Emmanuel Macron et Angela Merkel ont la meilleure vision de l’Europe à venir : c’est en substance ce qu’a déclaré George Soros lors d’une conférence devant l’ECFR (European Council on Foreign Relations, un think-tank favorable à une plus forte intégration européenne, sans lien avec le CFR mais semblable par ses objectifs), mardi à Paris. On s’en serait douté mais c’est toujours intéressant de l’entendre dire par le milliardaire de gauche adepte de l’abolition des frontières.
Sa vision de l’UE est avant tout une feuille de route pour sauver l’Union européenne de sa « crise existentielle ». Le promoteur de toutes les aberrations de la culture de mort a voulu en exposer les causes et proposer des solutions.
« Tout ce qui pouvait aller de travers est allé de travers », a assuré George Soros en ouvrant son discours d’une demi-heure sur l’Europe, du plus haut intérêt pour ceux qui suivent les avancées du mondialisme. Il n’est pas inutile de noter ici que l’ECFR rassemble 18 anciens chefs d’État, de nombreux ministres des Affaires étrangères en exercice ou non, des commissaires européens, des élus…
D’emblée Soros, l’homme-lige des Rothschild, a expliqué qu’il a toujours « personnellement considéré l’Union européenne comme l’incarnation de l’idée de l’Open Society » : « C’était une association volontaire d’États égaux qui se sont réunis en sacrifiant une part de leur souveraineté pour le bien. L’idée de l’Europe en tant que société ouverte continue de m’inspirer. »
George Soros voit l’Europe comme Macron et Merkel
C’est la crise financière de 2008 qui est selon George Soros responsable de tous les malheurs de l’UE, enfoncée dans un programme d’« austérité fiscale » qui a conduit les jeunes Européens à accuser l’Union de les priver de leur avenir. D’où le succès des « populistes », qu’il déplore.
Deuxième facteur de déclenchement de cette « crise existentielle » : la crise des réfugiés de 2015. D’abord bien accueillis, ils ont été perçus comme responsables des problèmes des services sociaux, assure Soros, en même temps que les autorités ont manifesté leur incapacité à gérer la crise. D’où le succès de l’AfD en Allemagne et des partis anti-européens en Italie.
« C’est l’ensemble de l’Europe qui a été en proie à la disruption du fait de la crise des réfugiés. Des leaders sans scrupules l’ont même exploitée dans des pays qui n’ont quasiment pas accueilli des réfugiés. En Hongrie, Viktor Orbán a fondé sa campagne de réélection sur de fausses accusations à mon encontre, affirmant que j’avais le projet d’inonder l’Europe, Hongrie comprise, de réfugiés musulmans » : c’est le coup de pied de l’âne. Et d’accuser Orbán de vouloir prendre la tête des chrétiens-démocrates en majorité au Parlement européen.
Autre tête de Turc de George Soros : Donald Trump, qu’il accuse de détruire l’Alliance transatlantique à travers sa dénonciation du traité nucléaire iranien. « Cela va ajouter une pression d’une force imprévisible sur une Europe déjà assiégée », selon Soros. Comment cela ? Il ne l’a pas précisé.
L’UE : une « Open Society » telle que la rêve Soros
Mais pour Soros il ne fait pas de doute que le règlement de la crise des migrants est la première mesure à prendre, assurant que dans ce domaine, la distribution des réfugiés à l’intérieur de l’UE doit être « entièrement volontaire ». À la fois pour les États qui accueillent et les réfugiés que l’on répartit.
Mais on se demande bien comment. Ces assurances verbales s’accompagnent de propositions concrètes qui porteraient atteinte encore davantage aux souverainetés. Après la révocation des règlements de Dublin qu’il appelle de ses vœux parce qu’elles font peser un poids trop lourd sur l’Italie et les pays de l’UE riverains de la Méditerranée, c’est bien une répartition des réfugiés sur l’ensemble du territoire qu’il vise.
« L’UE doit protéger ses frontières externes mais les laisser ouvertes aux immigrants légaux. En retour, les États-membres ne doivent pas fermer leurs frontières internes. L’idée d’une "forteresse Europe" fermée aux réfugiés politiques comme aux migrants économiques viole aussi bien la loi européenne que la loi internationale et elle est de toute façon totalement irréaliste », affirme le fondateur d’Open Society.
Aider l’Afrique pour réduire le flux ? Là, Soros est d’accord, à condition de mettre en place une sorte de plan Marshall européen, dans le cadre d’une politique d’immigration intégrée, et visant non à faire affaire avec des « dictateurs » que l’on paie pour qu’ils empêchent les flux de migrants de passer, mais à financer le développement de l’Afrique.
Devant l’ECFR George Soros propose à l’UE de déverser des milliards en Afrique
Soros en évalue le coût à « au moins 30 milliards d’euros par an pendant nombre d’années ». Au nom de la nécessité de trouver une « solution européenne » à la crise des migrants, il propose que l’UE mette à profit sa notation élevée sur le plan du crédit et de la capacité d’emprunt. « Quand utiliser cette capacité sinon au cœur d’une crise existentielle ? Tout au long de l’histoire, la dette nationale a toujours crû en temps de guerre. C’est vrai, augmenter la dette nationale va à l’encontre de l’addiction actuelle à l’austérité : mais la politique d’austérité elle-même est un facteur qui contribue à la crise dans laquelle se trouve l’Europe. »
Donc Soros veut voir l’Union européenne s’endetter solidairement pour éviter la nouvelle crise financière qui s’annonce selon lui du fait de la perte de contrats avec l’Iran et de la destruction de l’alliance transatlantique.
Soros n’a pas détaillé sa solution, mais il a assuré qu’il fait une proposition « qui contient un dispositif ingénieux permettant à l’Union européenne d’emprunter sur les marchés à un taux très avantageux sans encourir d’obligations directes ni pour elle-même, ni pour ses États-membres, avec un intérêt comptable considérable », déjà utilisé aux États-Unis par diverses municipalités. Et demain, on rase gratis ? L’essentiel est bien sûr dans la démarche fédéralisée et l’injection de fonds en Afrique, une technique qui jusqu’ici n’a pas réglé nombre de problèmes du continent noir…
George Soros expose sa vision globaliste partagée par Macron et Merkel
Pour le reste, Soros se tourne vers Emmanuel Macron et Angela Merkel. Il veut voir mis en œuvre la proposition de consultations citoyennes mises en avant par le président français afin que l’UE soit désirée par le peuple (et surtout par l’électorat). C’est tout le principe de la démocratie participative qui n’est pas sans lien avec la dynamique de groupe.
Reste le danger de dislocation, déjà entamée avec le Brexit. Soros n’a pas renoncé à l’idée que les Britanniques pourraient être privés de leur sortie à travers une intervention du Parlement. Il ose affirmer que « à la fin, c’est au peuple britannique de décider ce qu’il veut faire » – mais non sans tout mettre en œuvre pour inverser le résultat d’un référendum où ce peuple a déjà affirmé ce qu’il voulait faire. Quitte à mettre en place une « Europe multi-pistes » laissant aux États différents niveaux de choix de participation. L’objectif restant, à travers ces coopérations volontaires, de rendre la « participation universelle » désirable et possible, notamment en matière de défense, grâce aux « initiatives pro-européennes de la base ».
« Moi et mon réseau d’Open Society Foundations ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour aider à soutenir ces initiatives », a conclu George Soros. Son activisme n’a pas changé d’objectif. Il s’agit désormais de mettre à profit des « disruptions » entièrement prévisibles pour faire avancer le mondialisme.