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Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

Note de la Rédaction

"Dieux du sport" : une rubrique proposée par la Rédaction d’E&R et consacrée aux sommets du sport, à ces moments uniques où la performance et les déterminismes sont transcendés par la grâce.

37 victoires, dont 33 par KO, pour 0 défaite et 0 nul : le palmarès professionnel de Mike Tyson est tout simplement renversant au moment où il monte sur le ring du Korakuen Hall de Tokyo, au Japon, le 11 février 1990. Renversant et terrifiant pour ses adversaires de la catégorie des poids lourds prétendants aux titres unifiés des fédérations IBF/WBA/WBC. Sélectionné par le promoteur Don King, un challenger donné perdant à 42 contre 1 va pourtant relever le défi : James Douglas, inconnu du grand public mais tout de même classé parmi les meilleurs boxeurs mondiaux à cette époque.

 

La liste des combats professionnels de Mike Tyson avant le 11 février 1990
(cliquez sur les images pour afficher plus largement)

 

 

Souvent qualifié de plus grosse surprise de l’histoire de la boxe, le match Douglas-Tyson constitue surtout une leçon de vie et un exemple de destins croisés hors du commun où s’entremêlent rage et puissance, rigueur et désarroi.

Si rien ne sera jamais pareil pour l’un comme pour l’autre après ce combat, les faits nous enseignent que rien n’est dû au hasard.

 

James « Buster » Douglas, entre tristesse et ascétisme

 

Né en 1960 à Columbus dans l’Ohio, lui-même fils de boxeur, James Douglas devient boxeur professionnel à l’âge de 21 ans. Malgré de grosses difficultés pour gérer son poids (de 97 kilos, James Douglas passe parfois à 117 kilos), il fait un début de carrière très satisfaisant (17 combats en trois ans, 14 victoires, 2 défaites et un match nul) sans toutefois marquer les esprits.

L’année 1984 sera un premier tournant pour Douglas : en effet, il accepte un combat contre Randall Cobb (ancien challenger de Larry Holmes pour le titre mondial) seulement trois jours avant l’échéance et le remporte par décision majoritaire. Sa carrière prend alors un nouvel élan. En 1987, il dispute contre Tony Tucker (alors invaincu en 33 combats) son premier combat pour un titre mondial dans la fédération IBF. La ceinture de champion du monde lui échappe au dixième round par arrêt de l’arbitre après un affrontement extrêmement serré.

Désormais encadré par Don King, qui voit en lui un faire-valoir prêt à relever tous les défis, Douglas poursuit sa carrière et remporte ses six prochains combats. Il mérite à nouveau de combattre pour un titre mondial mais personne ne croit en lui. Contre toute attente, il est « proposé » fin 1989 à Mike Tyson, champion unifié des poids lourds depuis 1987 et sa victoire face à Tony Tucker, à la place du canadien d’origine jamaïcaine Donovan Ruddock. Don King, qui sait que Tyson est à court de forme, préfère en effet ménager sa poule aux œufs d’or : Ruddock est la nouvelle terreur des rings et derrière lui se profile un autre géant, Evander Holyfield. C’est donc Douglas qui est choisi pour jouer au sparring-partner, histoire de gagner du temps...

Sauf que Douglas, qui n’intéresse personne et sur lequel personne ne mise, traverse une période sombre : sa mère est très malade, la mère de son enfant est très malade et il se sépare de la femme qui occupait alors sa vie. Plus que le boxeur, c’est l’homme qui est poussé dans ses retranchements. Il est désormais presque seul et n’a rien à perdre. Au lieu de sombrer, et alors que tout le monde lui promet l’exécution face à Tyson, il se concentre sur l’entraînement et se focalise sur le match. Il perd cinq kilos. Deux semaines avant le combat, sa mère décède d’une crise cardiaque. Douglas se présente à Tokyo comme un moine guerrier.

 

 

 

Tyson vampirisé par les addictions

 

« Il souffre d’une bronchite » : voilà comment Don King a permis à Tyson d’éviter le combat contre Ruddock. La vérité ? Tyson est hors de forme. À la fois grisé par le succès et miné par ses problèmes personnels (il vient de divorcer de sa première femme, l’actrice Robin Givens, il se dispute avec son entourage, cumule les bagarres de rues), « Iron Mike » ne s’implique plus à l’entraînement. Fin 1988, il a renvoyé son entraîneur Kevin Rooney (les spécialistes parlent d’une « régression technique » de Tyson à partir de cette date) et engagé deux nouveaux managers, Rory Holloway et John Horne. De plus, l’influence de Don King a contribué à faire passer le boxeur de machine à gagner à machine à cash, pour le meilleur et pour le pire...

