Ce militant depuis 15 ans au Front national se dit victime d’une exclusion du bureau politique en raison de sa confession musulmane et de son engagement pro-palestinien.
Coup de tonnerre cet après-midi au congrès du Front national. Au terme d’une conférence de presse à laquelle participaient Marine Le Pen et son père, Farid Smahi, membre du bureau politique, qui nous avait fait part hier de sa fierté d’être au FN, vient d’annoncer qu’il claquait la porte du parti : « C’est fini ! J’ai été trahi ! Marine montre qu’on ne veut pas de musulmans au FN ! »
L’homme, visiblement hors de lui, vient de perdre son poste au bureau politique, une place importante dans l’organigramme du Front. « Ferme ta gueule ! » lui lance Wallerand de Saint-Just, le trésorier du parti, pendant qu’un membre du comité central, conscient du désordre que cet esclandre peut provoquer alors que toutes les caméras sont là, tente de raisonner Smahi, qui lance à Wallerand : « Sioniste ! » Le service d’ordre du FN essaie de mater discrètement les caméramans, mais ceux-ci ne se laissent pas faire : « Lâche mon bras ! », « Touche pas ma caméra ! », crient-ils. Un des hommes du DPS, le service d’ordre du FN, trébuche dans les escaliers en tentant d’arrêter un journaliste qui court derrière la troupe de ses confrères.
Farid Smahi a été un compagnon de route de Jean-Marie Le Pen durant plus de 15 ans, il vit très mal sa sortie selon lui forcée du bureau politique du parti, sous la nouvelle ère Marine : « C’est une désillusion pour moi ! », crie t-il. « Ecoutez, il y a des désillusions partout dans la vie, en amour, en amitié. Farid est déçu, c’est normal quand on s’attend à quelque chose et qu’on ne l’obtient pas. Il a décidé de partir, c’est sa décision », me confie Jean-Marie Le Pen. La veille c’est Roger Holeindre, co-fondateur du FN et membre du bureau exécutif, qui a également démissionné de son poste pour marquer son désaccord avec l’élection de Marine Le Pen, dont il estime qu’elle dénature le Front national.
Un membre du comité central m’explique en aparté que Farid Smahi, jsuqu’alors mariniste, aurait changé de bord en rejoignant Bruno Gollnisch. Gollnisch, du coup, ne l’aurait pas retenu pour le bureau politique. Marine étant élue, elle aurait en quelque sorte avalisé le choix de son adversaire.
Farid Smahi a accusé Marine Le Pen d’« être financée par les sionistes comme tous les autres mouvements d’extrême-droite. Il a ajouté que lorsque la fille de Jean-Marie Le Pen parle de colonisation de la France par les musulmans, elle ferait mieux de parler de la « véritable colonisation, (celle) des territoires occupés palestiniens. » Cette rancœur qui sort soudainement a beaucoup à voir avec un conflit latent au sein du parti, qui met aux prises les « pro-Israéliens » aux « pro-Palestiniens », Marine Le Pen étant rangée dans les premiers, Bruno Gollnisch parmi les seconds, selon le bord où l’on se place.
Jean-Marie Le Pen qui cède le pouvoir à sa fille, n’a pu s’empêcher à quelques heures du discours tant attendu de cette dernière, une saillie dont il a fait une marque de fabrique : relatant un incident avec un journaliste de France 24 qui aurait été énergiquement bousculé par le DPS hier soir alors qu’il s’était invité au dîner de gala du Front et qu’il y prenait des photos, Jean-Marie Le Pen a déclaré : « Le journaliste a dit qu’il avait été agressé en raison de sa confession juive, rien n’est plus faux, il n’a pas été agressé. D’ailleurs (à propos de sa confession), cela ne se voyait ni à son nom, ni sur son nez. »