Encerclée par André Bercoff et Alexandre Del Valle, on se demandait comment Caroline Galacteros allait se tirer de ce bourbier. Les deux camps sont bien marqués, souverainiste français d’un côté, atlantiste de l’autre. Finalement, le débat est plus intéressant, et moins caricatural, que prévu.
D’un coté, Alexandre Del Valle, géopolitologue et enseignant, est l’auteur de nombreux livres avec pour thème central l’islam et est parfois qualifié d’« islamophobe », ou encore de « néoconservateur », ce dont il se défend. De l’autre, Caroline Galactéros, géopolitologue également, est officier de réserve et ancienne directrice de séminaire à l’École de guerre. Elle incarne cette vieille garde d’une France souverainiste. Le débat illustre bien les deux points de vue mondialiste/anti-mondialiste sur le sujet qui est sur toutes les lèvres : attentat de Moscou, false flag ou pas ?
Round 1 : querelle de narratifs
Del Valle ouvre le bal et nous expose le narratif LCI-BFM, à savoir crédibiliser l’hypothèse islamiste. On découvre donc que les djihadistes détestent encore plus les Russes que les Israéliens et les Occidentaux réunis.
« La Russie est l’ennemi existentiel, bien pire que le sionisme. (...) Israël c’est un petit territoire, leur horreur pour eux, leur diable, c’est la Russie. »
Finalement, ces islamistes qui en veulent à « nos démocraties », qui « veulent détruire notre mode de vie », en fait détestent plus les Russes que nous. Pourtant, ils ne sont pas une démocratie selon nos élites, et ne sont pas occidentaux pour la droite meloniste. Plus de 20 ans de « lutte contre le terrorisme » pour en arriver là...
Del Valle reprend le fameux élément de langage de la « dette de sang » dont seraient redevables les Russes depuis les guerres de Tchétchénie et la « traque musclée » de Vladimir Poutine à l’encontre des djihadistes. C’est un peu ce qu’on dit, que les djihadistes sont plus intéressés par les ennemis des États-Unis et d’Israël que par la défense des musulmans, palestiniens par exemple...
Pour sa part, Galactéros joue la prudence et se garde bien d’être catégorique. Elle insiste sur l’importance de faire la distinction entre les exécutants et les commanditaires, ce que ne fait manifestement pas son contradicteur.
« Je ne crois pas au hasard dans le contexte d’une Russie qui est en position favorable sur le théâtre ukrainien. Une Ukraine qui est en très mauvaise position. Il y a un contexte dans ce carnage. »
Puis Galactéros met les pieds dans le plat et évoque le sujet que tout le monde attendait :
« Il y a le scénario, qui n’est pas totalement fantaisiste, du "false flag", de l’attaque sous faux drapeau, pour provoquer la Russie, pour provoquer une montée des tensions. Pour faire franchir un nouveau stade, peut-être pour essayer de pousser la Russie à la faute. »
Et bim !
Round 2 : Del Valle défend bec et ongles la version atlantiste
« Le modus operandi est assez Daech ». Del Valle, sans surprise, n’est pas gagné par le doute quant à la version occidentale officielle de l’attentat. En Occident, une version officielle vaut une enquête. C’est pour cela que bien souvent on se passe de la seconde et on interdit de douter de la première. Et il en rajoute, à la limite du grotesque : « C’est très important pour un djihadiste d’égorger la personne. C’est une mort rituelle qui permet au djihadiste d’accéder plus facilement au paradis. »
Sans surprise également, il déclare d’emblée ne pas croire au faux drapeau américain :
« Pour une raison très simple, cela crée une solidarité émotionnelle avec les Occidentaux qui parlent souvent de la menace djihadiste, ça crée une empathie envers la Russie et cela aurait pu être utilisé par Poutine pour redorer lui-même son blason. Ce qu’il n’a pas fait car il veut plaire au Sud global. Il veut séduire contre l’Occident tout le Sud global, dont l’Afrique et dont le monde musulman. »
Voilà qui ressemble bien à du complotisme, mais autorisé celui-là. Si on résume, la Russie est le pire ennemi des djihadistes mais ferait tout pour plaire aux musulmans : un peu tiré par les cheveux, comme raisonnement.
