Fin novembre, j’ai rencontré Pierre Mocovici, puis mi-décembre, j’ai débattu avec Valérie Rabaud, l’une des « têtes pensantes » du PS sur l’économie, avec Karine Berger, avec laquelle NDA a débattu récemment sur LCP. L’occasion de constater que les « économistes » du PS sont irrécupérables.
Un surmoi néolibéral
Emmanuel Todd continue à croire au « hollandisme révolutionnaire », une conversion du président de la République aux idées alternatives qui lui ferait faire l’inverse du chemin fait en 1983. C’est ce qu’un commentateur régulier du blog, Emmanuel B, continue également à espérer. Mais, si on en croit ces trois rencontres avec les personnes en charge des questions économiques au parti socialiste, cet espoir paraît totalement vain, par-delà le parcours deloro-jospinien du président.
Ce qui est frappant avec ces trois personnes, c’est la proximité de leur discours. Bien sûr, elles sont toutes trois dans la majorité, mais le PS n’est pas aussi bon que l’UMP pour développer des éléments de langage repris ensuite en chœur. Ici, il semble y avoir une unité de pensée qui dépasse le simple cadre du discours public. Les trois dénoncent en effet l’excès d’endettement et de déficits comme de vuglaires membres des Tea Party, ignorant tout des analyses de Krugman et Stiglitz.
En outre, ils raisonnent dans un cadre extrêmement restreint, réduisant les questions économiques à des questions finalement techniques, où il n’y aurait guère d’alternative. Le libre-échange ou la libre-circulation des de capitaux, la méfiance à l’égard de la monétisation, pourtant largement pratiquée ailleurs, le soutien indéfectible à l’indépendance des banques centrales ou aux potions amères infligées aux pays « aidés » par l’Europe ne souffrent pas le moindre questionnement. C’est aussi ce PS capable de parler de sortie de la crise en regardant les marchés financiers mais en oubliant le chômage.
La mauvaise foi au pouvoir
Karine Berger, suivant l’exemple de Pierre Moscovici, affirme ainsi que la réforme bancaire est sans doute une bonne réforme puisqu’elle déplairait aux banques comme à la gauche radicale. Mais cet argument est mensonger. Les banques ne se plaignent guère et d’innombrables économistes ou journalistes modérés en critiquent le caractère beaucoup trop limité. Outre Olivier Berruyer, Hervé Nathan, de Marianne, dénonce une véritable capitulation du gouvernement.
Dans les débats, les trois « économistes » du PS pratiquent l’amalgame et les détournements de sujet pour se sortir des questions difficiles. Face à une question sur la monétisation, Pierre Moscovici avait fui en disant que les politiques austéritaires de la Grande-Bretagne n’étaient pas son modèle. Valérie Rabaud n’a pas hésité à dire que la BCE aidait les États puisqu’elle prête aux banques, qui, ensuite, rachètent les dettes publiques alors que c’est justement cela qui est choquant !
Enfin, Karine Berger répétait en boucle que le projet de réforme bancaire était une grande avancée alors qu’absolument tout le monde lui démontre le contraire. NDA a eu bien raison de se demander s’ils sont cyniques ou malhonnêtes. En fait, je crois qu’ils sont surtout cyniques dans la forme et que dans le fond, leur surmoi néolibéral est tellement fort qu’ils ne pensent sincèrement pas pouvoir mener une autre politique aujourd’hui (par conformisme ou paresse intellectuelle).
Il faut vraiment écouter le discours de Pierre Moscovici, Valérie Rabaud et Karine Berger. Un parti dont les trois mousquetaires des questions économiques tiennent un discours aussi homogène et fermé à toute idée alternative ne peut qu’aller dans le mur. Et aucune remise en cause ne viendra. J’en prends le pari.
Laurent Pinsolle