Ça fait des années, et même des décennies, que les médias ou des gens tentent de faire une émission, un journal, un site qui tourne autour des bonnes nouvelles. Et à chaque fois ça foire. Pourquoi ? Les gens n’aiment pas les bonnes nouvelles ? Si. Alors qu’est-ce qui cloche ? Les bonnes nouvelles ne sont pas assez bonnes ? Les gens ne voudraient que du dramatique, de l’anxiogène ? Non. Alors ?
Toutes ces tentatives se sont soldées par des échecs parce que les bonnes nouvelles annoncées étaient le plus souvent tartes. Depuis peu, sur le Net, des vidéos virales tournent qui présentent effectivement des bonnes nouvelles mais sous forme de dénouement, ça commence toujours par un drame : un chiot qui se noie sauvé in extremis par un gros chat, des Chinois qui sauvent un chien tombé dans un puits ultra-étroit, ce genre de trucs. Ça s’adresse surtout aux 30-40, mais de QI, pas d’années.
Ces petites séquences font l’effet de réhausseurs (on a voulu éviter reboosteurs mais ça coince aussi) de moral, et ça s’adresse aux gens qui croient encore en Dieu ou qui n’y croyaient plus, obéissant en cela aux injonctions de nos élites francs-maçonnes. Ce que les gens simples recherchent dans ces épisodes de la vie qui finissent bien, c’est l’intervention divine du Bien, ce qui arrive, faut le reconnaître, assez rarement.
Le Vatican pourrait presque reconnaître le miracle, là, tant ce sauvetage est improbable. Le chien a failli y laisser sa peau. Les cyniques diront qu’une fois dehors, le chien est redevenu un chien, le chat un chat, et que le chien a poursuivi le chat pour le croquer. Mais on a assez de cynisme comme ça pour se refuser un petit plaisir. Et dans la série des petits plaisirs, on a eu la sortie de Nénesse, une autre Nénesse que la Buzyn, Verdier-Molinié ce coup-ci, qui a fait son coup de gueule contre l’appel à la grève. Oui, il y a eu un appel à la grève cette semaine, et Nénesse 2 va vous résumer le truc :
« Il est donc essentiel que les salariés qui ne peuvent télétravailler continuent de se rendre dans leurs entreprises pour effectuer leurs missions, en ayant les moyens de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires pour eux-mêmes. C’est d’ailleurs ce qui a été entériné officiellement au niveau national par la grande majorité des syndicats qui ont suspendu les préavis de grève en cours et se sont engagés à ne pas en déposer de nouveaux tant que durera la pandémie en France. Alors, comment comprendre le préavis de grève déposé par la fédération CGT des services publics pour avril et d’une durée d’un mois ? C’est scandaleux dans la période de crise sanitaire et économique aiguë que nous vivons. »
Il y a encore des gens pour dire « c’est scandaleux » et Nénesse 2 y a été de son scandale. Une grève pendant le confinement, où plus grand-monde ne bosse, à part les employés du secteur de la santé, ça a quelque chose de surréaliste. C’est le rêve le plus fou des syndicats les plus durs qui se trouve réalisé, une espèce de Grand Soir qui dure 40 jours, comme dans la Bible (traversée du désert, tentation du Diable, jeûne de Pâques, etc.).
La tribune de la Nénesse scandalisée dans Le Figaro se termine ainsi, on sent qu’elle y a mis du cœur :
« Quant aux syndicats qui appellent à fermer les sites industriels reconnus comme essentiels par les préfets, qui poussent à refuser le télétravail dans les administrations, qui appellent à la grève dans les services publics pour le mois d’avril, il est permis de leur répondre qu’on ne gagne pas une guerre avec des comportements aussi irresponsables. »
D’accord, cocotte, mais à la guerre comme à la guerre ! Le gouvernement néolibéral a déclaré la guerre aux travailleurs, aux syndicats, il est normal que quand la balance penche vers le bas, le bas en profite ! Et puis Marianne nous apprend que l’Ifrap, l’institut de recherche « scientifique » de Nénesse, est bidon :
« Agnès Verdier-Molinié squatte les écrans pour parler d’économie, auréolée d’une réputation de chercheuse à l’Ifrap. Une prouesse extraordinaire pour une fondation ultra-libérale très éloignée de toute rigueur scientifique, experte du lobbying au Parlement, arrosée par de mystérieux mécènes et noyautée par des chefs d’entreprise... »
qu’il faudra travailler plus, plus longtemps et gagner moins
Nos médias sont truffés de gens comme ça, auréolés de titres vaseux, avec des CV gonflés à l’hélium et un culot d’hippopotame. Ils sont là pour impressionner le chaland, et sont juste des petits propagandistes du système (néolibéral). Ils sont là pour apporter la bonne parole de la paupérisation à tous les futurs gueux, et c’est là où ça devient délicat. Car mentir est un art. Regardez, même Édouard Philippe et Emmanuel Macron, pourtant rompus à toutes les roueries, n’arrivent plus à mentir de manière cohérente et crédible. Tout se casse la gueule ! Toute la baraque à frites des mensonges est par terre, et les Français en colère piétinent ce qui est encore piétinable. Non, on le redit à Nénesse, c’est pas un temps à sortir un néolibéral dehors, il pourrait se faire couper à la rwandaise.
