Les habitants du quartier Neudorf de Strasbourg peuvent remercier la municipalité écolo. En effet, le 24 février dernier, on apprenait, en lisant les Dernières Nouvelles d’Alsace, que des rats avaient littéralement envahi un immeuble de ce quartier. Or, lors d’un conseil municipal en septembre dernier, une élue écolo avait émis l’idée que les rats et punaises de lit ne devraient plus être classés sous la terminologie « nuisibles » mais « liminaires ». Le terme « commensaux » fut évoqué, mais le camp « liminaire » l’emporta.
Enchantée par ce changement d’appellation, la population pourra désormais se targuer d’employer un mot savant : « Figurez-vous, ma chère, que nous sommes envahis par des liminaires. » Ce à quoi la voisine répond : « Qu’est-ce qui vous a pris d’acheter tous ces luminaires ? Nous, on est envahis par les rats dans la cave et les punaises dans les matelas. » Quelques quiproquos amusants apportent un peu d’animation dans le quartier.
Lassée par l’inertie de la municipalité face à la prolifération de ces ex-nuisibles, l’élue du groupe « Strasbourg ensemble », Rebecca Breitman a exhumé la vidéo de ce conseil municipal de septembre 2020 dans laquelle la conseillère Marie-Françoise Hamard exprime son souhait « d’avoir, par rapport à tous ces animaux, une approche plus bienveillante ».
Une société de dératisation qui parlerait aux animaux avant de les éliminer pourrait emporter le marché. Des équipes spécialisées dans l’écoute de la punaise de lit sont recherchées par la mairie. Quelques valses de Vienne avant pulvérisation… Un peu d’humanisme, que diable !
Le surréalisme monte encore d’un cran après l’intervention de l’élue évoquant les situations d’insalubrité subies par les habitants. La dame ratophile a sa définition toute personnelle de la notion d’habitant : « Ces animaux, il faut bien comprendre, ils sont incapables de retourner vivre à l’état sauvage et par conséquent ils n’ont nulle part où aller. » Pourquoi ne pas réquisitionner un hôtel Formule 1 ? Les matelas foisonnent, le local poubelle est accueillant.
« J’évoque une régulation douce parce que c’est l’unique moyen de pouvoir – si je peux employer ce verbe – cohabiter au long cours avec ces animaux », continue la dame. « Je me demande si on n’est pas un peu en train de dérailler », lui répond en riant son interlocutrice.
Alors que la vidéo s’interrompt, le spectateur imagine que la brave animaliste a ensuite évoqué la détresse du virus face au vaccin, la désespérance du pou, la crise du logement chez les morpions. D’autres causes viendront : l’expropriation des habitants de Neudorf pour laisser place aux rats, punaises et autres termites. Ah, le termite et les jolies galeries qu’il creuse dans les charpentes ! Charpentes taillées dans des arbres décédés. C’est affreux ! La tâche de Mme Marie-Françoise Hamard est immense. Le retour de l’homme dans les cavernes semble la seule issue de son combat. À moins que les chauve-souris n’en prennent ombrage…