bien. Il y a obligatoirement quelques temps pendant lesquels « ça crachote » un peu, comme lorsque l’on change de carburant pour un moteur.
Ce qui intéressant quand on commence à manger cru, c’est qu’il n’y a pas tant de règles diététiques à connaître. Tu n’es pas soumis à leurs diktats, tu peux faire ta propre expérience. Certains ont essayé de théoriser, de chiffrer les calories, etc... Je trouve que c’est vraiment rater la cible. Pour une fois, on peut se détacher du modèle culpabilisant dont on a l’habitude pour apprendre à être dans le plaisir et à ressentir nos vrais besoins.
Au début, on fait donc obligatoirement des erreurs. Parfois, on va par exemple au-delà de ses besoins, et c’est comme cela que l’on apprend à fixer nos limites. C’est un apprentissage à faire.