Un bus sillonne actuellement la France pour présenter une exposition consacrée au danger que représentent les discours extrémistes identitaires. Carnet de route.
Face à la montée des discours « identitaires », qu’il juge dangereux pour notre pays, Alain Chouraqui a décidé de réagir. Le sociologue et président du camp des Milles a ainsi affrété un autobus pour accueillir une petite exposition, Comment les extrémismes veulent tromper le peuple. Ce véhicule, surnommé « bus d’alerte républicaine et démocratique » (BARD), entièrement financé sur fonds privés, visitera 21 villes-étapes d’ici au premier tour, dimanche. À son bord ? Le chauffeur Jaime, dit « Philippe », 37 ans, Bernard, 61 ans – assistant logistique –, et Rachid, 48 ans – responsable logistique –, ont été rejoints par divers membres du personnel du mémorial. Ils nous livrent ici leur carnet de route.
28 mars. Départ du camp des Milles. Il est 18 heures. L’équipe du site-mémorial est présente. C’est un moment fort. Empli d’émotion. « On dirait une famille qui se sépare… C’est tellement chaleureux. Ça nous a fait prendre conscience qu’on ne part pas seuls », dit Bernard. Alors que l’on s’engage sur l’autoroute, Philippe, habitué à conduire des cars de tourisme, exprime un curieux sentiment : « C’est bizarre, le bus est vide. » « Il est peut-être vide de passagers, mais il est rempli de sens », lui répond Rachid. De fait, ses soutes sont chargées de près de 80 000 documents qui seront distribués au fil du périple. L’équipe ressent des appréhensions légitimes. Son action est inédite. Comment sera-t-elle accueillie au fil des trois semaines pendant lesquelles elle va sillonner la France dans l’espoir de « (r)éveiller les consciences » ?
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Du 1er au 3 avril. Metz, Reims et Lille. Plus nous avançons, plus les premières impressions de Lyon se renforcent : les gens ont besoin de parler, savoir « quoi faire ». Ils nous expriment leur envie de nous « aider » et adhèrent à notre démarche. Il en sera ainsi à Metz et à Reims. Un bus touristique s’arrête à côté de nous, une dame en descend pour discuter avec nous. « Laissez-moi des documents, j’en distribuerai dans le bus… » À Lille, le BARD parcourt la ville et s’arrête à de nombreuses reprises. Il y a énormément de monde. Les Lillois échangent beaucoup. Certains évoquent avec nous les « dangers des extrêmes ». Un jeune affirme : « Nous les connaissons, il ne faut pas que la France revive cela. » Ici, comme ailleurs, l’arrière du bus marque les esprits. On y voit le visuel de l’exposition temporaire en cours au camp des Milles, en partenariat avec le Mémorial de l’Holocauste de Washington : un soldat nazi tenant fièrement son drapeau. Mais avec ce message fort : « Comment l’extrémisme veut tromper le peuple »… Et, comme pour y répondre, sur le côté droit du bus une citation d’Albert Einstein : « Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »