Ce dimanche 19 juin 2016, Le Grand Jury Europe 1-Le Monde recevait le leader de la CGT Philippe Martinez. Une invitation en forme d’embuscade puisque dès l’intro, Elkabbach lance les premières attaques. Aucun des deux chroniqueurs ne viendra en aide au supplicié : et Michaël Darmon et Françoise Fressoz sont d’indécrottables libéraux anti-CGT. Le débat politique prendra alors la tournure d’un procès, où l’accusé de tous les maux de la société française fera face à son juge et ses deux assesseurs, qui l’auront condamné avant même qu’il ouvre la bouche.
Pour info, on rappelle que Jean-Pierre Elkabbach est l’inamovible sioniste d’Europe 1, qui aura toujours réussi à rentrer dans les grâces des présidents de la République successifs, Chirac mis à part. Darmon, lui, a été le correspondant à Jérusalem de la RTBF, mais ça n’en fait pas un sioniste non plus. C’était il y a plus de 20 ans. Aujourd’hui, il mène les interviews politiques sur i>Télé et travaille sur i24news. Et alors ?
Françoise Fressoz est éditorialiste au Monde. Quand on l’entend parler, et argumenter, on dirait plutôt, tout racisme social mis à part, la femme de ménage qui est entrée en plateau et qui s’impose. Des sorties niveau bac moins 12, des arguments à pleurer (de rire parfois), et un parti pris gênant, pour la représentante du grand journal du soir. Envoyer Fressoz sur Europe 1 pour représenter le premier quotidien français (en prestige), c’est comme si Canal+ envoyait la Miss Météo pour négocier les droits du foot avec les pontes de la Ligue de Football Professionnel.
Dans ce premier extrait de 2’35, on voit nos trois juges moscovites (des années 30) reprocher la violence des manifestations à Martinez et à la CGT, alors que l’autre s’égosille à expliquer que les violences sont ajoutées aux manifs, que le service d’ordre historique de la CGT (le SO) assure, et que curieusement, déclarations d’un syndicat de policiers pas vraiment politiquement proche de la CGT à l’appui, le gouvernement ne donne pas d’ordres aux forces de l’ordre dans les cas de débordements et de violences. Ce qu’on a tous vu.
Darmon : « Est-ce que c’est pas le moment d’arrêter ? »
Martinez : « Mais pourquoi renvoie-t-on toujours le problème aux organisations syndicales et jamais au gouvernement ? Quatre mois, quatre mois que ça dure. »
Darmon : « Mais parce que ce sont les syndicats qui manifestent ! »
Martinez : « Mais le problème c’est bien une loi du gouvernement, non ? »
Fressoz : « Mais parce que les manifestations monsieur Martinez, neuf manifestations depuis le début du conflit, à chaque fois des violences, des violences qui viennent, et des violences qui interpellent la société, c’est là-dessus qu’on veut vous entendre. »
Elkabbach : « Et à propos de ce que dit justement Françoise Fressoz monsieur Martinez, la nation toute entière est bouleversée par ce qui s’est passé, par le meurtre de deux policiers, les gens soutiennent les policiers, leurs rend hommage, on vous a rarement entendu dire merci, à la police. »
Et là l’extrait est coupé, pour avoir la réponse de l’accusé, il faut regarder la suite de l’émission. Mais sur Europe 1, on sait très bien que l’internaute moyen va s’arrêter aux sempiternelles trois minutes de vidéo... Du coup, la majorité des gens restera avec l’impression d’un Martinez dans les cordes, sans argument, sans oublier l’amalgame relativement nauséabond d’Elkabbach, avec les policiers assassinés. On résume son coup de vice : les Français sont avec les policiers, les policiers sont contre les manifestants, donc les Français sont contre la CGT. Du haut niveau.
L’extrait teaser de 2’35 :
Mais il y a mieux, en termes d’amalgames et de contre-vérités, que cet échange. On a recollé la suite du teaser d’Europe 1, savoureuse.
Elkabbach : « On vous a rarement entendu dire merci à la police. »
Martinez : « On a dénoncé les violences à chaque fois. Pourquoi ces violences se répètent-elles depuis quatre mois, c’est la question. Vous savez, les hooligans, à Marseille, on les a arrêtés en moins de 48 heures, pourquoi des casseurs qui sont identifiés, qu’on voit à toutes les manifestations, ils peuvent continuer à sévir ? »
Elkabbach : « Est-ce qu’il y aurait dans votre esprit une sorte de complicité ou de complot entre le gouvernement et les policiers ? »
Fressoz : « La violence est partout, on l’a vu aussi en Grande-Bretagne, où ce débat sur le Brexit se termine par un mort. Est-ce que vous, vous dites, il faut arrêter, avec un mort on peut pas continuer comme ça ? »
Martinez : « On peut pas faire ce style de comparaison ! »
Fressoz : Pour vous y a pas de violence du débat démocratique actuellement ?
Martinez se défend avec la Shoah, le bouclier qu’on peut sortir à tout moment, en cas de galère dans un débat, un procès, ou un combat de boxe : « Y a un monde qu’est violent, et y en a qui cultivent cette violence. Le climat en Grande-Bretagne avec des partis d’extrême droite, vous avez vu les affiches qu’ils ont produits, montrant, en faisant le parallèle d’ailleurs avec une affiche sur les juifs que reprenait le parti nazi dans les années 30, sur ces hordes de migrants qui viendraient envahir la Grande-Bretagne, mais on a des comparaisons similaires en France, c’est ce climat de violence qu’il faut dénoncer. »
Elkabbach : « Quand on voit des policiers avec une tache, une flaque de sang aussi. »
La vidéo complète des 42 minutes de l’émission :
Enfin, un troisième extrait est médiatisé par la station, qui donne l’information sur la suite des événements, la CGT ayant prévu de nouvelles manifestations les 23 et 28 juin prochains.
Elkabbach des manifs du 23 et 28 juin : « D’abord est-ce que vous les maintenez ? »
Martinez : « Oui, tant que nous aurons ce problème avec le texte du gouvernement et il existe encore, je vous rappelle qu’il y a un soutien très large de l’opinion publique notamment chez les plus jeunes, eh bien ce sera maintenu. »
Fressoz : « Vous pensez que l’opinion publique soutient les casseurs ? »
L’extrait court de 1’26 est ici :
« Vous pensez que l’opinion publique soutient les casseurs ? »
Ce qui frappe, c’est le faible niveau de nos élites médiatico-politiques. Le très faible niveau. Quand on voit Françoise Fressoz, qui est quand même éditorialiste au Monde, une espèce de poste détaché qui représente les vues du journal, quasiment l’ambassadrice en matière politique, on a peur. Ses interventions ou questions sont du niveau d’une collégienne.
Quant à Darmon, libéral jusqu’à l’os (il le démontrait régulièrement dans la Matinale de Canal+), on pourrait écrire ses répliques, tant elles sont attendues. On croirait entendre Gattaz, qui ne manque pas de porte-paroles, dans les médias. Darmon est le représentant des patrons, contre les employés et leurs défenseurs, c’est clair. À côté de Fressoz, il fait presque mesuré et intelligent.
Elkabbach, lui, ne change pas : c’est toujours le même porte-parole du grand patronat et du lobby sioniste, aux intérêts mêlés. Au moins, il ne s’en cache pas. C’est déjà ça. On va vous avouer une chose : on n’a pas regardé les dernières minutes, mais on espère qu’Elkabbach n’a pas demandé à Martinez de regarder Shoah, de Claude Lanzmann. Parce que là, le Martinez, sa grève, il peut l’arrêter tout de suite.