Après avoir atteint le sommet du Nanga Parbat (8126 m), l’alpiniste a perdu son compagnon de cordée dans la descente. A VSD, elle livre le récit et les photos de son aventure, ainsi que ses accusations contre les autorités pakistanaises.
À 37 ans, l’alpiniste drômoise Elisabeth Revol a atteint fin janvier le neuvième plus haut sommet du monde (8126 m), le Nanga Parbat, au Pakistan. Une performance qu’elle a payé au prix fort. Elle a dû laisser derrière elle son compagnon de cordée le Polonais Tomasz Mackiewicz (Tomek), 47 ans, qui n’a pu être secouru.
- Le Polonais Tomasz Mackiewicz, le 27 décembre. Il laisse trois enfants.
Allongée sur son lit d’hôpital, à Sallanches (74), cheveux de jais et regard intense, elle relate son aventure avec une énergie surprenante. Vive et attentionnée, directe et à fleur de peau, elle a cette joie, cette envie de vivre décuplée qui caractérise ceux qui ont frôlé la mort en montagne. Mais dans ses yeux couleur ambre brillent aussi la colère et la rage : Élisabeth Revol dénonce les « magouilles financières » des autorités pakistanaises qui ont retardé le départ des hélicos, le « tissu de mensonges » des militaires. Les sanglots affleurent quand elle aborde le déchirement de la séparation :
« Je ne voulais pas le quitter, ce n’est pas moi qui me suis barrée, ce sont eux qui nous ont obligés à nous séparer en affirmant que c’était la seule manière possible de nous secourir ! »
Puis elle raconte tout de sa voix où pointent des tonalités du sud… L’émotion parfois la surprend, entre deux sourires, brisant sa voix.
- Élisabeth et Tomasz, à 6 900 m d’altitude. C’était leur troisième équipée sur cette montagne.
Ils sont arrivés au camp de base le 20 décembre. Malgré le soleil, il fait très froid, entre – 25 et – 30 °C. Ils accomplissent parfaitement leur acclimatation, tandis qu’un vent glacial les contraint à patienter. « Mais on ne s’ennuyait jamais avec Tomek, j’adorais parler avec lui. » Le 20 janvier, ils déclenchent le « summit push ». « Tomek part une heure avant comme d’habitude. C’est un diesel, il a un rythme un peu lent, moi je peux démarrer le matin très pète-sec, on est complémentaires », explique Élisabeth. Le 24 au soir, ils installent leur dernier bivouac dans une crevasse, à l’abri du vent. Ils sont euphoriques… « Tomek était envoûté par la fée qui, selon la légende, habite le Nanga Parbat ». Élisabeth, elle, croit en Dieu.
- Le bivouac, à la hauteur du camp 1.
Le 25, ils démarrent au petit jour, avec seulement un peu d’eau et des barres énergétiques, laissant sac à dos, réchaud et duvets dans la crevasse. L’objectif est d’être le plus léger possible pour aller vite. Mais parvenus dans la pyramide sommitale, ils tâtonnent, font quelques erreurs d’itinéraire qui les retardent. À 17h15, Élisabeth allume son téléphone satellitaire, vérifie l’altitude : 8 035 mètres. Elle tourne une vidéo en attendant Tomek, qui n’a pas de téléphone. Lorsqu’il la rejoint, ils décident, malgré l’approche de la nuit et la mer de nuages environnante, de poursuivre vers le sommet qui n’est plus qu’à 91 mètres. Ils y sont vers 18 heures, mais soudain tout bascule : Tomek ne voit plus rien. Il n’a pas voulu porter son masque dans la journée car il y avait un petit voile nuageux. Il souffre d’ophtalmie. Il faut descendre au plus vite, fuir. Tomek s’appuie sur son épaule pour qu’elle le guide dans ce terrain glacé, où « il faut mettre les mains » pour ne pas dévaler.
- 6600 m, Elisabeth bivouaque, près du camp 3, le 1er janvier.
À 7 900 mètres, il n’arrive plus à respirer. « Il étouffait, n’arrêtait pas d’enlever son “buff”. » Son nez devient blanc. Elle continue à le faire descendre mais le calvaire de Tomek empire : du sang suinte de sa bouche. Un signe d’œdème pulmonaire, stade ultime du mal aigu des montagnes. Bientôt, il ne peut plus déplier ses mains, ne sent plus ses pieds. « Sa voix change, elle devient rauque, mécanique. »
[...]
Le chantage financier des Pakistanais
Depuis le soir du 25 janvier, ses proches ont tenté, avec l’aide des ambassades polonaise et française locales, d’organiser une opération de secours héliportée, que seuls les militaires peuvent assurer au Pakistan. « Au début, ils demandaient 15 000 dollars [12 000 euros, NDLR], mais au fil des heures, c’est passé à 20 000, puis à 40 000 », relate Ludovic Giambiasi.
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Sur Whatsapp aussi, j'échange avec mes frères. Allez Elisabeth ! Allez Bielecki, le Polonais qui envoie ses coordonnées GPS ! Des internautes compilent une carte, qui permet de suivre en quasi-direct l'avancée de l'équipée... pic.twitter.com/BOKpx5Dzqc
— Noé Michalon (@nmchl) 28 janvier 2018