Les opérations extérieures font toujours la une des médias quand elles commencent. Mais elles se terminent souvent dans une relative discrétion. Du moins, tel est le cas de celle appelée « Licorne » qui, lancée en septembre 2002 en Côte d’Ivoire, vient de prendre officiellement, après une ultime cérémonie à Abidjan.
À l’époque, dans un contexte politique tendu marqué par le concept d’ « ivoirité », une rébellion partie du nord du pays a tenté de renverser Laurent Gbagbo, alors président de la République ivoirienne, élu deux ans plus tôt. D’où l’intervention militaire lancée par Paris afin de protéger les ressortissants français installés dans le pays. Par la suite, la Force Licorne a eu pour missions de faire respecter le cessez-le-feu entre les deux parties, de soutenir le déploiement d’une mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), puis de celui d’une mission des Nations unies (MINUCI).
En 2004, il a été décidé de remplacer la MINUCI par une opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Pour autant, et malgré les accords de Marcoussis, les tensions politiques dans le pays demeurent. En novembre, les forces loyalistes ivoiriennes bombardent des positions rebelles ainsi qu’un camp de la Force Licorne installé à Bouaké : 9 militaires français sont tués et 31 autres sont blessés. Cette affaire, dont les dessous restent à éclaircir, est toujours en cours d’instruction par la justice. Quoi qu’il en soit, plus de 6.000 ressortissants sont évacués et les troupes françaises sont temporairement renforcées et comptent alors 5 000 hommes.
L’année suivante, le processus de réglement de la crise se poursuit, avec la signature des accords de Pretoria. Les effectifs de la Force Licorne sont alors ramenés à 3 500 militaires. Ce désengagement se poursuit en 2007 avec plus d’un millier de militaires français en moins mais, dans le même temps, les capacités de réaction rapide sont renforcées.
La situation en Côte d’Ivoire se normalise progressivement et, à l’été 2009, la Force Licorne ne compte plus que 900 hommes, principalement affectés au camp de Port-Bouët, à Abidjan. Les effectifs de l’ONUCI sont également réduits.
Mais vient alors l’élection présidentielle de 2010. Battu dans les urnes, Laurent Gbagbo refuse de céder le pouvoir à Alassane Ouattara. Une nouvelle crise éclate et les effectifs de la Force Licorne sont portés à 1 600 hommes.
Début avril, et suite à des violations répétées du cessez-le-feu par les forces de Laurent Gbagbo, les militaires français prennent le contrôle de l’aéroport d’Abidjan et mènent des frappes en soutien à l’ONUCI. Finalement, l’ancien président ivoirien sera arrêté par Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), fidèles à Alassane Ouattara.
La situation étant par la suite stabilisée, la Force Licorne s’est concentrée sur l’accompagnement de la réformer et de la montée en puissance de l’armée ivorienne ainsi que sur des missions civilo-militaires. Mais, avec l’opération Serval, au Mali, l’intérêt pour la Côte d’Ivoire, et en particulier pour le port en eaux profondes d’Abidjan, ne s’est pas démenti. D’où l’idée la décision d’y installer une « base opérationnelle avancée », destinée à soutenir les opérations menées dans la bande sahélo-saharienne.
« Pour la France, l’opération Licorne a atteint ses objectifs. On ferme l’opération, formellement », a ainsi rappelé le colonel Nicolas Chabut, le commandant du dernier mandat de la Force Licorne. « La stabilisation de la situation sécuritaire est arrivée à un niveau tel qu’il n’y a pas nécessité de poursuivre une opération militaire », a-t-il ajouté, le 21 janvier. Cela étant, tout n’est pas parfait, notamment dans le nord du pays, où deux soldats ivoiriens ont été tués lors d’une attaque menée par une vingtaine d’hommes armés, le 10 janvier, à proximité de la frontière avec le Liberia.
Désormais, il ne faut donc plus de Force Licorne mais de « Force françaises en Côte d’Ivoire » (FFCI). Les effectifs de ces dernières seront portés à 900 hommes environ (contre 450 actuellement). Leur mission sera d’appuyer « des interventions éventuelles sur d’autres théâtres (…) et éventuellement de soutenir aussi les opérations qui peuvent se développer dans le cadre du contre-terrorisme que nous menons dans la bande sahélo saharienne », avait expliqué, en mai dernier, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense.
« C’est un flux logistique permanent qui transite depuis le camp de Port-Bouët que ce soit par voie terrestre, aérienne ou bien maritime. En effet, le camp sur lequel est installée la force Licorne bénéficie d’une très grande capacité d’accueil et de stockage et la Côte d’Ivoire dispose également d’infrastructures portuaires et aéroportuaires de qualité permettant aux soldats, aux véhicules et au matériel opérationnel d’être acheminés ou désengagés rapidement depuis n’importe quel point en Afrique de l’Ouest », expliquait récemment un sous-officier sur le site de l’État-major des armées.
Entre septembre 2002 et janvier 2015, les effectifs de la Force Licorne auront compté jusqu’à 5 000 hommes. Et 27 d’entre-eux y ont laissé la vie.