Une exposition de masques primitifs vaudous dans la chapelle ? Philippe Roche, curé de Tréguier, ne veut même pas y songer. C’est décidé : si le maire de Pommerit-Jaudy (22) maintient l’expo, lui refusera d’y célébrer la messe. Ad vitam aeternam...
Depuis quelques jours, les habitants de Pommerit-Jaudy croient vivre un remake de « Don Camillo ». Entre le maire, André Le Moal, et le curé, Philippe Roche, le torchon brûle. Objet du litige : une exposition. Et pas n’importe laquelle.
Sous le patronage de l’Unesco, quelque 150 masques, statues, instruments de musique, parures et objets dédiés à l’animisme et au culte vaudou des mères doivent, du 2 mars au 6 avril, investir la commune en trois lieux éclatés. Parmi lesquels, et c’est là que le bât blesse, deux chapelles (Le Télégramme de lundi). M. le curé a failli tomber de sa chaire quand il a appris, par voie de presse, qu’une partie des masques Gèlèdè de la culture Yoruba-Nago, que l’on retrouve au Bénin, au Togo et au Nigeria, prendrait place sous la voûte de la chapelle Saint-Antoine.
La sorcellerie incompatible avec la foi
Passe encore qu’il n’ait pas été consulté : l’édifice, restauré aux frais du contribuable, appartient à la commune qui n’a pas d’autorisation à demander à l’Église catholique, quand bien même elle envisagerait d’y ouvrir un bistrot. « De mon côté, j’ai le droit de refuser d’y célébrer le culte catholique, dès lors que s’y déroule une activité jugée incompatible avec notre foi », martèle le père Philippe Roche avec force conviction.
Dans une lettre adressée dimanche au maire, l’ecclésiastique rappelle que « les sorciers vaudous ont toujours été des adversaires très agressifs des missionnaires catholiques ». Et que « la religion vaudou, idolâtrique, est une religion païenne, encore très active dans certaines régions du monde où elle conduit à commettre de véritables actes de barbarie. »
Bref, pas question de célébrer des messes entre des murs qui auraient accueilli des masques liés à des pratiques de sorcellerie. Ni pendant la durée de l’exposition. Ni plus tard. Une décision irrévocable qui signerait la mort du pardon religieux de Saint-Antoine, relancé il y a tout juste 20 ans et programmé le 9 septembre.
« Le maire s’est fait avoir », selon le curé
« Ce n’est pas de mon fait », se dédouane le curé. Aussitôt contré par Peppone, alias André Le Moal : « S’il n’y a pas de messe au pardon, c’est son choix. Mais le pardon aura bien lieu, avec ou sans messe ».
Le chemin de la réconciliation semble bien incertain. « Il n’y a pourtant pas d’opposition entre nous », répètent les deux hommes avec la même ferveur. Mais chacun garde son credo.
Pour le curé, « il n’y a pas de malignité mais le maire s’est fait avoir. On lui a fait croire à une expo d’art ancien ». Mais on est loin d’un aimable folklore sans conséquences ». Et de citer le cas d’un enfant, rencontré il y a quelques mois en Bretagne, dont le torse était zébré de cicatrices à la suite d’une cérémonie sacrificielle d’offrande aux déesses. « M. le maire accueillerait-il une expo de scientologie ? ».
« Une rencontre des cultures », défend le maire
André Le Moal soutient, quant à lui, que la cohabitation messe et masques est possible, d’autant que l’expo vise la rencontre des cultures. « Je ne serais pas étonné que les autorités béninoises réagissent. Le catholicisme, au côté du culte vaudou, y est bien implanté ».
À Pommerit-Jaudy, on ne sait plus à quel saint se vouer. Chacun prie pour que la paix soit ramenée au pied du clocher. Mais il faudra pour cela plus qu’un tour de magie.