Quatre anciens « mercenaires » de la société privée américaine Blackwater ont été reconnus coupables mercredi d’avoir tué 14 civils irakiens lors de la tuerie de la place Nisour à Bagdad en 2007, qui avait exacerbé le ressentiment contre les États-Unis en Irak.
Près de deux mois après la fin d’un procès fleuve devant un tribunal fédéral de Washington, les jurés ont reconnu à l’unanimité Nicholas Slatten coupable d’avoir assassiné un civil irakien. Ses trois collègues d’alors — Paul Slough, Evan Liberty et Dustin Heard — ont été reconnus coupables de meurtres sur 13 Irakiens, lors d’un bain de sang sur un rond-point central de la capitale irakienne.
Plus de sept ans après les faits, les quatre accusés ont écouté dans le calme le verdict accablant dans une salle de tribunal comble, avant que le juge Royce Lamberth n’ordonne leur placement en détention dans l’attente que leur peine soit fixée. Deux de leurs avocats ont annoncé leur intention de faire appel.
« Nous sommes dévastés mais nous allons nous battre sur chaque point et nous pensons que nous allons gagner », a déclaré David Schertler, l’avocat de Dustin Heard, « le verdict est incorrect, incompréhensible ».
L’avocat de William Coffield, s’est dit de son côté « évidemment déçu » par un verdict « difficile à comprendre compte-tenu des preuves ». Mais « il y a de nombreuses questions à soulever en appel » a prévenu Evan Liberty.
Aux États-Unis, les peines sont prononcées dans un deuxième temps une fois le verdict de culpabilité prononcé. Mais aucune date n’a été annoncée mercredi par le juge qui a présidé les débats pendant deux mois et demi.
M. Slatten, 32 ans, risque la réclusion à perpétuité et les trois co-accusés encourent un minimum de quinze années de prison pour chaque meurtre, selon le bureau du procureur. M. Slough, 35 ans, a été reconnu coupable de 13 meurtres et 17 tentatives de meurtres, soit la totalité des chefs d’accusation. De leurs côtés, M. Liberty, 32 ans, a été condamné pour huit homicides volontaires et pour douze tentatives de meurtres, et M. Heard, 33 ans, de six meurtres et onze tentatives.
Au total, 17 civils irakiens avaient été tués, selon les enquêteurs irakiens, 14 selon les enquêteurs américains. Dix-huit autres Irakiens avaient été blessés dans la fusillade.
Ressentiment
Les employés de la société privée étaient chargés de la sécurité d’un convoi diplomatique américain le 16 septembre 2007 sur la place Nisour de Bagdad quand ils ont ouvert le feu sur les automobilistes et les passants civils qui se trouvaient là.
Ce massacre avait exacerbé le ressentiment des Irakiens vis-à-vis des Américains et a été brandi comme un exemple de l’impunité dont jouissent les sociétés de sécurité privées qui travaillent pour les États-Unis en Irak.
Après l’arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche en 2009, le département d’État a annulé son contrat avec la société Blackwater, dont la licence en Irak avait été révoquée par Bagdad. Elle a été depuis rebaptisée Xe Services en 2009 puis Academi en 2011.
Le jury a reconnu la préméditation pour M. Slatten. Avant cette tuerie, il aurait dit à des proches qu’il voulait « tuer autant d’Irakiens qu’il pouvait pour se venger du 11 septembre » selon des documents judiciaires.
Dans son réquisitoire, fin août, le procureur avait cité un témoignage dans lequel l’ex-mercenaire estimait que « les vies de ces gens ne valent rien, ce ne sont même pas des humains, ce sont des animaux ».
« Pourquoi tirer sur toutes ces personnes qui s’enfuient, qui tentent de s’éloigner, pourquoi tirer sur ces femmes et ces enfants non armés ? » avait déclaré le procureur Anthony Asuncion, en demandant la condamnation des quatre hommes.
Dans la phase de plaidoiries, Bill Heberlig, l’avocat de M. Slough avait rappelé le contexte de « menaces terribles de l’après 11 septembre à Bagdad ».
En 2009, un juge américain avait prononcé un non-lieu. Mais deux ans plus tard, une cour d’appel avait rétabli l’inculpation des quatre hommes et le parquet fédéral avait poursuivi Slatten pour assassinat.