En 1998, alors qu’il était en poste à Bruxelles en qualité de chef de cabinet du général représentant la France auprès de l’Otan, le commandant Pierre-Henri Bunel fut accusé d’avoir livré au colonel serbe Jovan Milanovic des documents confidentiels relatifs aux objectifs pouvant être la cible de frappes aériennes en ex-Yougoslavie, en cas de non-retrait des troupes serbes du Kosovo.
Officier de renseignement passé par l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr en 1973, le commandant Bunel avait notamment été l’aide de camp du général Roquejoffre lors la guerre du Golfe de 1991.
Au cours de procès, en décembre 2001, l’officier avait affirmé avoir agi "sur ordre". "J’ai reçu en septembre 1998 un coup de téléphone d’un service français me demandant de convaincre un officier de renseignement serbe présent à Bruxelles que la seule solution pour Milosevic d’éviter des bombardements massifs, c’était qu’il retire ses troupes du Kosovo, que ces menaces de l’Otan étaient sérieuses et que la France participerait à ces bombardements. Milosevic ne croyait pas à ces menaces. Pour cela, il a fallu monter une intoxication, à laquelle d’autres pays participaient et qui consistait à lui démontrer que l’accord politique entre les alliés existait, ce qui était faux. C’est là que j’ai agi, en donnant quelques informations vraies, afin de rendre crédible le reste du discours que je tenais", avait-il expliqué, à l’époque, dans les colonnes du Parisien.
Une version, qui n’avait pas convaincu le Parquet, pour lequel il ne s’agissait que d’une "explication tardive et rocambolesque manquant pour le moins d’un commencement de preuve." D’où la condamnation du commandant Bunel à 5 ans de prison, dont 3 avec sursis, pour trahison. "Vous avez voulu être un héros mais vous n’avez été qu’un traître. Vous devez en assumer les conséquences", lui avait lancé le procureur. "Vous avez trahi vos camarades, vous avez trahi vos alliés, vous avez trahi la France", avait-il poursuivi.
Par la suite, l’ex-commandant Bunel a refait parler de lui en remettant en cause la version des attentats du 11 septembre 2001, notamment en participant à la rédaction du livre "Le Pentagate" du sulfureux Thierry Meyssan et en traduisant les ouvrages de l’auteur américain David Ray Griffin, adepte de la théorie du complot.
Quoi qu’il en soit, l’affaire pour laquelle l’ancien officier de renseignement a été condamné en France lui a valu d’être récompensé en… Serbie. En effet, le président serbe, Tomislav Nikolic, lui a remis la médaille d’or de la bravoure "Milos Obilic", le 5 septembre, pour "avoir fait preuve de courage et commis un acte héroïque" en livrant des documents aux services serbes.
Pour rappel, l’Otan avait mené une campagne de 78 jours de frappes aériennes notamment contre la Serbie pour contraindre les forces serbes à quitter le Kosovo. Selon Belgrade, cette opération militaire aurait tué 2 500 civils. Un bilan difficile à confirmer, l’ONG Human Rights Watch ayant quant à elle estimé entre 488 à 527 le nombre de victimes civiles serbes dans 90 incidents séparés.