Tandis que ce mercredi après-midi la journaliste franco-syro-atlantiste Hala Kodmani dévidait chez ses amis bobos d’I-Télé sa litanie de mensonges – « La rébellion progresse et incarne les aspirations du peuple syrien » – et d’omissions – la montée en puissance des islamistes durs, le racisme confessionnel et les nombreux crimes de la rébellion –, d’autres désinformateurs de référence comme l’AFP ne peuvent même plus entretenir la fiction – la légende dorée – d’une résistance unie et démocratique.
En témoigne le long article mis en ligne ce 5 décembre et où le rédacteur de l’agence explique à ses lecteurs, sans doute un peu surpris – qu’à Alep et dans sa région du moins, l’ASL « de papa » ne fait plus recette dans la population qu’elle prétendait incarner et libérer. L’AFP rend compte de manifestations d’habitants d’Alep conspuant la soi-disant « Armée syrienne libre » et lui demandant d’aller voir ailleurs si Bachar y est.
Prime à la « férocité »
Pourquoi tant d’hostilité ? L’article, basé sur des témoignages recueillis ça et là chez des habitants d’Alep : en gros, l’ASL est militairement inefficace, ses membres, jeunes et inexpérimentés, sont d’avantage portés sur le pillage, le squattage de maisons et le kidnapping crapuleux. Mais, la nature ayant horreur du vide, cette « perte d’influence » de l’ASL (la formule euphémistique est de l’AFP) se fait au profit des groupes les plus durs, le front al-Nosra (se revendiquant ouvertement d’al-Qaïda et auteur de nombreux attentats à la voiture piégée), Ghouraba al-Cham (qui, nous précise l’AFP, se compose essentiellement de « djihadistes turcs et venus des pays de l’ex-URSS ») et Ahrar al-Cham (qui, eux, ont recruté plutôt en Irak et au Liban).
Le plus de ces messieurs ? Leur « férocité et leur expertise au combat » explique un Alépin admiratif. En plus, précise un autre « sondé », ils ont le bon goût de ne pas s’imposer à l’habitant et de disparaître une fois leurs actions accomplies. Il est vrai que leur statut d’étranger les sépare naturellement des Alépins qui ont parfois bien du mal à comprendre ce qu’ils disent. Et puis, ces djihadistes ont des moyens financiers et militaires conséquents, d’après les témoins, qui soulignent la modernité et l’abondance de leur armement.
Face à tant d’atouts, même l’étoile de la « brigade (Frères musulmans/ASL) Liwad al-Thawid », pourtant la première à se faire remarquer sur Alep, a pâli.
Où en est la caste médiatique française ?
Bref à en croire l’article, la population d’Alep (du moins sa partie occupée par les insurgés) et de sa région n’en a plus que pour les barbus, si virils et pros. On peut dire que l’article de l’AFP est intéressant – et ahurissant – à deux ou trois titres :
Il consacre, pour la première fois à notre sens aussi ouvertement, la déshérence de l’ASL « traditionnelle » et sa mise sur la touche par les disciples de locaux de Ben Laden : plus de faux-semblants « démocratiques », les ennemis n°1 de Bachar sont bien des fanatiques barbus.
Ensuite, les choses étant ce qu’elles sont, nos journalistes français « citoyens » esquissent un virage islamiste radical, sournois mais effectif, en se mettant à valoriser, par « témoignages » interposés, la vaillance et l’incorruptibilité de ces guerriers de l’Islam radical (ce matin, un « reporter » d‘I-Télé vantait la « foi » des djihadistes. Et c’est vrai que les gens d’al-Nosra sont incorruptibles : comme l’explique là encore l’AFP, eux aussi pratiquent l’enlèvement de leurs ennemis, mais, contrairement aux « amateurs » de l’ASL, ils ne réclament pas de rançon, mais tuent leurs prisonniers. C’est vrai que ça force le respect !
En somme, tout étant décidément bon pour faire tomber la Syrie en attendant l’Iran, nos journalistes bobos, sionistes, atlantistes, ou simplement conformistes, en appellent au djihad contre Bachar. On en est, ou plutôt ils en sont là !
« Accessoirement », l’AFP continue de plaquer sa grille tordue sur les événements : croire que les habitants d’Alep, même les plus réservés à l’égard de l’actuel régime, peuvent se féliciter d’avoir échangé l’ASL contre le Front al-Nosra, c’est plus qu’une erreur, c’est de la folie. Mais voilà ce qui arrive quand on s’est trompé dès le départ en inventant un récit médiatique sur le peuple soulevé en masse contre un dictateur et sa clique : on se retrouve à défendre, à promouvoir des fanatiques qui, s’ils étaient au pouvoir, mettraient un voile à Hala Kodmani et égorgeraient (avec beaucoup de « foi » ) tout ce qui ressemble à un libéral ou un démocrate syrien. Il est vrai que Mme Kodmani et ses hôtes d’I-Télé ont en commun d’être loin de la Syrie réelle et souffrante.
On se permettra de tirer une morale optimiste de tout ce délire : si vraiment aujourd’hui, le plus redoutable adversaire de Bachar al-Assad est le Front al-Nosra, alors décidément, Bachar va gagner. En tous cas, de l’aveu même de l’AFP, l’ASL et ses correspondants politiques du CNS et de la « Coalition nationale » de Doha ont, eux, déjà perdu.
*Armée syrienne libre, ndlr.