Plus tôt ce mois-ci, en prononçant son discours public à Kiev, « Les défis d’un monde en perpétuel changement », l’ancienne secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice a fait une remarque inspirante pour quiconque penserait que l’on vit mal en Ukraine : « Vous devriez aller au Liberia, où le niveau de vie est bien plus bas, ensuite vous serez satisfaits. »
Ironiquement, Forbes Ukraine a réagi à cela avec une analyse légèrement perplexe qui a néanmoins conduit à une conclusion d’une parfaite logique :
« Bien que le Liberia ait une des économies les plus faibles du monde, il n’a qu’un léger retard par rapport à l’Ukraine en ce qui concerne un certain nombre de paramètres macroéconomiques. »
Et le magazine a défendu son argument avec quelques statistiques anémiques (manquant cependant de mentionner que le taux de 85% de chômage du Liberia est bien pire qu’en Ukraine, même aujourd’hui.)
La rapide détérioration de l’économie ukrainienne sur les deux années post-Maïdan n’est plus un sujet tabou dans la presse internationale (l’article de l’éminent académicien américain et ancien diplomate Nicolaï Petro dans le Guardian en est une preuve évidente). Mais, pour faire court, la situation dans son ensemble a l’air encore plus déprimante.
Les gens se bousculent pour quitter l’Ukraine
Une agence d’intérim basée à Kiev affirme que, selon ses sondages, 70% de la population ne voit aucun futur en Ukraine. Dix Ukrainiens sur onze sont prêts à quitter le pays si on leur offre un travail à l’étranger. Quarante pour cent des travailleurs en col blanc de Kiev ne voit aucun avenir assuré. Un autre sondage montre que, comparé à la période pré-Maidan, le pessimisme public augmente. Seuls 19% des sondés s’attendent à ce que 2016 amène des changements positifs (ils étaient 42% en 2013).
C’est un sentiment plutôt compréhensible si nous regardons les revenus moyens en Ukraine. Selon les données officielles du ministère des Finances (du 2 mars 2016), le revenu moyen en Ukraine n’est que de 4 362 hryvnias par mois : approximativement 145 euros. Le salaire mensuel minimum est actuellement à 1 378 hryvnias : 46 euros. La grande majorité des travailleurs ukrainiens doit donc s’en sortir avec un salaire de 2000 à 3000 hryvnias (70-100 euros) par mois. Et le nombre de travailleurs décline chaque jour. En septembre 2015, le ministre ukrainien des Politiques sociales, Valery Iarochenko, reconnaissait que le taux de chômage avait atteint le plus haut point de l’histoire de l’Ukraine en tant que pays indépendant, avec 23% de jeunes Ukrainiens incapables de trouver un emploi (dans les parties de la région de Donetsk contrôlées par Kiev, ce chiffre s’approche de celui du Liberia : 50% !).