Dans ce livre, traduit en plusieurs langues, dont l’arabe (chez KA Editions, disponible chez nos libraires), Piero San Giorgio dresse un réquisitoire démontrant l’effondrement économique inéluctable de nos sociétés.
Les ressources comme le pétrole, les matières premières, l’eau douce, etc. sont devenues rares ce qui va selon l’auteur conduire à des conflits entre grandes puissances pour capter les ressources encore disponibles. Il existe une solution pour se protéger et protéger sa famille contre les pénuries à venir : créer sa BAD (Base Autonome Durable) et stocker en quantité les produits de première nécessité. Toute une stratégie à développer pour se protéger de cette crise qui risque, selon M. Giorgio de durer. C’est à la Maison du livre (ndlr, un espace qui a ouvert ses portes en mars 2015, à la Charguia juste en face de L’INSAT), que Piero San Giorgio nous a présenté son livre et son approche. Entretien.
Faillites de banques européennes, anéantissement de la classe moyenne, réduction des populations et guerres civiles en cours, montée de la radicalisation, le monde va plutôt mal, avez –vous des issues de secours, des solutions, des alternatives ? Comment survivre à l’effondrement économique ?
Je déteste avoir raison, mais chaque jour qui passe montre que, malheureusement, l’analyse que je fais dans mes livres est juste. S’il est important de comprendre les tenants et les aboutissants des crises actuelles - et qui n’en sont qu’a leur commencement – afin de réaliser une prise de conscience, ce qui compte à la fin est ce que nous pouvons faire. Nous ne retrouverons plus le monde tel que nous l’avons connu entre les années 1950 et 2000. Il faut nous préparer au monde qui arrive et, surtout, à la transition, qui sera chaotique et déstabilisante. Pour cela, je donne des pistes de réflexion et surtout des solutions pratiques à mettre en place dès maintenant, que l’on soit en France, en Tunisie ou ailleurs. Il s’agit – que ce soit à l’échelle d’une famille ou d’une nation – de retrouver le plus possible une autonomie, une autosuffisance, et donc par là une vraie indépendance et même une certaine liberté. La Tunisie est malheureusement déjà touchée et cela ira en s’empirant dès lors que l’Europe et les États-Unis commenceront la phase suivante de leur crise (la crise financière de 2008 n’étant qu’un soubresaut initial). Les prochaines années seront difficiles. Il faut s’y préparer dès maintenant, sans perdre de temps.
Si la classe moyenne disparaît, quel schéma alternatif remplacera l’actuel ?
Tout dépend de la profondeur à laquelle nous allons nous enfoncer dans cette grande crise et de quels atouts nous allons disposer pour naviguer dans ces eaux troubles. Les crises sont déjà aujourd’hui d’ordre démographique, écologique, hydrique, agricole, industriel, financier, géopolitique… et moral. À cela s’ajoute la pénurie des matières premières et de l’énergie, les mouvements massifs de population qui n’en sont qu’au début, les crispations idéologiques et religieuses de tous bords et les guerres. Je ne crains pas particulièrement pour la classe moyenne, mais pour toutes les classes. Les riches, s’ils ne se préparent pas, seront tout autant ruinés. Personne ne restera indemne. Impossible à priori de savoir quel modèle social se mettra en place, mais l’histoire – toujours importante à étudier – nous montre qu’en périodes de crises, les extrémismes ont le vent en poupe… regardez comme les États-Unis, l’Union Européenne, la France deviennent de plus en plus totalitaires et sécuritaires… Enfin vient la guerre, avec tous les malheurs qui s’ensuivent, est souvent la solution préférée des politiques. Cette guerre – de tous contre tous – à déjà commencé. Ici en Tunisie, au Bardo, et à Sousse. Il faut tout faire pour l’éviter.
Est- ce que certains pays s’en sortent mieux que d’autres et pourquoi ?
Comme les individus, les pays, les nations ont leur défauts, leurs qualités, leur caractère. Voyez au Japon comme la discipline, l’homogénéité et l’ordre permettent de se réorganiser dans le calme lors de catastrophes naturelles. Voyez Haïti plonger dans le chaos. La richesse financière ou naturelle aide également. Une culture plus pragmatique et ouverte sur le commerce, comme c’est le cas de la culture tunisienne, sera un avantage, par rapport à une culture fermée et résistante au changement comme, par exemple, celle de l’Arabie Saoudite, ou qu’une culture hyper-individualiste et violente comme celles des États-Unis. Je souligne également l’importance de la famille et du retour aux traditions – nos grands-parents étaient tous préparés – parce que habitués – aux crises : ils faisaient des réserves de nourriture et d’eau, savaient se défendre, étaient pragmatiques.Je ne préconise pas toutefois un retour en arrière, mais de redécouvrir ce qui était sain dans nos cultures traditionnelles et d’y ajouter les connaissances modernes... bref, de nous orienter sur ce qui marche !
Que pourriez-vous dire du cas spécifique des nations touchées par la vague de soulèvement, et de la Tunisie en particulier ? Quel plan pour s’en sortir ? Ce petit pays finira t-il par voir le bout du tunnel ?
Que probablement vous regrettez la coiffeuse et son mari ? Je plaisante, bien sûr ! L’humour est d’ailleurs important pour supporter ce qui arrive et va arriver. De plus, il n’y a peut être pas de bout de tunnel… du moins pas avant plusieurs décennies. Plus sérieusement, la Tunisie n’est pas un petit pays, c’est un grand pays : grand par son histoire, par son peuple ouvert sur le monde, sur le commerce, sur les deux bords de la méditerranée, avec une bonne agriculture, une assez bonne infrastructure, des institutions modernes et des traditions ancestrales dans lesquelles puiser sagesse et force. Au niveau national, si je peux modestement donner quelques pistes de réflexion, je dirai que vous devez renforcer le sentiment d’unité nationale – c’est sans doute le seul effet positif des attaques terroristes récentes, renforcer votre capacité d’autonomie – comme je l’explique dans mon livre, et essayer le plus habilement possible de vous dégager des alliances passées et présentes pour développer une politique réellement d’Independence ; montrez vous forts et intransigeants avec tout ce qui va a l’encontre des intérêts de votre pays. Il reste du travail dans ce domaine… la révolution de jasmin n’est sans doute pas terminée. Enfin, à titre national comme à titre individuel, reprenez point par point les 7 éléments de la Base Autonome Durable, c’est la voie pour l’autarcie. C’est elle qui rend libre, du moins dans le monde matériel.
Vous dites dans votre livre que : « la meilleure solution sera de développer une Base autonome durable (BAD), qui doit permettre une vie (et non une survie) autonome et durable grâce à ces sept critères. » Lesquels et sont-ils à la portée de tous ?
Ces sept critères sont l’eau, la nourriture, l’hygiène et la santé, l’énergie, la connaissance, la défense et le lien social. Ils sont à la portée de tous si appliqués avec bon sens. Certes les moyens aident à aller plus vite, a faire plus, mais à la base, j’ai essayé de proposer des solutions pour tout le monde ! A chacun de nous de nous mettre au travail. Il en va de l’avenir de nos enfants et de nos nations.