Il existe une théorie selon laquelle le but réel de la soi-disant « Guerre froide » pouvait avoir été de favoriser la prise en charge de la sécurité, du financement et de l’armement du jeune état israélien par l’Occident.
Depuis la fin de la Guerre froide, en 1989, le poids stratégique et financier d’Israël pour les États-Unis, en regard à son utilité, a été de plus en plus remis en question, notamment par le fameux livre des professeurs John Mearsheimer et Stephen Walt, Le lobby israélien et la politique étrangère étasunienne. Ce livre, qui figurait sur la liste des meilleures ventes établie par le New York Times pour 2007, repose sur un article écrit par les deux mêmes auteurs, précédemment refusé par le magasine Atlantic Monthly.
Même l’infâme document « Rupture radicale » écrit en 1996 par Richard Perle et d’autres néocons à la double appartenance [1] montre que l’auteur est conscient de ce problème, par le fait même qu’il appelle Israël à devenir financièrement indépendant des États-Unis pour pouvoir mener une politique étrangère « indépendante » [2].
Sous le sous-titre « Forger une nouvelle relation étasuno-israélienne », nous lisons :
« Israël peut rompre radicalement avec le passé en adoptant une nouvelle approche des relations étasuno-israéliennes (…) La nouvelle stratégie d’Israël (basée sur un idéal commun de paix fondé sur la force) (…) serait de montrer qu’Israël est autosuffisant, n’a pas besoin de l’armée étasunienne pour le défendre (…) et peut gérer ses propres affaires. Pour renforcer cette démarche, le Premier ministre peut utiliser sa prochaine visite [aux États-Unis, NdT] pour annoncer qu’Israël est à même de se libérer immédiatement de (…) l’aide économique étasunienne et au moins des garanties de prêts. »
À mon sens, la création, le financement et l’entraînement de ISIS/ISIL (et la création de IS ou État islamique), au moment où la valeur stratégique d’Israël pour les États-Unis diminue rapidement et où l’Iran et la Turquie s’imposent comme puissances régionales, doivent être considérés comme une stratégie délibérée, et non comme un simple accident.
Avec un puissant ISIS/ISIL/IS menaçant l’approvisionnement en énergie de l’Europe ainsi que les intérêts étasuniens (l’Otan, à défaut d’un meilleur mot), Israël regagne sa valeur stratégique. Ce n’est donc pas une surprise si Israël bombarde régulièrement les positions de l’armée syrienne, avec ce qui semble souvent être des bombes nucléaires miniaturisées [3], pendant les batailles contre ISIS à ses frontières, et même soigne les combattants takfiris d’ISIS blessés dans ses hôpitaux. Et ISIS n’attaque ni ne menace jamais Israël. Et Israël l’aide sur le plateau du Golan !