Au fait, quel rapport entre les bonnes nouvelles et la Nénesse ?
La vraie bonne nouvelle, c’est que tous les néolibs qui sortent la tête de la tranchée se font rafaler, ils sont sur la défensive et les Grands Menteurs vont devoir trouver quelque chose de très solide pour relancer la crédulité publique. Et très rapidement, car l’échéance approche. Il y a une autre raison pour laquelle on se méfie des bonnes nouvelles diffusées par les médias verticaux : c’est qu’ils sont toujours empoisonnés à la propagande. Tenez, « Tani, le petit Mozart des échecs », c’est la dernière bonne nouvelle lancée par Paris Match. Tani, à ne pas confondre avec Tano, qui fait dans la bêtise intersidérale :
Punaise, Tano, tu te rends compte de la boulette ? Se foutre de la gueule des Chinois au moment où ils nous préparent un milliard de masques ? Si jamais ils bloquent les envois par les quatre Antonov (russes), tu vas avoir des milliers de morts, peut-être des millions, sur la conscience ! Les humoristes, on se demande où vous avez la tête. Passons à Tani, ce rayon de soleil dans une Terre abandonnée par Dieu.
Paris Match nous déroule le conte de fées. On résume, parce que l’article est un peu chiant.
Tani est nigérian (et pas nigérien), il fait 1m40, il a 9 ans et il est fort en maths. Malheureusement, il est chrétien et Boko Haram (les méchants islamistes) font du mal aux chrétiens, alors la famille de Tani se casse en Amérique, mais là-bas, la vie est dure. Il n’y a pas Boko Haram mais l’ultralibéralisme ubérisé, c’est presque pareil. Papa, imprimeur à la tête d’une boîte au Nigéria, devient simple chauffeur de taxi (Uber), maman glande, l’apart est petit et moche, et soudain, le miracle : à l’école, qui donne des cours d’échecs (la France ferait bien de faire pareil vu le niveau général des mômes), Tani apprend à la vitesse d’une roquette de djihadiste et éclate rapidement tout le monde. Il remporte un championnat, le New York Times (le journal socialo-sioniste de là-bas, Le Monde amerloque, quoi) le repère et en fait son étendard anti-Trump, du genre voilà le petit génie que Trump voulait renvoyer dans son pays, bouhouhou. Gros buzz, le fric afflue (250 000 dollars), un donateur paye un an de location dans un super appart, le livre approche, le film est signé, c’est la fin de la misère. On referme le conte de fées, une larme à l’œil, on regarde le ciel, Dieu est encore là, quelque part.
Nous qui sommes quelque peu sceptiques sur les contes de fées, on devine que le petit Tani ne sait pas ce qui l’attend, et surtout ce qu’Hollywood fait aux enfants stars. En général, une fois qu’ils ont bien servi, ils sortent du système rincés, lourdement camés et avec une démarche en canard. De plus, on a relevé une belle boulette dans l’article de Match, qui stipule que « toute reproduction est interdite ». Comptez sur nous ! C’est pas le genre de la maison E&R de diffuser des balivernes !
« L’an dernier, il a remporté l’un des tournois les plus difficiles du pays, celui de l’État de New York. Il affiche alors au “classement Elo” (système officiel d’évaluation) un score supérieur à 1 500, niveau qu’ont les très grands joueurs. “Je n’ai jamais vu un enfant aussi précoce, doté d’une telle mémoire”, assure Shawn Martinez, son coach. »
Tani est peut-être doué, on n’en doute pas, mais 1500 de ELO, c’est pas du « très grand joueur » ! La preuve avec les parties pédagogiques de Blitzstream, un site toujours aussi remarquable (il faudra qu’on pense à leur filer un peu de fric, après le déconfinement, on passe un temps fou dessus) :
Ici Kevin donne des leçons d’échecs en live à des ELO qui tournent autour de 1500, c’est pas mal, mais c’est pas Carlsen ou Vachier-Lagrave non plus ! Le prodige norvégien culmine à 2862 et Maxime (MVL) est monté jusqu’à 2819. Ça correspond en gros à ceux qui ont fait le K2, mais pas en hélico. Tani a donc du chemin à faire, on lui souhaite de prendre le chemin de Bobby Fischer (moins les emmerdes), mais les journalistes de Match doivent raison garder, et information vérifier.
On va terminer cette chronique par les nouvelles mauvaises, mais en même temps naturelles : cette semaine, on a perdu Manu Dibango et Michel Hidalgo. Le premier était un grand musicien camerounais devenu quasiment français (par sa famille d’accueil et l’accueil que lui a réservé le pays), le second le sélectionneur des Bleus période Platini, celle qui a soulevé la Coupe d’Europe des nations en 1984 et qui a loupé la Coupe du monde 1982 d’un chouia à cause d’un arbitre pourri et d’un gardien nazi.
Ces hommages en vidéo sont un peu faciles mais c’est pour marquer le coup : Manu & Michel font partie du cœur des Français. Ils ont le talent, la générosité, la gentillesse, tout ce qui manque aux néolibéraux qui ont pris l’État en otage. Vous voyez, on n’oublie pas les fondamentaux.