C’est à n’y plus rien comprendre : alors que l’Italie et l’Espagne empruntent à des taux de plus en plus élevés voilà que l’Allemagne et d’autres pays ont pu emprunter à des taux négatifs !
Oui il n’ y a pas erreur, L’Allemagne – et même la France – ont pu emprunter à des taux négatifs. Et ce n’est pas la Banque Centrale qui prête mais bien les marchés financiers. Ces marchés responsables des crises de tout genre (crise bancaire, immobilière, financière, économique) ont, il y a quelques jours, prêté des milliards pour une période allant jusqu’à deux années.
Tout cela ne semble absolument pas rationnel car mettre à disposition du capital – prêter, donc –, c’est attendre en retour une rémunération ; c’est-à-dire des intérêts en fonction d’un prix que l’on appelle, justement, le taux d’intérêt. C’est que l’on nomme en économie « le revenu de la renonciation à la liquidité » (c’est-à-dire à la monnaie).
Nous savons que les acteurs économiques ne sont pas des philanthropes. Ils sont rationnels et, en sus, ils recherchent le plus grand profit possible ; la dimension morale a peu de place ici. Quel intérêt (et l’expression prend là tous son sens) les marchés auraient-il à prêter pour, au bout du compte, être remboursés d’un montant inférieur à celui accordé au départ ? Quel bénéfice y a-t-il à rémunérer l’emprunteur au lieu du prêteur ? Aucun a priori.
Connaissant l’avidité des marchés et leur volonté d’anticipation pour remporter la mise en faisant des paris risqués, on peut avancer le raisonnement suivant : et si ces investisseurs institutionnels faisaient le pari de la fin de l’Euro ? Car la disparition de l’Euro ne signifie pas la fin d’une créance et celle-ci peut prendre une valeur plus importante si elle est libellée dans une monnaie forte comme le Deutsch Mark.
L’Euro est une monnaie dont la valeur, à l’origine, repose sur la valeur pondérée des monnaies de l’union européenne. Pour faire simple, c’est un “panier” de monnaies nationales. Par conséquent, le retour aux monnaies nationales verrait le retour de certaines devises avec une valeur supérieure à l’Euro, tandis que d’autres auraient, elles, une valeur inférieure. D’où l’on comprend que, acheter de la dette allemande, c’est à coup sûr bénéficier d’une plus-value sur cette créance. Cette nouvelle créance ne sera plus libellée en Euro mais en Deutsch Mark.
Ce qui importe ici ce n’est pas la monnaie (dont on anticipe la disparition), mais bien le débiteur et sa solvabilité.
En conclusion, la possibilité d’emprunter à des taux d’intérêt négatifs ne doit pas être interprétée comme une sortie de crise de l’Euro mais… comme son approfondissement !