Les démarches des États-Unis et de l’Union Européenne à l’encontre de l’Iran suscitent de graves préoccupations à Moscou. « Cela va à l’encontre de nos efforts communs visant à trouver un règlement politique et diplomatique du dossier nucléaire iranien. Qui plus est, ces mesures font preuve de dédain à l’égard des clauses des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU bien pesées et concertées », souligne dans sa déclaration Andreï Nesterenko, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères.
Il est de notoriété publique que le 26 juillet les ministres des Affaires étrangères se sont accordés de geler les investissements européens dans le secteur pétrolier et gazier de l’Iran et d’interdire le transfert de technologies et d’équipements ainsi que les prestations de services à l’Iran dans ce domaine. Par ailleurs, le nouveau train de sanctions devrait empêcher les exportations de production à destination de l’Iran que ce dernier pourrait utiliser à des fins militaires.
Les résolutions unilatérales adoptées à l’initiative des États-Unis et de l’Union Européenne sous l’égide chancelante de l’ONU ainsi que d’autres moyens de pression politique et diplomatique à l’égard de l’Iran risquent d’entraîner une guerre d’envergure au Moyen-Orient avec l’Iran pour centre.
Les scénarios à ce sujet, publiés par de divers médias de renom, ont l’air parfaitement vraisemblables. Selon les experts, l’Iran pourrait se faire bombarder d’ici fin de 2010. Radio Liberté annonce que le Commandement central de l’armée américaine chargé notamment des opérations militaires au Proche-Orient serait en train d’élaborer des plans de frappes aériennes ponctuelles. Un progrès dans ce domaine est devenu possible dans une grande mesure grâce aux succès considérables du service de renseignement américain dans la région.
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a évoqué les informations de son propre service de renseignement selon lesquelles la préparation d’une guerre d’envergure au Moyen-Orient battait son plein. Le leader iranien a ajouté que les « États-Unis [avaient] réussi à persuader une partie des pays de l’Europe Occidentale ainsi que la Russie de soutenir les sanctions contre l’Iran. Or, toute actions expressément dirigée contre l’Iran et contre ses avions et navires civils verra une riposte immédiate qui fera se repentir les initiateurs de ces actes ».
Quant aux relations russo-iraniennes, elles se sont considérablement détériorées suite au soutien de Moscou à la funeste résolution n° 1929 du Conseil de sécurité de l’ONU et surtout après la suspension du contrat de livraison vers l’Iran de systèmes de missiles sol-air S-300. Cette détérioration transpire même dans les discours du président iranien. Auparavant, nombre de compagnies russes, y compris Lukoil, avaient soit renoncé à des projets énergétiques prometteurs en Iran, soit adopté une position réservée en montrant clairement que les perspectives de coopération avec l’Iran dépendaient notamment des facteurs extérieurs.
La dernière visite à Téhéran du ministre russe de l’Énergie Sergueï Chmatko s’est pourtant traduite par une prétendue « feuille de route » pour la coopération russo-iranienne dans le domaine de l’énergie. Selon M. Chmatko, il n’existe « pratiquement aucun obstacle » à la coopération énergétique entre l’Iran et la Russie. « Il n’existe pas de sanction qui pourraient freiner notre coopération dans le domaine des hydrocarbures. Cette dernière ne contredit ni les sanctions du Conseil de Sécurité de l’ONU, ni le droit international », a souligné le ministre russe de l’Énergie. « Les sanctions adoptées après le vote du 9 juin n’interdisent pas les projets décidés par la Russie et l’Iran dans le cadre de la « feuille de route ». Toutefois, la « feuille de route » serait un défit à l’égard des sanctions unilatérales contre l’Iran de la part des États-Unis et de l’Union Européenne. Les lois des États-Unis prévoient des mesures punitives contre les sociétés qui exportent en Iran des produits de transformation de pétrole, explique un média majeur d’Inde en précisant que la « feuille de route » russo-iranienne est inopportune car elle pourrait remettre en cause le plan de Moscou de porter le « redémarrage » des relations avec les États-Unis dans le domaine des hautes technologies.
D’ailleurs, le ministre de Défense américain Robert Gates a qualifié l’approche russe envers l’Iran de « quelque peu schizophrène » ceci après que la Russie eut soutenu Washington dans l’adoption de la résolution n° 1929 ! Le fait que les partenaires européens de Moscou rejoignent désormais Washington réduit encore plus le champ de manoeuvre de la diplomatie russe et personne n’ose plus donner une réponse formellement négative à la question de savoir si la Russie soutiendrait une agression éventuelle contre l’Iran en offrant, à l’instar du scénario afghan, ses aérodromes de ravitaillement et en ouvrant des couloirs aériens « civils » et « militaires ».
Le point de vue selon lequel la Russie ne peut, dans ces conditions, être « ni pro-américaine, ni pro-iranienne » est absolument juste mais cette position a besoin d’être étayée et développée. En dépit d’une mésentente croissante ces derniers temps entre Moscou et Téhéran, la Russie pourrait encore jouer un rôle positif et empêcher une évolution de la situation selon le scénario le plus désastreux, ce qui nécessiterait pourtant une révision positive du contrat de livraison vers l’Iran d’armes défensives de Russie signé il y a deux ans. Dans le cas contraire, la position du ministère russe des Affaires étrangère, non étayée par des démarches concrètes, s’avèrerait faible, pour ne pas dire plus, ce qui n’échapperait ni aux amis fuyants de la Russie, ni à ses adversaires qui sont toujours là.