Le « séisme » politique des résultats du Front national aux élections européennes alimente un nombre conséquent de débats qui, malgré l’agitation générale, ne présentent rien d’original et d’inattendu. Mais une analyse détaillée au niveau local de l’abominable « 25 % » est susceptible de nous livrer des pistes de lecture laissées étrangement inexploitées par nos hommes politiques UMPS outrés et les journalistes qui leur donnent la réplique.
La Seine-Saint-Denis, par exemple, n’est pas restée en marge de la vague bleu Marine. Le Front national y est arrivé en tête avec 20,44 % des suffrages exprimés [1]. Si l’on additionne l’Union populaire républicaine (0,68 %) et Debout la République (3,24 %), on approche des 25 %. La montée des partis patriotes dans ce département a donc suivi la tendance nationale, puisque aux élections de 2009, le FN y avait alors fait 6,35 %.
Si l’UMP est le parti qui subit le plus gros revers (de 21,7 % en 2009 à 14,8 % en 2014), le 93 n’a pas pour autant répondu présent aux appels à l’aide du gouvernement et à la mobilisation pour l’Europe : le PS y passe de 15,08 % à 13,73 % et les Verts de 17,67 % à 10,36 %. L’abstention, pour sa part, est restée stable et élevée, à 68,78 % (contre 56,85 % au niveau national).
Il faut aussi rappeler qu’au premier tour des Présidentielles 2012, la Seine-Saint-Denis avait plébiscité François Hollande avec 38,68 % des suffrages exprimés au premier tour et 65,32 % au second tour, contre respectivement 28,63 % et 51,64 % au niveau national.
Ce basculement à petit échelle est très symptomatique. La Seine-Saint-Denis est l’un des départements où le niveau de vie moyen par habitant est le plus bas de France (96ème département sur 98 d’après le site salairemoyen.com [2]). Mais ce sont aussi et surtout les fortes caractéristiques ethnoculturelles du département qui le rendent singulier.
Les résultats de ce dimanche dernier poussent ainsi à la réflexion : après avoir définitivement perdu le vote ouvrier, l’UMPS serait-il en train de perdre le vote immigré ?
Le haut score du FN et plus certainement encore l’absence de mobilisation de l’électorat en faveur de la gauche dans l’un de leurs fiefs pourraient bien illustrer l’agonie du mensonge de l’antiracisme et du clientélisme électoral qui l’accompagne.
Il se peut aussi que le travail positif de prise de conscience et de réconciliation mené à travers des initiatives pédagogiques et métapolitiques, du coté d’E&R par exemple, ou des actions de terrain, comme les Journées de retrait de l’école de Farida Belghoul, commencent à bousculer quelques lignes.