Près de 10 % des hommes seraient victimes de violences conjugales. Mais à en croire plusieurs études américaines et canadiennes, le nombre d’hommes battus est largement sous-estimé. Ils seraient même tout autant victimes d’agressions physiques et psychologiques au sein du couple que les femmes.
« La violence des femmes est tue, et pourtant elle tue », déplore Sébastien L. Cet homme a subi pendant des années les coups et les insultes de sa femme. Combien sont-ils comme lui, victimes silencieuses de leur compagne ? Difficile de répondre avec certitude tant le tabou est fort. « Des études sérieuses et sans préjugés ont prouvé qu’il y a eu 8 % de femmes battues et 7 % d’hommes battus au Québec ces cinq dernières années. Pourquoi les choses seraient-elles différentes en France ? » interroge le psychologue Yvon Dallaire, auteur de La Violence faite aux hommes. « La violence n’a pas de sexe. Bien sûr, un poing d’homme fera plus de dégâts mais dans 80 % des cas, les femmes utilisent des objets, qui compensent leur faiblesse relative. La violence des femmes est impensable pour beaucoup de gens, donc on croit qu’elle n’existe pas. D’autant que les hommes battus, bien évidemment, ne vont pas dénoncer. »
Des hommes pour qui la situation est peut-être encore plus dure à vivre que pour les femmes. « L’identité masculine de ces hommes est niée. Une femme sera soutenue, on la plaindra. Mais l’homme, lui, n’est plus un homme », explique Sophie Torrent, travailleuse sociale et auteur de L’Homme battu, un tabou au cœur du tabou. « Je suis surprise de voir à quel point les instances juridiques restent silencieuses. C’est quand même invraisemblable que l’on nie cette violence ! Le plus souvent, on cherche à minimiser le phénomène. C’est aussi une question financière car le budget de l’Etat va aux associations féministes. »
Priorité aux femmes
Ces dernières rejettent évidemment cette explication, de même qu’une vision symétrique de la violence. « Ce n’est pas une histoire de crédit, le fait est que s’il y a effectivement des hommes qui subissent des violences, la situation n’est pas comparable », assure une responsable de la Fédération nationale solidarité femmes. « Les femmes représentent 90 % des victimes de violences conjugales. Si celles concernant les hommes sont minoritaires, ce n’est pas parce que les hommes ont plus de mal à en parler, mais parce que c’est un fait. Une femme est assassinée tous les trois jours, il n’y a pas autant d’hommes qui décèdent. Sans compter que les hommes tués étaient souvent violents eux-mêmes. »
Au ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, on précise que l’accent est mis sur les victimes féminines car elles représentent la majorité des cas de maltraitance recensés. La construction de foyers d’accueil pour hommes n’est pas à l’ordre du jour. S’il n’existe pas de dispositif spécifique à leur intention, les hommes ne sont pas pour autant exclus du système de droit commun. Ils peuvent appeler le 39.19 (le numéro pour les victimes de violences conjugales) et leur conjoint est susceptible d’être éloigné du domicile.
Mais pour cela, encore faudrait-il qu’on les écoute… « Les juges aux affaires familiales croient toujours la femme, même si le mari fait 15 kg de moins qu’elle », résume Alain D., une ancienne victime. En effet, la prise en compte de ce phénomène est encore très difficile. Manque de structures, souffrances physique et psychologique, les hommes maltraités sont des victimes isolées… Leurs souhaits ? Etre aidés, être soutenus et surtout être entendus…
Matthieu (*), en instance de divorce, deux enfants : “J’étais coupé de toute vie sociale”
« Quand on est un homme, on se dit que ce genre de choses ne peut pas arriver. » Après la naissance de leur premier enfant, leurs relations ont commencé à se détériorer. « Je me suis laissé enfermer dans une sorte de bulle infernale, j’étais coupé de toute vie sociale, de tout avis extérieur. Entouré uniquement de ma belle-mère et des amis de ma femme. »
Matthieu a commencé à être dénigré, insulté et frappé par sa femme. « J’ai pris des claques, des coups de poing, des coups de pied dans les testicules, elle m’a même frappé avec le pistolet d’arrosage. Elle m’a aussi envoyé des chaises à la figure, j’ai encore des cicatrices aujourd’hui. Elle a profité de ma fragilité : je me taisais car je l’aimais. Son but, c’était de me faire craquer. Je ne l’ai pas frappée mais c’était pas loin car elle voulait vraiment me pousser à bout. »
Après la naissance de leur deuxième enfant, la situation a encore empiré.
« Elle me jette des cailloux »
« Elle s’enfermait à clé avec la petite après m’avoir tapé. Quand c’est devenu trop insupportable, j’ai quitté le domicile conjugal et contacté un avocat. Il m’a dit de ne pas charger la mère et de faire profil bas devant le juge pour ne pas l’« énerver ». Quand on est un homme, il faut tout justifier, on a l’impression d’être toujours le méchant. Si j’avais été handicapé à vie, le juge en aurait peut-être tenu compte. »
Et aujourd’hui encore, ça continue. « A chaque fois que je viens chercher les enfants, c’est l’esclandre, elle me jette des cailloux, elle essaie de les monter contre moi. C’est difficile pour moi de réaliser qu’une femme qui m’a aimé, qui a voulu avoir deux enfants avec moi, ait pu se comporter comme ça ».
(*) Le prénom a été modifié.
Chiffres-clés
8 à 10 % d’hommes seraient victimes de violences conjugales. En 2006, 31 d’entre eux sont décédés, soit un décès tous les 13 jours. Par comparaison, 10 % des femmes se déclarent victimes de violences conjugales et une femme est tuée par son compagnon tous les 4 jours.
