À première vue, la situation en Libye est extrêmement confuse et instable.
Depuis que le régime du colonel Kadhafi est tombé, le pays a connu pas moins de cinq chefs de gouvernement. Le dernier en date, Ahmed Miitig, un homme d’affaires de 42 ans originaire de Misrata, a été investi le 25 mai par le Congrès général national libyen (CGN-parlement), dominé par les islamistes et les Frères musulmans du Parti pour la justice et la construction.
Seulement, Ahmed Miitig ne plaît pas à tout le monde. À peine investi, il a échappé à une attaque à la roquette, laquelle a fait 2 tués parmi les assaillants. Le mois dernier, le chef du gouvernement sortant, Abdallah al-Theni, qui a de relations à couteaux tirés avec le CGN, avait d’ailleurs connu la même mésaventure.
Pour certains, les problèmes du pays ont une source : le CGN, accusé d’avoir donné une légitimité aux milices islamistes en leur confiant des missions de sécurité. Ainsi, les rebelles autonomistes qui bloquent les terminaux pétroliers en Cyrénaïque (est) n’ont pas reconnu le nouveau gouvernement dirigé par Ahmed Miitig, considérant que la nomination de ce dernier est illégale. Leur chef, Ibrahim Jodhrane, estime en effet que les blocs islamistes ont défié la « volonté du peuple qui exige le départ du Congrès ».
Dès le 14 février, le général Khalifa Haftar, un ancien proche du colonel Kadhafi ayant fait défection et passé près de 20 ans aux États-Unis, s’en était pris vigoureusement au CGN en exigeant l’arrêt de ses travaux et en appelant l’armée à prendre les rênes du pays. Peine perdue.
Mais trois mois plus tard, ayant obtenu le ralliement du chef des forces spéciales de Benghazi, Ouanis Boukhamada, ainsi que celui de plusieurs unités militaires, probablement soutenu par une partie des libéraux et, dit-on, par le maréchal égyptien al-Sissi, le général Haftar, chef autoproclamé de l’ « armée nationale libyenne », a lancé l’opération Dignité en s’attaquant aux milices islamistes et aux groupes jihadistes implantés dans les environs de la capitale de la Cyrénaïque.
Depuis, le général Haftar a engrangé les soutiens, comme ceux du chef d’état-major de la Défense aérienne, d’Habib Lamine, ministre de la Culture du gouvernement sortant ou encore de Mahmoud Jibril, l’ex-président du Conseil exécutif du Conseil national de transition (CNT) pendant la révolution libyenne.
Et, quelques jours après le lancement de l’opération Dignité, qui vise officiellement les groupes terroristes dans la Cyrénaïque, les milices Al Qaaqaa et Al Sawaek, qui, originaires de Zenten, disciplinées et bien équipées, sont proches des milieux libéraux, ont attaqué, le 18 mai, le CGN et réclamé sa dissolution.
Cependant, s’il est accusé de tous les maux, le Parlement libyen ne manque pas de soutiens, comme ceux apportés par La Cellule des opérations des révolutionnaires de Libye et le Bouclier de Libye, deux organisations qui fédérent plusieurs brigades islamistes, ou encore par les puissantes milices de Misrata.
Les groupes jihadistes, comme Ansar al-Charia (considéré comme terroriste pour son implication dans l’attaque du consulat américain de Benghazi, le 11 septembre 2012), visés par l’opération Dignité, comptent bien rendre la pareille aux forces loyales au général Haftar.
Pour simplifier cette situation complexe, l’on peut dire que ce qu’il se joue en Libye actuellement est une confrontation entre islamistes (le Parlement) et les libéraux (Haftar). Une confrontation qui peut se muer en une nouvelle guerre civile. Aussi, plusieurs pays ont appelé leurs ressortissants présents en Libye à faire preuve de vigilance.
Les États-Unis sont allés plus loin en recommandant aux citoyens américains de quitter immédiatement le pays et en décidant de déployer, au large des côtes libyennes, l’USS Bataan (photo ci-dessus), un navire d’assaut amphibie de la classe Wasp pouvant emporter un millier de Marines et mettre en oeuvre des hélicoptères de transport, voire des avions AV-8B Harrier.
Il s’agit d’une « simple mesure de précaution » afin d’être prêt à une éventuelle évacuation des ressortissants si jamais la situation en Libye devait l’exiger.
Outre ce déploiement, les États-Unis disposent de 250 soldats du corps des Marines à Sigonella (Sicile), où sont également basés 7 appareils hybrides de type V-22 Osprey et 3 avions ravitailleurs.