Le professeur Raoult, qui n’hésite pas à prendre des décisions à rebours des directives gouvernementales pour traiter l’épidémie, ne se rendra plus au conseil scientifique, qui ne correspond pas à l’idée qu’il se fait d’« un conseil stratégique ».
Le professeur Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses qui dirige l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection à Marseille, a annoncé ce 24 mars, dans les colonnes du journal Les Échos qu’il ne « participe[rait] plus au conseil scientifique réuni autour d’Emmanuel Macron ». « Je suis en contact avec le ministère et avec le président de la République pour leur dire ce que je pense », a-t-il ensuite précisé dans une interview diffusée sur YouTube. Et de poursuivre : « Je reste en contact avec eux directement, car le conseil ne correspond pas à ce que je pense devoir être un conseil stratégique. »
Sur les deux premiers avis (datés du 12 et 14 mars) de ce conseil, rendus publics par le ministère de la Santé, le nom du professeur Didier Raoult figure avec la mention « excusé ». En revanche, son nom ne figure pas dans la liste des membres sur le troisième avis, daté du 16 mars.
Ce conseil scientifique, composé d’une dizaine d’infectiologues, de chercheurs et de professeurs de médecine mais aussi de spécialistes en sciences humaines et en modèles mathématiques, a été mis en place par le ministre français de la Santé, Olivier Véran, pour assister et orienter le gouvernement dans la prise de décisions, notamment pour lutter contre la pandémie de Covid-19. « C’est ce conseil qui a incité le gouvernement à maintenir les élections municipales, c’est ce même conseil qui l’a orienté vers la voie du confinement », rappelle France Inter.
Un dépistage qui va à l’encontre des directives nationales
Prenant la méthode sud-coréenne comme exemple, le professeur Didier Raoult considère que d’importants moyens de dépistages doivent être mis en place à l’échelle nationale pour détecter les cas suspects, les isoler puis les traiter. « Cette stratégie [sud-coréenne] a permis de s’attaquer aux nouveaux foyers avant qu’ils débordent. Ce doit être notre modèle », a-t-il fait valoir à chaque réunion du Conseil scientifique.
Mais le gouvernement s’est, jusqu’à présent, refusé à mettre en place une telle stratégie. Un refus qui n’a pas arrêté le professeur Didier Raoult et son équipe, qui ont expliqué dans un un communiqué publié le 22 mars, que l’IHU Méditerranée Infection permettait à tous les « malades fébriles » qui s’y présentent d’être dépistés. « Conformément au serment d’Hippocrate que nous avons prêté, nous obéissons à notre devoir de médecin », ont écrit les médecins pour justifier leur décision qui va à l’encontre des directives du gouvernement français.
En outre, les médecins signataires du communiqué de l’IHU dont le professeur Didier Raoult, avaient annoncé que tous les patients atteints du Covid-19, « dont un grand nombre peu symptomatiques ont des lésions pulmonaires au scanner », seraient traités par l’association d’hydroxychloroquine – un dérivé de la chloroquine, molécule utilisée contre le paludisme – et d’azithromycine. « Dans les cas de pneumonie sévère, un antibiotique à large spectre est également associé », ajoutaient les médecins. « Nous pensons qu’il n’est pas moral que cette association ne soit pas incluse systématiquement dans les essais thérapeutiques concernant le traitement de l’infection de Covid-19 en France », écrivaient-ils également dans le communiqué.
Une décision une nouvelle fois à rebours du gouvernement, qui a fait savoir de son côté – le 23 mars seulement – qu’il prendrait un arrêté pour rendre le médicament accessible pour les formes les plus graves mais pas pour les moins sévères.
Si ces décisions ne font pas l’unanimité au sein du conseil scientifique ou du gouvernement, elles rencontrent en revanche un fort succès auprès des patients : les 23 et 24 mars, la foule ne s’arrêtait plus de grossir devant l’institut marseillais où officient le professeur Didier Raoult et son équipe.