Peu concerné par le combat mais sûr de lui, Tyson arrive à Tokyo quatre semaines avant l’affrontement. En guise de préparation, il enchaîne les orgies avec des prostituées (on parle de dix femmes par nuit). Addict au sexe et aux drogues (cannabis et cocaïne l’accompagneront toute sa carrière), le natif de Brooklyn (New York) perd le sens des réalités. Il va jusqu’à fanfaronner de ses « exploits » dans les médias, son staff n’osant pas le contredire et, de toute manière, personne n’imagine un autre scénario que celui d’une victoire expéditive.

Un avertissement est pourtant donné une vingtaine de jours avant le combat : Tyson se fait mettre K.O. à l’entraînement par Greg Page, sparring-partner et ancien champion WBA de la catégorie (Page se venge à ce moment-là de l’humiliation que lui a fait subir Tyson six mois auparavant lors d’une session ouverte au public à Atlantic City). L’entourage de Tyson balayera cette alerte d’un revers de la main et le grand public croira à une stratégie commerciale destinée à promouvoir le combat.

La nuit avant le combat (qui a lieu à midi, heure locale), Tyson couche « avec toutes les femmes de chambre présentes à l’hôtel, y compris celles qui n’étaient pas des premiers prix de beauté ».

Du public aux commentateurs en passant par les bookmakers, le staff de Tyson (qui n’a même pas le matériel de soin habituel) et Tyson lui-même, tous sont persuadés que « The Baddest Man on the Planet » va l’emporter en moins de deux rounds. Lorsqu’il monte sur le ring, plus de 200 jours après son dernier combat, Tyson voit la seule personne au monde qui pense l’inverse : James Douglas.

 

 

 

Le combat entre dans la légende

 

Le combat en intégralité :

 

Version courte :

 

Deux trajectoires

 

« C’est grâce à ma mère, que Dieu bénisse son cœur » : c’est par ces mots que le faire-valoir Douglas, désormais champion du monde, célèbre sa victoire.

Les plans du véreux Don King sont bouleversés : au mépris de Douglas, le promoteur avait déjà commencé à annoncer un futur combat pour le titre entre Tyson et Holyfield... À l’issue du combat de Tokyo, King et le clan Tyson déposent une réclamation contre l’arbitrage (« compte trop long » concernant Douglas, « trop court » concernant Tyson). Le « Greatest Promoter of History » fera tout pour annuler le résultat : après avoir menacé de briser sa carrière et de ne pas payer l’arbitre mexicain Octavio Meyran, il enchaîne les coups de téléphone et demande aux fédérations IBF, WBC et WBA de ne pas reconnaître « Buster » comme le champion. Peine perdue aux yeux du public puis des professionnels, et même si la fête est gâchée pour Douglas, c’est bien lui qui portera la ceinture jusqu’au prochain combat. Prochain combat qui sera donc une défense de titre face au monstre Holyfield qui, lui, est entrainé et déterminé. Une autre paire de manche pour Douglas...

Après l’avoir niée, Tyson reconnaît sa défaite à son retour aux États-Unis. Mais plus qu’une défaite sportive, c’est son image qui s’est brisée. L’invincible est tombé à terre. Ses failles se sont exposées au grand jour.

Une revanche aurait dû avoir lieu (immédiatement négociée par King et le milliardaire Donald Trump) mais Douglas et son manager John Johnson ont décidé de rompre avec Don King après Tokyo. Si revanche il doit y avoir, elle se fera après Holyfield (donc en 1991). Sauf que Douglas, alourdi et moins motivé, se fera battre en trois rounds par un Holyfield en pleine forme et prendra sa retraite dans la foulée (touchant au passage une bourse record de 24 millions de dollars pour ce combat).

 

Douglas Vs Holyfield (25 octobre 1990 à Las Vegas) :

 

Retraité de la boxe et riche, Douglas retombe dans ses travers : il tombe en dépression, prend énormément de poids (il approche alors les 200 kilos) et frôle la mort par coma diabétique. En 1996, redescendu à 110 kilos, il décide de revenir à la compétition. Contre toute attente il remporte six combats de suite avant de subir une défaite contre Lou Savarese. Il remporte encore deux victoires avant de prendre définitivement sa retraite en 1999 (à 39 ans) alors que se profilait un combat contre Roy Jones Jr.

Après Douglas, Tyson remporte quatre combats en un an dont deux extrêmement violents contre le redouté Donovan Ruddock. Malgré ces victoires, les commentateurs sont unanimes : Tyson a perdu en technicité (il mise presque uniquement sur l’agressivité), il apparaît de plus en plus incontrôlable et les magouilles de Don King n’arrangent rien. Fin 1991, alors qu’il doit combattre Holyfield pour récupérer son titre, il est condamné à six ans de prison pour viol sur une jeune Miss Black Rhode Island de 18 ans, Désirée Washington. Il sortira en 1995 et reprendra sa carrière jusqu’à, enfin, rencontrer par deux fois Evander « The Warrior » Holyfield en novembre 1996 et en juin 1997. Deux défaites qui confirmeront la chute interminable de Mike « Kid Dynamite » Tyson (encore aujourd’hui Tyson, poursuivi par son enfance et broyé par le Système, dit être alcoolique et suicidaire) amorcée en février 1990 et ce combat contre James Douglas...

