Le député socialiste a osé interpréter la bronca contre les bleus comme une manifestation de communautarisme. On se pince...Un raisonnement dangereux que décrypte Maurice Szafran.
Reprenons, parce que nous y sommes contraints, le fil de notre pensée. Avant même la défaite de l’équipe de France de foot contre le Mexique (2-0), avant même les insultes proférées par Nicolas Anelka envers son entraîneur, Raymond Domenech, avant même l’expulsion du joueur de Chelsea, avant même la grève de l’entraînement, décrété dimanche dernier par des joueurs solidaires avec le « puni », avant même cette comédie sans aucun intérêt, convenons-en, nous avions pointé (c’était aisé) les maux qui frappaient ce que les médias et les Français baptisent avec chaleur et passion les Bleus : l’arrogance, la mauvaise éducation, le pourrissement individuel et collectif par l’argent, l’incapacité chronique à la solidarité - avec son pays ou avec l’Afrique qui reçoit cette Coupe du monde - l’individualisme non seulement érigé en mode de vie mais en idéologie revendiquée et assumée, à l’inverse de tous les fondements d’un sport collectif.
Aucune surprise donc, fiasco garanti, sur tous les plans, sportif, éthique, moral. Pas envie non plus d’insister sur l’incompétence de l’entraîneur Raymond Domenech, sur le quasi gâtisme du président de la Fédération française de football, Jean-Pierre Escalettes ; sur l’attitude de Patrice Evra, capitaine au front bas d’une équipe stupide, sur le terrain et en dehors. Tout cela va de soi, tout cela est maintenant rabâché depuis tant de jours.
Ce qui ne va pas, mais pas du tout, c’est la sortie dans France Soir du député PS Julien Dray, l’un des pères fondateurs de SOS Racisme. Citons-le : « nous assistons à une offensive en règle, à un règlement de comptes contre la France métissée de l’équipe de 1998 [ndlr : l’équipe de France black-blanc-beur qui avait gagné la Coupe du Monde de foot], contre les banlieues. On voit bien le scénario qu’on est en train de nous écrire : il y a un contenu idéologique qui n’est pas acceptable (…). On est en train encore une fois de faire le même procès : est-ce que l’équipe de France est trop métissée, est-ce qu’elle chante la Marseillaise ? Ca suffit… Ce Climat est très mauvais. On est en train de communautariser les choses. » L’analyse de Dray ou la preuve d’une authentique malhonnêteté intellectuelle et politique : c’est lui en effet, qui, à dessein, « communautarise » le scandale des Bleus.
Une fois encore, l’autisme d’un représentant de la gauche dite « convenable », dite « morale » ; une fois encore, l’incapacité chez un élu socialiste de prendre en compte le réel - ces millions de citoyens scandalisés par la tenue (ou plus précisément par l’absence de tenue) d’adolescents retardés (et milliardaires) ; une fois encore, le refus d’entendre ce qui monte de la rue, des bistrots, des villages : le haut de cœur, le dégoût provoqué par ce déferlement d’indécences et de richesses. La place du socialiste Julien Dray aurait dû être aux côtés de ces Français-là, secoués par trois années de gouvernance sarkozyste, traumatisés par une crise économique et sociale dont ils subissent les effets au quotidien, attristés - c’est moins grave, convenons-en, même si ça fait partie du même lot - par l’indécence des Bleus. Mais voilà, dans l’esprit de Dray et de quelques autres, les Bleus sont l’objet, les victimes d’un complot parce que la majorité d’entre eux viennent des cités, parce que la majorité d’entre eux sont blacks, parce que la France blanche profite de la moindre occasion pour s’acharner sur leur compte.
Aussitôt soupçon de discrimination ; aussitôt soupçon de racisme. Il est débile, Dray ? Non, il est dangereux car la perversité de son raisonnement ouvre la voie, notamment électorale, à la maligne Marine Lepen et au populiste Nicolas Sarkozy. Sommes-nous si loin du foot et des Bleus ? Je ne crois pas. Julien Dray leur rend un bien mauvais service. Et à la gauche aussi.