On va commencer par un sujet qui fâche, l’embourgeoisement du monde du foot. On lisait le fil Twitter quand soudain, une annonce : prenez vos places pour les matches du FC Liverpool en 2020. Aussitôt, on clique sur le lien et on arrive sur la page des rencontres et des tarifs. Et là, le ciel d’Anfield nous est tombé sur la tête : des places de 430 livres au milieu des fans à 1180 livres dans un box privé (avec champagne, putes et coke on présume). Sachant qu’une livre sterling vaut 1,17 euros, ça nous fait la place « populaire » à 503 euros et la place VIP à 1380 euros. On a donc remballé notre rêve en silence et on a été regarder un match sur RMC Sports, la chaîne de Patrick Drahi. Le foot, c’est comme le reste : le néolibéralisme a tout tué. Ou presque.
Puisqu’on est dans les mauvaises nouvelles, on va faire deux nécros rapides et, une fois n’est pas coutume, de deux personnes qui ne sont pas célèbres. Il n’y a pas que les grands qui meurent, il y a aussi les petits, ou les inconnus. La première – honneur aux dames – c’est Nathalie Pszola, une militante syndicale de l’enseignement, nous dit Le Progrès. Elle est morte en rechargeant son portable dans son bain. On relaye le communiqué de la FSU et du SNUipp
« Inlassable militante de l’école publique et laïque, comme enseignante dans le premier degré et comme syndicaliste dans le SNUipp-FSU. Infatigable architecte de l’unité syndicale, elle a encore hier animé avec dynamisme et enthousiasme les manifestations de Dole et Lons contre la casse du système des retraites. »
L’autre morte c’est Martine Laronche, du journal Le Monde, que personne ne connaissait, comme on connaît Raphaëlle Bacqué, qui a écrit un très bon livre sur Richard Descoings, Richie, qui nous en a bouché un coin. Ce qui est intéressant dans l’hommage à leur consœur journaliste, c’est son CV.
« Entrée au quotidien en 1990, après avoir suivi des études d’infirmière, elle couvre les sujets liés à la santé avant de rejoindre le service Économie, puis Éducation et de tenir la rubrique psychologie . Elle est morte à l’âge de 60 ans. »
La rubrique Psychologie n’est pas la plus prestigieuse au Monde, le nec plus ultra c’est le service International (à L’Équipe c’est le service Foot), mais il est « occupé » par Christophe Ayad, qui donne cette couleur néoconservatrice aux pages géopolitiques.
Mais ne nous égarons pas, et revenons sur Martine. La suite arrive :
« Bretonne et tête de mule, elle s’était laissé emporter, “ado”, par idéalisme, dans des erreurs de jeunesse qui lui avaient valu de vrais ennuis et de la détention. Elle obtiendra son baccalauréat en prison. À sa sortie, une pétition avait accompagné son admission en école d’infirmières pour s’indigner qu’une place aille à une ex-détenue. Elle en rirait plus tard, bien qu’en en conservant une discrète blessure. Si les difficultés n’ont jamais épargné Martine, elles nourriront, dès ses premiers pas dans le métier, sa pratique du journalisme. Débutant sur la santé, elle n’oubliera ainsi jamais la parole des patients. Et sera toujours attentive aux plus fragiles, se méfiant des discours d’autorité. »
Loin de nous l’idée de déshonorer la disparue, mais on a vérifié une chose : quand on est du bon côté de la barrière idéologique, comme Cesare Battisti (soutenu par Fred Vargas), tout est pardonnable. Imaginez qu’un gars de chez nous ait fait de la taule par idéalisme, immédiatement ça serait exploité, voire surexploité, par les forces du Bien.
On va rester un peu dans le mortuaire en saluant la mémoire du Pr Choron (« Choron » c’est son nom et « Prof » son prénom, comme le nain de Blanche-Neige), trop tôt disparu pour emprunter une formule de merde, comme il aurait dit. Le vieux est mort il y a 15 ans exactement, le 10 janvier 2005. Lui aussi était une « tête de mule ». Mais quel talent ! Et il avait fait l’Indo, ce qui marque à jamais. Vous allez voir où on veut en venir, vous allez voir que ça va loin. Donc l’Indo, jeune soldat, la défaite de Dien Bien Phu, le retour au bercail, à l’époque on ne parlait pas de SPT, stress post-traumatique. Choron soignait ça à l’alcool et à la vanne, deux médicaments relativement bon marché, surtout l’humour.
La France a tenu l’Indochine 10 ans avant les Américains, puis elle a laissé la place à Johnson et son lobby militaro-industriel, ses bombardements massifs et son départ, la queue entre les jambes en 1975, dans des hélicos sur les toits de Saigon. Rappelez-nous quand l’Amérique a gagné une vraie guerre... Eh bien voici notre transition avec l’actu, le lien avec Soleimani. On va faire court, car ça fera l’objet d’un article plus fouillé, plus historiquement révisionniste, mais dans le bon sens du terme, hein, pas le vilain.
