La démocratie française n’est pas malade, ce qui lui arrive n’est que la conséquence de ce qu’elle est intrinsèquement.
Dans ce cas on pourrait dire, avec un peu d’esprit de provocation, que la démocratie est une maladie.
Les emplois fictifs, qui sont légion à droite comme à gauche – pour ceux qui font encore la différence –, sont la condition sine qua non de la survie économique des troupes d’un parti de gouvernement.
Car il faut bien vivre, et rémunérer les militants, qui ont oeuvré pour la victoire. Quand le PS a gagné avec François Hollande les présidentielles en mai et les législatives en juin 2012, il a placé ses hommes à lui aux postes stratégiques intermédiaires, ceux qu’on ne voit pas à la télé.
Les petites mains des mairies, des conseils généraux ou régionaux. Tout ce troupeau qui fait la politique française, se doit d’être récompensé en cas de victoire. Au niveau du dessus, les militants plus influents obtiennent des postes sur les fameuses listes électorales, qui peuvent se transformer en délicieux fromages, on pense aux députés européens. De grosses indemnités, pour un minimum de boulot. Mais le boulot de fond des politiques et de leurs subordonnés, on ne le voit pas dans les médias. Il se passe sur les marchés, tôt le matin, quand il faut tracter, sonner chez l’habitant, qu’il pleuve ou qu’il vente, il se passe dans les cellules pas très confortables, ces locaux fatigués d’où sortent les affiches, la colle et les militants volontaires. Sans eux, pas de députés, de maires, de ministres ou de présidents. Ils sont le socle non pas de la démocratie, ce qui est une autre histoire, mais de la vie politique française.
Nous leur rendons hommage, de quelque bord qu’ils soient, parce que cette cheville ouvrière est la plupart du temps ignorée. Et quand elle ne l’est pas, c’est à mauvais dessein, quand on occulte son sacrifice, son bénévolat, en lui accolant le terme infâmant d’« emplois fictifs ». Alors bien sûr, il y a eu et il y a toujours des débordements, par exemple les célèbres renvois d’ascenseur de la Chiraquie ou de la Tibérie. Mais nous pensons aux humbles amateurs, pas aux hommes politiques professionnels qui se font rémunérer très cher un « travail », qui se résume à quelques milliers de signes, et qu’ils n’ont en général pas écrit eux-mêmes. Surfacturation, dossiers bidon, pubs forcées, il faut bien justifier les valises de cash de ces entreprises ou donateurs privés qui « arrosent » le parti en question. On applaudit au passage ces magiciens que sont les comptables des partis, sommés de rendre tout ce bordel présentable. Casetta, Devedjian, Woerth furent de grands artistes pour le RPR et l’UMP.
Alors si l’on veut faire chier, on peut faire chier, en décortiquant toutes les dépenses. Quelqu’un de pragmatique disait que la corruption – ou les libertés prises avec la loi – étaient l’huile de la démocratie, que sans ces petits arrangements, le système politique ne pourrait pas fonctionner. Ce qui est vrai, et qui met le doigt sur l’hypocrisie française en la matière : chez nous, au pays de Oui-Oui, on ne parle pas argent, sinon peu, ou mal. Alors qu’aux États-Unis, par exemple (ne soyons pas plus américains qu’il ne faut), les comptes sont sur la table. Certes brutaux, mais sous les yeux de tous. Les contributions des lobbies (AIPAC, pétroliers) ne sont pas remisées dans les arrière-cuisines sales de la politique. On ne dit pas que c’est mieux, on dit juste qu’un petit changement de paradigme permettrait de basculer une partie de l’illégal dans le légal, ou du moins de légaliser certaines pratiques, qui s’avèrent nécessaires, ou du moins naturelles.
Et le maire qui refile le budget de la réfection du toit de la mairie à un copain de son beau-frère, qui l’a justement invité à un barbecue deux semaines auparavant ? Ben c’est la vie. L’amitié, les arrangements. Et ça existera toujours, n’en déplaise aux puritanistes de la chose. On entend au fond de la salle quelqu’un crier « et les loges maçonniques ! » Là, oui, il y a un problème, mais c’est une autre histoire. Quoique. Bartolone, qui ne serait pas franc-maçon lui-même, a pourtant bénéficié d’un petit coup de pouce fraternel afin d’accéder au Perchoir de l’Assemblée nationale, le 21 juin 2012.
Dommage de focaliser sur UN emploi fictif, et laisser passer ça. Mais bon. C’est la loi des médias dominés, pardon, dominants.
La petite phrase de Bartolone sur le FN est ici :
Les explications de Bartolone sur l’emploi fictif sont là :