Le conflit au Proche-Orient s’enlise dans la violence. L’escalade est en premier lieu le résultat de l’échec d’Israël à atteindre ses premiers objectifs. La logique de dissuasion agressive de l’État juif l’a irrémédiablement amené vers l’intervention terrestre, avec des résultats aujourd’hui toujours très incertains. L’opinion internationale, perplexe, constate les dommages grandissants infligés par Israël aux populations palestiniennes.
À l’origine des tensions, l’enlèvement de trois Israéliens le 12 juin dernier, retrouvés mort le 30 juin. Israël y répond par l’arrestation de cadres du Hamas, ce qui entraîne de premiers tirs de roquettes. Israël contre-attaque par des frappes aériennes ciblées sur Gaza, à partir desquelles les tensions se cristallisent.
Cependant, après sept jours de bombardements israéliens censés écraser les moyens de nuisance des opposants palestiniens, ou du moins en dissuader l’usage, l’échec est manifeste : les tirs de roquettes ne faiblissent pas [1] ; au contraire, ils s’intensifient (jusqu’à une centaine de tirs par jour). La porte de sortie proposée par l’Égypte le 15 juillet ne permet pas de dissimuler cet échec : Israël accepte le cessez-le-feu mais le Hamas le rejette. Le doute pour l’entité sioniste devient une certitude : les raids aériens ne sont pas en mesure de garantir la domination israélienne, ils sont au contraire source d’aggravation du conflit [2].
La situation est d’autant plus critique que de son coté, le Hamas enrichit ses moyens d’action : il emprunte désormais des tunnels menant de Gaza aux territoires sous contrôle sioniste pour mener des opérations commandos contre des militaires israéliens, ou encore annonce l’utilisation de drones à des fins de repérage [3]. Si Israël a pu faire face à ces nouvelles solutions, cela n’a pas été sans frais, en particulier en ce qui concerne la maitrise des infiltrations par les tunnels [4].
Dans cette configuration de blocage, l’inertie de la politique sioniste menée depuis des décennies pèse de tout son poids, et contraint l’État hébreu à s’enfoncer dans la violence. Netanyahu ne peut en effet se résoudre à accepter un cessez-le-feu avec les conditions du Hamas (fin du blocus de Gaza) car son opinion publique a toujours été éduquée dans la peur des exactions palestiniennes et dans la certitude qu’il fallait privilégier l’action militaire à la négociation contre le Hamas. L’éventuelle tenue d’élections anticipées amène donc irrémédiablement Netanyahu à opter pour l’offensive terrestre [5].
L’objectif de cette offensive est clair : dissuader la résistance palestinienne de continuer les tirs de roquettes en frappant durement Gaza, affaiblir les moyens militaires en tuant un nombre significatif d’éléments actifs et en détruisant leurs moyens logistiques, et enfin enrayer les incursions par tunnel [6].
Les résultats de l’opération, après trois semaines, sont très relatifs d’un point de vue militaire. Si les tirs de roquettes palestiniens, imprécis et peu efficaces (selon les sources, de 30 à 90 % de roquettes détruites avant de toucher leurs cibles) permettent aux Israéliens de conserver un énorme avantage technique et de les préserver de pertes importantes, ces tirs n’ont cependant pas cessé. Les tunnels ne sont pour leur part pas sécurisés (2 soldats israéliens en ont fait les frais le 21 juillet dernier [7]). De nombreux soldats israéliens sont tombés sous les balles des snipers du Hamas, et plusieurs tanks ont été détruits. La vigueur du Hamas s’illustre par le succès d’une opération du 20 juillet dernier, pour laquelle l’organisation palestinienne a annoncé avoir tué 14 soldats israéliens [8]. Il faut noter que le temps ne joue pas en faveur d’Israël, qui peut souffrir moralement d’avoir perdu 32 soldats, fait marquant pour le camp qui cherche à limiter ses pertes humaines, alors que du coté du Hamas, la mythologie du « martyr » continue d’enhardir ses troupes armées.
Le déséquilibre en termes de moyens techniques et les fortes différences d’approche entraînent cependant des écarts substantiels sur le plan des pertes civiles. Israël est parvenu à tenir ses objectifs de préservation des populations, et ne compterait que 3 morts. Du coté palestinien, on dépasserait les 800 victimes [plus de 1000 désormais, ndlr].
Ce bilan humain, qui peut paraître à l’avantage d’Israël, peut cependant avoir de graves conséquences sur l’image de l’État hébreu au niveau international. On peut interpréter la position ferme du Hamas de n’accepter un cessez-le-feu qu’en cas de fin du blocus de Gaza [9] comme un refus spontané de se soumettre au diktat punitif d’Israël, qui a pour habitude de mettre fin aux différends par la violence. Mais on pourrait aussi y lire une volonté d’enfermer les autorités israéliennes dans leur logique, et les amener à montrer en pleine lumière leurs méthodes brutales, représentatives de leur véritable position vis-à-vis de la « paix », et le sens profond de leur prétendue recherche de compromis. Il ne faut en effet pas oublier que l’approbation, voire le support des différents acteurs occidentaux, eux-mêmes dépendants de leurs opinions publiques, est crucial pour le sionisme dans son bras de fer avec les populations autochtones, antagonistes depuis les origines mêmes de l’État d’Israël.