Plus surprenant, Del Valle confirme le fait que l’Ukraine a été un refuge pour les djihadistes syriens, ainsi que leur présence auprès des forces armées ukrainiennes.
Et comme il y tient, il rappelle son argument phare : « La Russie a un contentieux avec l’islamisme radical mille fois plus important que celui de l’Occident. »
Galactéros marquant son désaccord, Del Valle se place dans le rôle de l’expert, un tantinet méprisant, évoquant des « théories farfelues ».
Round 3 : les auditeurs mettent KO la version officielle (et Del Valle)
Le premier auditeur rentre dans le lard de Del Valle et de son narratif bancal :
« Peut-être que l’Occident n’a pas aidé Daech mais l’Ukraine, oui ! Faux drapeau américain peut-être pas mais ukrainien, peut être pas certainement, mais ça reste à voir. Le problème, c’est que le discours des antennes c’est qu’on exclut tout de suite, vous écoutez LCI , BFM, ça exclut tout de suite. Quand on voit l’affaire Nord Stream et qu’on voit un an après la parole des experts sur les plateaux... Il faut toujours attendre. »
Deuxième auditeur, la propagande ne prend toujours pas :
« Pourquoi en France, on n’attend pas que les enquêtes soient finalisées pour dire que c’est Daech ? »
Réponse de Del Valle : « Daech c’est l’hypothèse la plus probable. »
Le troisième auditeur assène :
« Avant de parler d’attentat il faut faire le tour du propriétaire. Le 8 mars 2023, le chef du renseignement ukrainien Kyril Boudanov confirmait que les Ukrainiens menaient des attentats contre les Russes partout dans le monde. D’ailleurs, il y a eu Daria Douguina et le blogueur Tatarski qui se sont fait assassiner et il n’y a pas eu beaucoup d’indignation. »
Et l’auditeur de décliner la plupart des arguments mettant en cause la version officielle.
« Un climat de pré-guerre tout à fait évident à l’OTAN »
Le meilleur pour la fin. Interrogé sur l’hypothèse d’une Troisième Guerre mondiale, Del Valle fait une révélation surprenante :
« J’étais hier soir avec un ami italien qui était en poste à l’OTAN jusqu’à tout récemment ; il revenait d’une réunion de l’OTAN et il me disait qu’il y avait un climat de pré-guerre tout à fait évident. J’ai été étonné de son affirmation vraiment catégorique. Il était extrêmement inquiet, il me disait même, "on est à deux doigts de quelque chose d’extrêmement grave".
Alors la raison elle est double : la mer Baltique et la mer Noire. Et Odessa est extrêmement importante pour l’Occident en général et aussi des Américains. S’ils prennent Odessa, cet amiral me disait "c’est mécanique, l’Occident ne laissera pas faire".
Il y a beaucoup d’intérêts civils et militaires. 43 % du blé ukrainien a été bradé par une loi exigée par les Américains à Zelensky. L’Ukraine c’est devenu un réservoir de blé notamment pour les compagnies américaines, notamment les filiales de BlackRock. Si les Russes continuent leur avancée jusqu’à Odessa, il y aura un choc OTAN/Russie ; Et je pense que Macron a été chargé de ça. »
La Troisième Guerre mondiale pour protéger les champs de blé de BlackRock, ça vous dit ?
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Face aux élucubrations savantes d’Alexandre Del Valle, Caroline Galactéros n’a pu exposer clairement et pleinement son approche pragmatique et non idéologique du sujet, ce qu’elle a fait sur sa propre chaîne YouTube.
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