« Il y a beaucoup trop de discussions dans de beaux hôtels, dans d’agréables réunions, alors que l’on agit trop peu pour aller de L’avant, et arrêter la violence ».
Le coup de gueule du général norvégien Robert Mood, chef de la mission d’observation de l’ONU en Syrie – actuellement en « chômage technique » – a été abondamment relayé par la presse, qui voulait y voir une nouvelle condamnation implicite de la « répression » gouvernementale.
Mood n’a pas mis en cause le gouvernement syrien
À vrai dire, le général Mood, toujours à Damas deux semaines après sa décision de « suspendre » les déplacements de ses casques bleus, ne désigne ni n’incrimine personne nommément. Et son irritation est surtout causée par les belles paroles et grandes réunions de la communauté internationale, où les diplomates, surtout occidentaux, recomposent sur le papier une Syrie « idéale » plus conforme à leurs desiderata géostratégiques qu’aux réalités socio-politiques de la Syrie réelle.
Du reste, Mood est le premier à reconnaître la « difficulté » des négociations de paix. il est à vrai dire assez bien placé pour ça : lui et ses observateurs savent bien qu’un grand nombre de bandes armées n’obéissent à personne, en tous cas pas aux injonctions de Kofi Annan, et multiplient leurs attaques de cibles militaires ET civiles.
Et puis, même si les médias français ont « oublié » de citer cette partie de son intervention, le général onusien a rappelé dans Sa conférence de presse qu’il avait reçu du gouvernement syrien « un engagement total » en faveur du plan de paix en six points de Kofi Annan. Mood n’a semble-t-il pas indiqué que l’opposition radicale avait été aussi claire à ce sujet. On doit aussi rappeler, ce que « nos » journaux ne font pas, que Robert Mood s’exprimait au sortir d’un enTREtien avec Fayçal al-Miqdad, vice-ministre syrien des Affaires étrangères.
Robert Mood, une fois sa colère exprimée, se raccroche « comme tout le monde » aux propositions issues du sommet du 30 juin à Genève, qui tournent autour de la solution du « gouvernement de transition ». C’est ce mois-ci qu’on saura, en tous cas, si la mission des observateurs onusiens est prorogée. Normalement, la logique de Genève voudrait qu’elle le soit.
Sur le front diplomatique, justement, la Russie a démenti, comme on pouvait s’y attendre, les rumeurs portées presque à l’état de scoop par les médias, et selon lesquelles les puissances occidentales étaient en train de « persuader » Moscou d’offrir l’asile politique à Bachar al-Assad. Plus tôt, et ce n’était pas davantage une surprise, la Russie a confirmé qu’elle ne participerait pas à la réunion des soi disant « Amis de la Syrie », énième congrès des opposants radicaux syriens et de leurs protecteurs étrangers, que Laurent Fabius organise à Paris vendredi 6 juillet. Ce jeudi, la Chine a emboîté le pas à la Russie, annonçant sa non -participation à cette imposture géopolitique d’ampleur, la première organisée par le nouveau gouvernement français.
De son côté, le président iranien Mahmoud Ahmaninejad a déclaré que les Syriens devaient « décider librement de leur destin », sans que d’autres pays s’en mêlent. Trois jours plus tôt, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki avait exprimé à peu près le même point de vue, proclamant l’attitude de « neutralité » de son pays dans le conflit syrien, neutralité qui se traduisait par sa volonté de s’opposer aux trafics d’armes et aux infiltrations de combattants au profit d’un camp ou d’un autre, étant étendu que ces mouvements s’opérant depuis l’Irak se font au profit des bandes armées de l’opposition.
Constitution d’un axe de combat pro-syrien FPLP/Hezbollah
Autre déclaration importante, quoique n’émanant pas d’une puissance étatique, celle faite sur la chaîne satellitaire arabe Mayadine, par Ahmed Jibril, secrétaire général du Front populaire de Libération de la Palestine, une des principales composantes historiques de l’OLP. C’est en effet une sorte d’avertissement sans frais que vient d’adresser Jibril aux déstabilisateurs avérés et agresseurs potentiels de la Syrie :
« Le régime en Syrie est fort, mais en cas d’agression extérieure, nous avons discuté de cette question avec nos frères syriens, avec le secrétaire général du Hezbollah Sayyed Nasrallah au Liban et avec nos frères en Iran, nous ferons parie de cette bataille » . Précisons que parmi les « frères » rencontrés par le n°1 du FPLP en Syrie et en Iran figurent Bachar al-Assad et Mahmoud Ahmadinejad.
Ahmed Jibril a précisé son propos : « S’il y a une tentative d’escalade militaire turque, européenne ou de la part de l’OTAN, nous descendrons dans la rue aux côtés de nos frères syriens ». Jibril a indiqué que Nasrallah lui avait confirmé que le Hezbollah participerait lui aussi à cette éventuelle bataille. Rappelons très brièvement que le FPLP a obtenu 4,2% aux élections législatives palestiniennes de 2006, trois de ses membres siégeant au sein du Conseil national palestinien, l’assemblée législative palestinienne. Son idéologie mi-nationaliste mi-marxiste, en tous cas laïque, ne l’a pas empêché d’être plus proche sur certains points du Hamas que du Fatah, et l’année dernière les deux mouvements avaient condamné à l’unisson la volonté exprimée par Mahmoud Abbas de reprendre les négociations avec Israël. Mais il est vrai que la crise syrienne constitue un clivage entre FPLP et Hamas.
Damas marque aussi sa souveraineté maritime
On voit que dans ce climat d’ « avant-guerre », les camps en présence resserrent les rangs et par la-même forcent les hésitants à se déterminer peu à peu. Cela témoigne de la gravité de la situation mais cette mobilisation morale et orale des alliés de la Syrie – l’Iran n’a pas parlé aussi nettement mais son engagement n’est pas douteux – est une façon aussi de sauvegarder la paix dans la région, les fauteurs de guerre, sans doute déjà un peu échaudés par certaine récente mésaventure aérienne turque, y réfléchissant à deux fois avant de passer à l’acte.
La Syrie elle-même s’apprête à mettre en pratique ce principe romain du « Si vis pacem para bellum » (« Si tu veux la paix prépare la guerre ») : un certain nombre de chancelleries occidentales – dont la française – vienne de recevoir du ministère syrien de la Défense notification officielle de la tenue, les 7, 8 et 9 juillet prochain, de manoeuvres navales de grande ampleur, « comprenant des tirs de missiles et de l’artillerie navale ». La note du ministère avertit les gouvernements étrangers que les dites manoeuvres se dérouleront « dans une zone maritime formellement interdite d’accès aux navires et bateaux civils et aux navires et bateaux militaires, toutes catégories confondues, ainsi qu’à tout autre engin maritime civil ou militaire ».
Les autorités syriennes président que pendant ces trois journées les manoeuvres commenceront à 6 heures et se termineront à 17 heures (heurs locales) et elles fournissent, à toutes fins utiles, les coordonnées géographiques et topographiques de la zone concernée, pour éviter toute incursion « involontaire » d’un « corps étranger »….
Quelques semaines après l’incident du Phamtom turc en mission de testing des défenses syriennes et abattu par la défense anti-aérienne syrienne, Damas envoie à l’étranger un nouveau signe de sa fermeté dans la défense de sa souveraineté. On ignore si les unités navales syriennes apercevront au cours de leurs évolutions des navires russes allant ou revenant de Tartous, mais il est peu probable qu’elles croiseront des unités turques ou de l’OTAN.