Dossier réalisé par Nathalie Grigorcuik
Source : http://www.francesoir.fr
« La violence des femmes est tue, et pourtant elle tue », déplore Sébastien L. Cet homme a subi pendant des années les coups et les insultes de sa femme. Combien sont-ils comme lui, victimes silencieuses de leur compagne ? Difficile de répondre avec certitude tant le tabou est fort. « Des études sérieuses et sans préjugés ont prouvé qu’il y a eu 8 % de femmes battues et 7 % d’hommes battus au Québec ces cinq dernières années. Pourquoi les choses seraient-elles différentes en France ? » interroge le psychologue Yvon Dallaire, auteur de La Violence faite aux hommes. « La violence n’a pas de sexe. Bien sûr, un poing d’homme fera plus de dégâts mais dans 80 % des cas, les femmes utilisent des objets, qui compensent leur faiblesse relative. La violence des femmes est impensable pour beaucoup de gens, donc on croit qu’elle n’existe pas. D’autant que les hommes battus, bien évidemment, ne vont pas dénoncer. »
Des hommes pour qui la situation est peut-être encore plus dure à vivre que pour les femmes. « L’identité masculine de ces hommes est niée. Une femme sera soutenue, on la plaindra. Mais l’homme, lui, n’est plus un homme », explique Sophie Torrent, travailleuse sociale et auteur de L’Homme battu, un tabou au cœur du tabou. « Je suis surprise de voir à quel point les instances juridiques restent silencieuses. C’est quand même invraisemblable que l’on nie cette violence ! Le plus souvent, on cherche à minimiser le phénomène. C’est aussi une question financière car le budget de l’Etat va aux associations féministes. »
Priorité aux femmes
Ces dernières rejettent évidemment cette explication, de même qu’une vision symétrique de la violence. « Ce n’est pas une histoire de crédit, le fait est que s’il y a effectivement des hommes qui subissent des violences, la situation n’est pas comparable », assure une responsable de la Fédération nationale solidarité femmes. « Les femmes représentent 90 % des victimes de violences conjugales. Si celles concernant les hommes sont minoritaires, ce n’est pas parce que les hommes ont plus de mal à en parler, mais parce que c’est un fait. Une femme est assassinée tous les trois jours, il n’y a pas autant d’hommes qui décèdent. Sans compter que les hommes tués étaient souvent violents eux-mêmes. »
Au ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, on précise que l’accent est mis sur les victimes féminines car elles représentent la majorité des cas de maltraitance recensés. La construction de foyers d’accueil pour hommes n’est pas à l’ordre du jour. S’il n’existe pas de dispositif spécifique à leur intention, les hommes ne sont pas pour autant exclus du système de droit commun. Ils peuvent appeler le 39.19 (le numéro pour les victimes de violences conjugales) et leur conjoint est susceptible d’être éloigné du domicile.
Mais pour cela, encore faudrait-il qu’on les écoute… « Les juges aux affaires familiales croient toujours la femme, même si le mari fait 15 kg de moins qu’elle », résume Alain D., une ancienne victime. En effet, la prise en compte de ce phénomène est encore très difficile. Manque de structures, souffrances physique et psychologique, les hommes maltraités sont des victimes isolées… Leurs souhaits ? Etre aidés, être soutenus et surtout être entendus…
Matthieu (*), en instance de divorce, deux enfants : “J’étais coupé de toute vie sociale”
« Quand on est un homme, on se dit que ce genre de choses ne peut pas arriver. » Après la naissance de leur premier enfant, leurs relations ont commencé à se détériorer. « Je me suis laissé enfermer dans une sorte de bulle infernale, j’étais coupé de toute vie sociale, de tout avis extérieur. Entouré uniquement de ma belle-mère et des amis de ma femme. »
Matthieu a commencé à être dénigré, insulté et frappé par sa femme. « J’ai pris des claques, des coups de poing, des coups de pied dans les testicules, elle m’a même frappé avec le pistolet d’arrosage. Elle m’a aussi envoyé des chaises à la figure, j’ai encore des cicatrices aujourd’hui. Elle a profité de ma fragilité : je me taisais car je l’aimais. Son but, c’était de me faire craquer. Je ne l’ai pas frappée mais c’était pas loin car elle voulait vraiment me pousser à bout. »
Après la naissance de leur deuxième enfant, la situation a encore empiré.
« Elle me jette des cailloux »
« Elle s’enfermait à clé avec la petite après m’avoir tapé. Quand c’est devenu trop insupportable, j’ai quitté le domicile conjugal et contacté un avocat. Il m’a dit de ne pas charger la mère et de faire profil bas devant le juge pour ne pas l’« énerver ». Quand on est un homme, il faut tout justifier, on a l’impression d’être toujours le méchant. Si j’avais été handicapé à vie, le juge en aurait peut-être tenu compte. »
Et aujourd’hui encore, ça continue. « A chaque fois que je viens chercher les enfants, c’est l’esclandre, elle me jette des cailloux, elle essaie de les monter contre moi. C’est difficile pour moi de réaliser qu’une femme qui m’a aimé, qui a voulu avoir deux enfants avec moi, ait pu se comporter comme ça ».
(*) Le prénom a été modifié.
Chiffres-clés
8 à 10 % d’hommes seraient victimes de violences conjugales. En 2006, 31 d’entre eux sont décédés, soit un décès tous les 13 jours. Par comparaison, 10 % des femmes se déclarent victimes de violences conjugales et une femme est tuée par son compagnon tous les 4 jours.
Dossier réalisé par Nathalie Grigorcuik
Source : http://www.francesoir.fr