Piqué par la curiosité, nous sommes allés enquêter sur ce personnage singulier et ses fameux « ateliers constituants ».
En cette période estivale, plus de 250 personnes de tous âges étaient réunies pour écouter l’introduction de ce professeur d’économie et de droit, dans un hangar. Celle-ci tenait en une conviction, émaillée de digressions diverses : notre système politique vise à produire des « maîtres ».
En effet, dans notre démocratie représentative, le système électif produit naturellement une victoire d’un camp majoritaire sur un autre, minoritaire, lequel ne sera pas pris en considération pendant la durée du mandat. Et l’élection transforme littéralement l’élu, en imposant l’idée qu’il a gagné parce qu’il est le meilleur, et qu’il tire un pouvoir particulier du fait de sa victoire. Aucune place ici au consensus. Ce système, fondé sur le Droit, tire sa légitimité de la Constitution, laquelle, au lieu de garantir la souveraineté du peuple contre les excès naturels des dirigeants, est écrite par les dirigeants eux-mêmes pour protéger leurs privilèges.
Chouard propose de mettre en place un système de tirage au sort des représentants. Ceci a pour avantages de se prémunir des conflits d’intérêt, de maintenir le représentant dans une situation d’humilité, au service de la population, et enfin, de garantir une meilleure représentation que celle où une même oligarchie truste systématiquement les postes de pouvoirs. Ceci assorti de toute la panoplie de la démocratie directe, comme le référendum d’initiative populaire, les mandats non renouvelables et révocables, mais aussi un revenu de base et le contrôle public de la création monétaire.
Dans une longue série d’anecdotes historiques, le professeur rappelle les travaux de l’anthropologue américain Graeber qui détaille plusieurs cas de démocratie authentique : des villages médiévaux qui s’organisaient sous forme de démocratie locale, avec des règles édictées par les villageois eux-mêmes et pour eux-mêmes, aux sociétés de pirates, qui désignent eux-mêmes leur capitaine et se partagent équitablement le butin. Sans parler des multiples sociétés primitives, où on recherche l’unanimité : on discute, parfois pendant longtemps, jusqu’à l’obtention du consensus, et on ne vote jamais.
Or la période des 2 derniers siècles, en Occident, où l’élection s’est imposée de plus en plus comme le mode de désignation des représentants, se caractérise également par une permanence des mêmes élites aux postes de pouvoir, toujours issues des classes les plus riches.
Après les questions du public, Chouard s’est effacé et toute la salle s’est répartie en une douzaine d’ateliers de discussion sur la Constitution, selon plusieurs thématiques, telles que « comment constituer le corps législatif ? », « comment le peuple peut-il garder le contrôle du pouvoir ? », « comment imposer la recherche du consensus et faire en sorte qu’il n’y ait pas de perdants ? », « qu’est-ce que la souveraineté ? » Au bout d’une heure, un représentant de chaque groupe vient présenter le résultat des réflexions : en général rien de bien révolutionnaire, mais au moins – et c’est le but revendiqué par Chouard lui-même – une participation de tous à la réflexion sur la Constitution.
« Le désordre est créateur d’idées et de vie », comme le dit ce blogueur qui gagne à être connu. On ne pourrait mieux résumer la soirée !