La façon dont Emmanuel Macron a géré la crise des Gilets jaunes semble considérée comme exemplaire pour un sénateur membre de la majorité du président Sebastian Pinera, qui a comparé la situation chilienne avec celle de la France.
Le maintien de l’ordre à la française à la sauce Gilets jaunes, est-il un exemple de gestion « démocratique » de crise pour le monde ? C’est en tout cas ce qu’a tenté de faire valoir un élu chilien de la majorité devant le Sénat du pays pour défendre l’usage de la force publique par le président chilien [Sebastian] Pinera.
Prenant la parole au cours d’une cession houleuse du parlement le 21 octobre, marqué par de vives protestations de l’opposition, le sénateur de droite Rodrigo Galilea a défendu l’action du gouvernement en rappelant que le Chili était « un pays démocratique », utilisant une méthode « institutionnelle » de sortie de crise.
Et le sénateur d’ajouter dans sa lancée que le pays n’était pas le premier à faire face à une difficulté de ce type, évoquant la crise des Gilets jaunes en France, un « pays aussi démocratique » que le Chili.
« Dans un pays comme la France les choses ont été résolues de la même manière dont doivent être résolues au Chili », a-t-il comparé, rappelant au passage quelques unes des revendications des Gilets jaunes.
« C’est évident que le président Macron a dû faire appel à la police et à l’armée [...] Personne n’aime faire cela, mais il a dû de le faire. Le président [Sebastian] Pinera aussi, car son devoir fondamental, c’est la sécurité », a-t-il précisé avant d’affirmer que la solution devait aussi être politique.
La sortie du sénateur n’est pas passée inaperçue aux yeux du public français, un extrait de son intervention a ainsi été partagée sur les réseaux sociaux suscitant quelques railleries.
Le Chili est plongé dans une crise sans précédent depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet en 1990. 18 personnes, dont un enfant de quatre ans, ont perdu la vie, majoritairement accidentellement depuis le début de la mobilisation, le 18 octobre.
Dépassé par la tournure des événements, le président chilien a dû prendre des dispositions inédites pour maintenir l’ordre telles que l’instauration de plusieurs nuits de couvre-feux et des patrouilles de militaires dans les rues de la capitale.
Sur le plan politique, outre l’annulation de la hausse du prix du ticket de métro à l’origine de la grogne, Sebastian Pinera multiplie désormais les mesures sociales pour sauver sa présidence. Ainsi ont été annoncées, le 22 octobre, l’augmentation de 20 % du minimum retraite, le gel des tarifs de l’électricité ou la une hausse du salaire minimum. Le Président a par ailleurs proposé une réduction du traitement des parlementaires et des hauts fonctionnaires, de concert avec la baisse du nombre de parlementaires et une limitation du nombre de leurs mandats successifs.
Des efforts insuffisants pour les principaux syndicats, qui ont appelé à une grève générale et à des manifestations pacifiques, entre autre contre les « hausses de prix » et les « abus » le 23 octobre. La Centrale unitaire des travailleurs (CUT), principale confédération syndicale du pays, a par ailleurs dénoncé sur son compte Twitter la « répression » exercée selon elle vis-à-vis de sa manifestation à Santiago.
Crise en Équateur : le printemps des bourdons
Le bilan de la crise sociale que vient de traverser l’Équateur, avec de durs affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, est de huit morts et plus de mille blessés. En cause, la hausse des prix des carburants. Analyse par Angèle Savino.
Le 16 octobre, l’ONU a célébré la journée mondiale de l’alimentation. Les Nations unies ont joué un rôle de médiateur entre le gouvernement de Lenin Moreno et la Confédération des Nations indigènes de l’Équateur (CONAIE), composée principalement de petits paysans, les premières victimes des ajustements du Fond monétaire international (FMI).
« Nous, les Indiens, nous sommes nés de la terre, nous vivons de la terre. Que se passerait-il si nous, les « Indiens sales », comme ils nous appellent, nous ne leur envoyions pas nos aliments ? Que mangeraient-ils ? », se demande devant une caméra Ana Maria Guacho, créatrice du Mouvement des indigènes du Chimborazo.
Cette dame de 70 ans me rappelle une paysanne rencontrée lors d’un voyage en Équateur en juin dernier. Je parcours la Sierra centrale pour admirer les merveilles de ce petit pays, situé au centre de la terre. Je découvre le marché aux légumes de Zumbahua et fais le tour du cratère du volcan éteint Quilotoa, avant d’arriver au village indien de Chugchilán. Elle ramasse avec son mari des pommes de terres dans le brouillard. Je m’approche d’eux et leur propose de les aider. Nous passons toute l’après-midi à travailler la terre. Tous ses enfants sont partis vivre en ville, elle leur apportera sa récolte. Ses mains sont usées après tant d’années de travail. Elle vit à Latacunga chez ses enfants, et revient sur son lopin de terre deux fois par mois. À la fin de la journée, nous cuisons quelques pommes de terre et un cochon d’Inde
Je repars le cœur lourd après avoir partagé le quotidien de cette femme. Je l’imagine battant le pavé avec des milliers d’Indiens agriculteurs de la Sierra et d’Amazonie. Les manifestants ne protestaient pas seulement contre la hausse spectaculaire des prix du carburant due à la suppression des subventions. Ils demandaient aussi la fin des concessions minières et avaient d’autres revendications comme la défense de l’agriculture familiale. Le décret 883 suspendu le 14 octobre, est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. « Cette explosion sociale est liée à la déflation des produits agricoles ces deux dernières années. La baisse des prix des aliments affecte les conditions de vie des communautés indigènes, surtout dans la Sierra centrale, qui sont des producteurs pour le marché interne », explique Pablo Iturralde, chercheur au Centre des droits économiques et sociaux (CDES).
Le malaise social existe depuis longtemps. L’application des conditions du FMI a commencé avant la signature de l’accord. Dans un des documents de la Banque interaméricaine du développement (BID), on pouvait lire que la réforme fiscale et les licenciements massifs étaient les conditions du FMI pour commencer à mettre en place les déboursements. L’État s’est endetté de plus de 11 milliards de dollars en un an et demi, dépassant la dette contractée par l’ancien Président Rafael Correa en 9 ans. « Tout cela a commencé en 2017, après 16 ans de diminution continue de la pauvreté et des inégalités sociales. Ce n’est pas un hasard, et ce n’est pas dû à un choc externe. Aujourd’hui, les prix du pétrole sont au moins 40 % plus élevés que pendant les derniers mois du gouvernement de Correa, lorsqu’il a dû faire face à un ralentissement économique », souligne l’économiste.
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