 


 

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37 Commentaires

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  • #2390359
    Le 16 février 2020 à 20:50 par kantor
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Pour se rappeler comment était perçu Tyson dans les salles à l’époque : Il se disait que l’on pouvait placer de la pub sous les semelles de ses adversaires...comme ça, quand le KO venait...

     

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  • #2390360
    Le 16 février 2020 à 20:50 par filou84
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Douglas a eu un décompte particulièrement long, ce qui lui a permis de reprendre le combat. Avec la plupart des autres arbitres il aurait été déclaré KO avant d’avoir pu envoyer Mike au tapis !
    Parfois l’histoire tient à peu de chose... ça fait réfléchir !

     

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  • #2390363
    Le 16 février 2020 à 20:51 par Nostik
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    La semaine prochaine c’est le choc des titans entre Deontay Wilder et Tyson Fury, hate de voir ça !

     

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  • #2390402
    Le 16 février 2020 à 21:38 par lespartiate
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Article de qualité. Merci à la rédaction.

     

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  • #2390538
    Le 17 février 2020 à 01:17 par ailef
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Bonjour, j’ai la video complète de ce combat.
    J’ai posté le passage où Tyson met KO Douglas.
    Quand on lit la video avec un lecteur qui fait défiler le temps en véritable secondes,
    Douglas est debout à 14 secondes et le combat redémarre à 15 secondes mais le round est terminé, il reste 4 secondes.
    le lien de la video que j’ai extraite du combat entier, (j’ai écrit la description en anglais) :
    https://www.youtube.com/watch?v=szE...

     

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  • #2390550
    Le 17 février 2020 à 02:03 par princerod
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Tyson jeune est le plus grand puncher de l’histoire de la boxe.

     

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  • #2390568
    Le 17 février 2020 à 03:41 par espoirs patriotes
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Il y a une chose importante que cet article ne mentionne pas et qui explique pourtant en grande partie les ennuis judiciaires de Tyson, ses addictions, ses troubles du comportement, son entourage malsain,etc...C’est la disparition de son ancien mentor Cus d’Amato.

     

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  • #2390629
    Le 17 février 2020 à 08:26 par Robespierre le Petit
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Le problème avec la boxe c’est que cela abime sérieusement le cerveau à cause des coups reçus.
    Demandez à un médecin compétent.

     

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    • #2390661
      Le Février 2020 à 09:50 par Yankee98
      Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

      C’est vrai au niveau pro uniquement, visiblement.

      AS ne semble vraiment pas souffrir de ce genre de lacune, avec pourtant un excellent niveau amateur.

      Et je connais personnellement un instructeur de boxe (anglaise) qui doit bien avoir 80 ans passés aujourd’hui, aucune séquelle non plus.

       
  • #2391045
    Le 17 février 2020 à 18:06 par sparte
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Si jamais je vous conseil de lire la biographie de tyson ou il raconte toute sa vie en détail c’est pas mal !!

     

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  • #2391275
    Le 17 février 2020 à 23:30 par goy pride
    Dieux du sport – La première défaite de Mike Tyson

    Je ne suis pas expert mais je crois ce qui faisait de Tyson un dieu c’est qu’il était un poids lourd hyper compact boxant avec la vivacité et rapidité d’un poids léger ! Vraiment dommage que le monde pourri de la boxe ait gâché un tel talent ! Tyson c’était un gars trop sensible et pur pour supporter et pleinement s’épanouir dans ce monde de merde. Il me fait un peu penser à Jean-Claude Vandamme, c’est à dire des gars que les connards désignent avec de gros rires gras comme idiots, intellectuellement limités...alors qu’ils sont d’une grande sensibilité, intelligence intuitive et foncièrement bons. Mon vécu fait que j’ai un énorme respect et une profonde affection pour ce genre de mec qualifiés par les cons de simples d’esprit. En effet quand j’étais petit, enfant négligé par ses parents, j’ai eu le bonheur dans ma campagne d’avoir connu des gars de ce genre qui m’ont apporté de l’affection. Ils m’ont aussi permis de croire en l’humain malgré ma vision très pessimistes de l’humanité car ils étaient la preuve que contrairement à ce qu’il est à la mode d’affirmer aujourd’hui les humains ne sont pas tous des pervers en puissance inhibés qui n’attendent qu’une bonne occasion pour violer, assassiner, voler de l’argent, abuser d’enfants...
    Et entre parenthèse le Mike était un supporter de Donald pour les présidentiels de 2015 !

     

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