C’est désormais officiel. Le président turc Recep Tayyip Erdogan se rendra en Russie le 9 août prochain pour rencontrer Vladimir Poutine. La rencontre aura lieu à Saint-Pétersbourg.
La normalisation des relations russo-turques suit donc son cours. Ce qu’il est particulièrement intéressant d’observer, c’est la rhétorique ouvertement pro-russe de nombre de hauts placés turcs et parallèlement un discours de plus en plus hostile aux USA et à l’UE.
Petit rappel :
« Le pays qui héberge le principal accusé de la tentative de coup d’Etat en Turquie (Fethullah Gülen) ne peut pas être un ami du nôtre », Binali Yildirim, Premier ministre turc, le lendemain de la tentative de putsch.
« La Russie nous a accordé son soutien total et inconditionnel pendant la tentative de coup d’État. Nous en remercions Vladimir Poutine et tous les officiels russes. Une rencontre entre les deux présidents aura très probablement lieu en août avant le sommet du G20. Elle aura au programme des sujets importants, comme la levée des barrières économiques et certaines autres mesures visant le plein rétablissement des relations », Mevlüt Çavuşoğlu, ministre turc des Affaires étrangères.
« La Russie est non seulement notre proche voisin et une amie mais également un partenaire stratégique. Comme nous avons été confrontés à une situation indésirable, nos relations ont été interrompues à un moment donné. Pourtant nous sommes ici aujourd’hui pour accélérer la normalisation de nos relations, pour les faire finalement revenir à un niveau supérieur à celui du 24 novembre dernier », Mehmet Simsek, vice-premier ministre de Turquie.
Ajoutez à cela la rhétorique ouvertement pro-russe du maire de la capitale turque Ankara et les toutes récentes critiques d’Erdogan visant l’Union européenne, l’accusant même de malhonnêteté, en rapport avec l’arriéré de paiement de 3 milliards d’euros destiné à l’entretien des migrants.
Tout cela est donc fort intéressant à suivre et observer. Après tout c’est aussi logique. Économiquement et commercialement parlant la Turquie est beaucoup plus liée à la Russie qu’aux USA. On en avait déjà parlé précédemment. Plus de 35 milliards d’échanges bilatéraux avec pour objectif d’en arriver à 100 milliards d’ici 2020. C’était en tout cas le but fixé par Poutine et Erdogan avant les événements de novembre 2015. Quant à l’UE, en proie à d’énormes difficultés sécuritaires, idéologiques, économiques et sociales, la Turquie ne s’y fait pas trop d’illusions non plus. Si ce n’est de tenter à dicter ses conditions à Bruxelles pour limiter le flux migratoire transitant massivement par la Turquie.
L’autre question fort importante et qui nous intéresse concerne bien évidemment la Syrie. Plusieurs experts et hommes politiques turcs prédisent un consensus du leadership turc sur la Syrie, jusqu’ici tout aussi responsable du chaos y régnant, au même titre que les Occidentaux, Saoudiens et autres Qataris. Mais si la Turquie allait à faire marche arrière dans ses positions anti-Assad, en stoppant sa « collaboration » avec différents groupes terroristes (« rebelles modérés » diront certains), la « coalition » étasunienne se verrait définitivement obligée à oublier ses plans de faire tomber le gouvernement légitime syrien.
On n’en est pas encore là. Mais nous allons suivre avec grande attention. D’autant plus qu’on parle de pourparlers déjà en cours en Algérie entre les représentants des gouvernements turc et syrien, en vue de tenter de normaliser aussi leurs relations.
Quoiqu’il en soit, la Turquie comprend de plus en plus qu’elle ne gagnera rien si elle allait à poursuivre la politique criminelle qu’elle avait jusqu’ici en Syrie. Et les intérêts la liant à la Russie sont beaucoup plus importants que certains rêves néo-ottomans, tout comme le sale « business » avec les terroristes. Plus que cela, la Turquie a aujourd’hui une chance unique d’adopter une position ferme et radicale envers ces mêmes terroristes, qui représentent désormais une menace importante pour la sécurité intérieure turque. Les attentats ayant visé plusieurs villes de Turquie ne font que le confirmer. L’Europe, et notamment la France, en sait aussi quelque chose. Comme quoi il ne faut jamais jouer avec les terroristes dans le but d’atteindre des « victoires » géopolitiques discutables (dans le cas turc) ou suivre aveuglement le maître (le cas de la France actuelle). À la fin, on finit toujours par en payer les frais. Mais il n’est jamais trop tard non plus de faire un revirement à 180°, voire 360° s’il le faut, dans le but de défendre les intérêts de son peuple.