Adoubé par l’extrême droite, ce vidéaste français multiplie les vidéos polémiques bourrées de clins d’œil destinés aux internautes du forum « Blabla 18-25 ans » de Jeuxvideo.com. Dans son viseur : les manifestants de gauche, les syndicalistes, les féministes...
« Après six mois d’efforts intenses pour écrire cette vidéo de merde, il est temps de montrer que le FN est en fait le pire ennemi de l’extrême droite, et d’expliquer définitivement pourquoi les gauchistes sont des tarlouzes en plus d’être des cons. » Publiée dimanche 19 novembre sur YouTube, la vidéo titrée Malika LePen : femme de Gauche ne s’embarrasse pas de nuances. Insultes homophobes, dénonciation d’une prétendue « migrantophilie » de l’électorat français... La vidéo enchaîne les prises de position au minimum réactionnaires et les injures plus vulgaires les unes que les autres.
Pas de quoi empêcher la séquence de se classer durant plusieurs heures en quatrième position des « tendances » de YouTube, et de flirter avec le million de vues 72 heures après sa mise en ligne. L’auteur de cette vidéo s’appelle Raptor Dissident. Discret sur sa véritable identité – il n’a pas répondu aux sollicitations de franceinfo –, il s’est fait connaître au début de l’été 2016 en s’en prenant à une vidéaste féministe, qui a ensuite été victime d’une violente campagne de harcèlement en ligne.
Entre clins d’œil appuyés au forum « Blabla 18-25 ans » de Jeuxvideo.com, virilité exacerbée et encouragement au harcèlement, franceinfo décrypte les méthodes de ce youtubeur dont la chaîne, autoproclamée « la plus réalistiquement haineuse du YouTube français », a réussi à réunir, deux ans après sa création, plus d’un demi-million d’abonnés.
« Punchlines » et montage frénétique
Tout youtubeur qu’il soit, Raptor Dissident n’a pas grand-chose en commun avec un Norman ou un Cyprien. Là où ces derniers s’expriment face caméra et condensent leurs vidéos dans des sketchs de cinq minutes, Raptor Dissident n’est incarné à l’écran que par un dessin de dinosaure entouré de caricatures de ses victimes (manifestants de gauche, syndicalistes, militante féministe…).
À l’écran, des extraits vidéo ou des captures d’écran d’articles de presse défilent à toute vitesse, accompagnés de la voix du vidéaste qui étrille avec un débit mitraillette le « délit de bobo-gauchisme aggravé » des opposants à Donald Trump, les « têtes d’imberbes avec duvet de moustache en construction » des lycéens qui manifestaient contre la loi Travail au printemps 2016, ou encore le « pleurnichage » qui serait devenu la norme chez les féministes.
Une forme qui tranche avec le style des polémistes traditionnels d’extrême droite, relève David Doucet, rédacteur en chef aux Inrockuptibles et coauteur de La Fachosphère (Flammarion). « Une vidéo de Raptor Dissident, c’est presque une scène de battle de rap dans le film 8 Mile avec Eminem. Il a un flot de paroles très rapide et un sens de la punchline qui donne presque de la musicalité à ce qu’il raconte. C’est très efficace pour tourner en ridicule et ringardiser ses adversaires politiques ».
« On est bien loin des figures habituelles, comme Alain Soral ou Hervé Ryssen, qui se filment sur leur canapé ou devant leur ordinateur et exposent leurs thèses comme des pères de famille. »
David Doucet relève toutefois que le jeune vidéaste a emprunté à Alain Soral « ce qui lui avait permis de capter l’attention : la multiplication des références ».