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En une petite dizaine d’années, le tatouage, jadis réservé aux écorchés vifs et aux durs à cuire, s’est démocratisé, au point de s’imposer comme un accessoire de mode transgénérationnel. En France, 7 millions de personnes ont déjà succombé à l’épidémie des aiguilles. En Italie, en Suède et aux États-Unis, c’est même la moitié de la population qui arbore un tatouage ! Une déferlante qui pourrait bien avoir des conséquences sanitaires désastreuses.
« C’est plutôt drôle de constater que les tatouages sont arrivés dans un contexte où les gens s’intéressent à ce qu’ils mangent, à l’air qu’ils respirent ou aux crèmes qu’ils s’appliquent sans s’interroger sur ce qu’ils s’inoculent à vie sous leur peau », constate Vincent Balter, chercheur CNRS à l’ENS de Lyon. Il y aurait pourtant de quoi ! « Les pigments des encres de tatouage sont les mêmes que ceux utilisés dans les teintures de textiles, les encres des imprimantes et même des peintures automobiles. »
Résultat ? Des risques allergiques qui concernent 6 à 8 % des tatoués. En cas de sensibilité aux pigments, la peau démange, gonfle et peut même se couvrir de disgracieuses papules. « Ces manifestations peuvent survenir de quelques jours à vingt ans après le tatouage, explique le professeur Martine Bagot, dermatologue à l’hôpital Saint-Louis, à Paris. On a pu constater qu’elles étaient surtout liées aux couleurs rouge, rose, orangée et jaune. L’exposition au soleil peut être un facteur déclenchant. » Bien que spectaculaire, l’intolérance aux pigments n’est néanmoins pas le problème le plus grave lié aux tatouages. Du moins sur le long terme.
En 2017, en étudiant le devenir des encres dans l’organisme, une équipe de chercheurs franco-allemande a pu constater que les pigments ne restaient pas sagement sous la peau mais voyageaient, en permanence, du derme vers les ganglions. Les chercheurs s’interrogent ainsi sur l’impact d’une possible inflammation chronique des ganglions liés au dépôt des pigments. Or, la lymphe et a fortiori les ganglions interagissent avec l’ensemble du système immunitaire.
Le pistage au rayon X des pigments a permis une autre découverte stupéfiante : les composants et notamment le dioxyde de titane, une substance cancérogène interdite dans l’alimentation, migrent sous forme de nanoparticules. Autrement dit, à une taille inférieure à celle des virus et des bactéries. « Avec de telles dimensions, rien ne garantit qu’elles restent dans les ganglions. Elles peuvent très bien coloniser d’autres cellules du corps ou des organes comme le foie, par exemple », explique Milena Foerster, épidémiologiste au CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) de l’OMS.
En 2022, l’Union européenne a décidé de mettre un grand coup de balai dans la palette des artistes. 27 pigments ont été interdits et 4 000 substances chimiques ne peuvent désormais être utilisées qu’en proportions réduites. Motif, ont estimé les membres de la commission : « Plusieurs produits peuvent être cancérigènes, entraîner des mutations génétiques, affecter les capacités reproductrices, causer des allergies cutanées ou d’autres effets nocifs pour la santé. » « Il était temps, à chaque fois que je regarde la composition des encres, j’ai un coup de chaud, souligne Vincent Balter. On retrouve des métaux lourds : arsenic, plomb, cadmium, nickel, chrome… Mais aussi des composés aromatiques cancérogènes comme le dichlorobenzène, l’éthanol… Même en concentration limitée, chacune de ces substances présente un inquiétant degré de toxicité. Quid de l’effet cocktail, une fois qu’elles se mélangent entre elles ? »
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