Le général Leclerc, qui a participé à la libération de la France à la tête de la 2e DB (division blindée), est l’un des quatre héros français de la Seconde Guerre mondiale. Il y a Jean Moulin, assassiné en 1943, le général Giraud, qui échappe à un attentat en 1944, et le général de Gaulle, que tout le monde connaît. De ces quatre hommes, un seul a surnagé et survécu, de Gaulle. Le préfet (communiste) Moulin a été dénoncé aux nazis, qui l’ont torturé et assassiné. Giraud a survécu à son attentat, mais a été éliminé politiquement par de Gaulle.
Quant à Leclerc, qui a dirigé le corps expéditionnaire français en Indochine en 1945-1946, il meurt en 1947 dans un accident d’avion au-dessus de l’Algérie, alors française. Oui, et alors ? Et alors Soleimani, le héros de toutes les guerres iraniennes depuis des décennies. Soleimani gênait-il le pouvoir politique, après avoir servi ce même pouvoir ? Avait-il pris trop de pouvoir ? Son trafic de pétrole avec la Chine qui permettait de financer très largement ses troupes d’Al-Qods a-t-il été trop loin ?
On laisse la question en suspens (bombardement de coms WW2 à prévoir) et on continue notre chemin de justiciers. La justice, c’est ce que réclament les survivants et les proches des victimes de la tuerie de Charlie Hebdo, dont on fête le 5e anniversaire, si l’on peut dire. Le nouveau boss du canard, Riss, a donné une interview dans Le JDD :
Qu’est-ce à dire ? Que le supergauchiste Riss croit dans l’au-delà ? Ce ce que l’on a compris dans le « je les rejoindrai », même s’il s’en défend avec son « mais pas dans l’au-delà ». En vérité, même les plus grands laïcards ont besoin de croire, car, parfois, ça apaise les souffrances, et Riss le découvre. Dans la même interview, on retrouve le Riss intransigeant, d’autres diraient intolérant :
Charlie est pourtant un tract militant, celui d’un socialo-sionisme à l’ancienne mais qui a muté sous la torture du 7 janvier. Le canard autrefois antibeauf ou antifrançais est devenu anti-islamiste, et ça peut se comprendre. Mais ne pas voir que ces 16 pages hebdomadaires sont un tract militant...
Dans le genre militant, on a retrouvé nos deux préférés, les Pinçon-Charlot ! Les rois du dézinguage de riches, de la dénonciation du milliard mal gagné, de l’évasion fiscale éhontée, des 200 Familles... mais pas du lobby, on reste des gauchistes corrects !
Hélas, les Pinçon ne font pas peur aux riches, leur dangerosité-Système est très relative.
Même si on laisse traîner nos oreilles dans le monde interlope de la truande de haut vol, là où l’on peut commander une élimination physique (entre 3000 et 30 000 euros, ça dépend du « client »), il n’est pas question de se débarrasser des PC (Pinçon-Charlot). Comme quoi le capitalisme peut vive très bien avec un anticapitalisme de bon aloi. Les livres des PC ne déclenchent pas la révolution, sinon ça se saurait : on verrait les Gilets jaunes manifester avec leur bréviaire... Céline a quand même plus de valeur subversive, encore aujourd’hui, soixante ans après sa mort (1894-1961).
La différence entre les pauvres et les riches, elle est simple : le riche peut se payer ce hamburger à 1600 dollars, avec bœuf Wagyu, feuilles d’or 24 carats, truffe noire et foie gras. La chose est servie dans un bar chic japonais.
Un hamburger à 1600$, c’est de la provocation, surtout pour les prisonniers du macdo, mais une provoc qui va dans le sens du Système. On parlait de Charlie, qui symbolise aujourd’hui la liberté d’expression, eh bien notre insignifiant ministre de la Culture a annoncé la création d’une maison du dessin de presse, une idée de Wolinski (qui aimait le luxe).
Là encore, ce dessin de Charb est une provocation acceptable : elle vise les chrétiens et les musulmans, et évite l’écueil judaïque. De l’autre côté de l’Atlantique, les dessinateurs, qui sont pourtant très bons techniquement, ne sont pas non plus très anti-Système... Ramirez, qui a une technique de folie, et peut donc théoriquement tout dessiner, représente ici le Guide suprême, Ali Khamenei, qui s’en prend aux Américains qui ont éliminé Soleimani, un assassinat qu’il qualifie d’acte de terrorisme (franchement c’était pas la peine de traduire).
« Sob », c’est l’onomatopée du soupir en américain. Ramirez nous fait comprendre que l’Iran pleure son mort alors que Soleimani a tué des paquets d’Américains... On se croirait dans un article de Christophe Ayad du Monde ! Allez, on va finir cette rubrique avec un message d’espoir, un couple merveilleux qui adopte un chien. Que ça nous redonne à tous foi en l’humanité !