Sommité mondiale dans le domaine des maladies infectieuses et membre du conseil scientifique dédié au coronavirus, Didier Raoult redoute l’emballement face à un coronavirus qu’il invite depuis des semaines à soigner.
Directeur de l’Institut Méditerranée Infection à Marseille, le professeur Didier Raoult est l’un des infectiologues français les plus reconnus au monde. Il a notamment rejoint le comité pluridisciplinaire de 11 experts formé en mars par l’exécutif, rassemblé afin « d’éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus ».
Mais dans cette crise, il estime être peu entendu par les autorités sanitaires françaises alors qu’il mène un essai clinique sur un vieux médicament antipaludique utilisé en Chine contre le Covid-19. Face à la réalité de l’épidémie, il préconise de ne pas s’affoler et de détecter les malades sans attendre que leur cas s’aggrave pour mieux les traiter.
Marianne : Que vous inspire l’évolution de l’épidémie de coronavirus ?
Didier Raoult : Je ne me laisse pas embarquer dans la terreur. Je ne sais pas deviner l’avenir et n’ai pas l’habitude de croire les plus excités qui se sont toujours trompés dans leurs modélisations. J’analyse au jour le jour, et l’évolution, aujourd’hui, c’est quelques 6 000 morts dans le monde, dont environ 3 500 en Chine où l’épidémie se termine, et 127 en France. Je m’étonne qu’on parle de cause très significative de mortalité, et même de crise sanitaire du siècle, alors qu’en 2017 la grippe et les autres infections respiratoires ont tué entre 14 000 et 20 000 personnes en France. Peut-être que les statistiques seront très différentes à la fin de l’épidémie, mais aujourd’hui je ne vois pas de problème majeur en termes de mortalité.
En scientifique, je m’intéresse à ce qui se fait dans le monde pour analyser les solutions associées aux meilleurs résultats. La plupart des pays n’avait pas pris le type de décision annoncée par la France, sauf l’Italie avec un succès pas vraiment remarquable. L’Allemagne n’a pas fait ce choix, la Corée du Sud non plus, bien qu’elle ait été frappée de plein fouet. En Chine, il n’y a que la région de Wuhan qui ait été mise en quarantaine, là où il y a eu 2 500 morts, alors que le virus a été partout ailleurs. Mais la mortalité ne s’est pas étendue. On prend des mesures qui n’ont rien à voir avec celles de pays qui ont contrôlé l’épidémie. Peut-être est-ce un trait de génie, ou pas. Il importe surtout de ramener les choses à leur proportion, car l’interprétation que l’on en donne fini par biaiser complètement la vision.
Ce virus n’est-il pas particulièrement contagieux et dangereux ?
La dangerosité, je ne sais pas ce que cela veut dire. Elle dépend de l’échantillon qu’on observe. On peut regarder en Corée du Sud où l’on a fait ce que je préconise depuis le début, à savoir détecter et traiter, ou dans la plus grande folie réalisée au Japon en coinçant des personnes âgées sur un bateau de croisière, un modèle expérimental équivalent à mettre ensemble vingt souris dont quatre infectées pour regarder combien seront contaminées. Dans ces deux cas, la mortalité a été relativement faible, et en Corée elle a été une des plus faibles au monde.