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Comment le capital a écrasé le travail

Par Patrick J. Buchanan – Traduction E&R

C’était autrefois une tradition pour les démocrates de se rendre au Cadillac Square de Détroit, pour lancer leurs campagnes dans ce temple de la démocratie américaine, qui était le plus grand centre industriel de la planète.

La tradition a beau perdurer, Détroit n’est plus ce qu’elle était. Et l’Amérique non plus.

Il n’y a pas si longtemps, nous fabriquions tous les souliers et vêtements que nous portions, toutes les motocyclettes et voitures que nous conduisions, toutes les radios que nous écoutions, les téléviseurs que nous regardions, les ordinateurs que nous utilisions.

Plus maintenant. Une grande partie de ce que nous achetons n’est plus fabriqué par des Américains mais par des Japonais, Chinois et le reste par des Asiatiques, des Canadiens et des Européens.

« Pourquoi plus rien n’est fabriqué ici ? » est la question du jour.

Réponse : plus rien n’est fabriqué ici parce qu’il coûte moins cher de fabriquer à l’étranger et de réexpédier ensuite.

Forts d’une économie de 14 000 milliards de dollars, nous sommes probablement toujours le meilleur marché où vendre. Nous sommes toutefois un des marchés les plus chers où produire.

Pourquoi ? La réponse est simple. Les salaires américains sont plus élevés que partout ailleurs. Nos lois sanitaires, sécuritaires et environnementales sont parmi les plus strictes. Nos politiques de discrimination positive les plus exigeantes, à l’exception peut-être de la Malaisie et de l’Afrique du Sud.

Est-ce que seuls les coûts de production des États-Unis sont à blâmer pour la délocalisation et la stagnation des salaires ?

Non. Depuis la Révolution, l’Amérique a un niveau de vie envié dans le monde entier. De la guerre de Sécession jusqu’aux années ’20, alors que nous devînmes la plus grande puissance manufacturière que le monde ait connu, nos travailleurs bénéficiaient des salaires et des avantages les plus avantageux qui soient.

Pourtant, nos exportations durant ces décennies étaient deux fois plus importantes que les importations et notre balance commerciale positive augmentait notre PIB de 4 % par an. Comment était-ce possible ?

Nous taxions les produits des usines et travailleurs étrangers et nous utilisions ces recettes pour financer l’État. Nous imposions des droits de douane de 40 % sur les biens étrangers entrant sur notre marché et utilisions l’argent de ces tarifs pour maintenir des impôts bas aux États-Unis.

Nous faisions payer les étrangers pour vendre leurs produits chez nous et les faisions payer pour aider au financement de notre gouvernement. Notre pays et notre peuple passaient en premier.

Pour les entreprises américaines, et particulièrement l’industrie, c’était le paradis. Elles bénéficiaient d’un accès gratuit et exclusif à notre marché alors que leurs concurrentes étrangères se voyaient imposer de lourds tarifs pour pouvoir leur faire concurrence sur le marché américain.

Qu’est-il arrivé à cet idéal d’une république autarcique produisant presque tout ce qu’elle consomme, une nation pouvant rester en dehors des guerres mondiales mais parvenant à écraser toutes les grandes puissances d’Europe et d’Asie moins de quatre ans après son entrée en guerre ?

Une nouvelle classe, qui perçut les droits de douane comme xénophobes, le patriotisme économique comme régressif et la souveraineté nationale comme une idée ancienne et incompatible avec le Nouvel Ordre mondial qu’elle envisageait arriva au pouvoir.

Dès 1976, les éditorialistes se mirent à parler d’une nouvelle « déclaration d’interdépendance » visant à remplacer la déclaration d’Indépendance de Thomas Jefferson, alors dépassée.

Le nouvel idéal fut de reproduire l’Amérique à l’échelle globale, d’ouvrir les frontières de toutes les nations à l’instar de celles des 50 États, d’abolir les droits de douane et les barrières commerciales et de paver la voie à la libre circulation des biens et des hommes, permettant ainsi de créer l’État mondial tel qu’envisagé par des politiciens comme Woodrow Wilson et Wendell Willkie.

Mais pourquoi les entreprises américaines, avec leur accès privilégié au plus grand marché du monde, acceptèrent-elles de partager cet eldorado avec leurs concurrentes du monde entier ?

La réponse se trouve dans le compromis qu’ont leur accorda.

Déjà établies sur le marché américain, les entreprises d’ici pouvaient risquer de partager ce marché si, en échange, on leur permettait de délocaliser la production à l’extérieur des États-Unis, vers des pays où les salaires étaient bas et les règlementations inexistantes.

Les entreprises américaines ont pu dès lors produire pour une fraction de ce qu’il en coûtait ici. Ces entreprises pouvaient ensuite réexpédier aux États-Unis leurs biens fabriqués à l’étranger et empocher la différence en coût de production. Le prix des actions est monté en flèche, tout comme les salaires des dirigeants et les dividendes, afin d’obtenir le soutien nécessaire pour cette politique corporative de délocalisation.

Grâce à la mondialisation, les investisseurs américains ont pu s’enrichir en abandonnant la classe ouvrière nationale.

L’Amérique est en déclin industriel terminal car les intérêts de Wall Street sont désormais directement opposés à ceux de la classe ouvrière et, par là même, aux intérêts nationaux des États-Unis.

Malgré tout, nos deux partis sont inconscients de ce qui est en train d’arriver à leur pays – voire indifférents.

 

Patrick J. Buchanan est un homme politique et journaliste américain. Catholique traditionaliste, opposé au néo-conservatisme incarné dans les années 2000 par l’administration de George W. Bush (même s’il finira par soutenir Bush aux élections de 2004), il se définit comme « paléo-conservateur » et milite notamment pour une politique étrangère isolationniste et un protectionnisme économique.

 

Revoir l’analyse d’Alain Soral sur la nouvelle lutte des classes entre producteurs sédentaires et prédateurs nomades (extrait de l’entretien de mars 2012) :

Approfondir le sujet avec Kontre Kulture :

 






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22 Commentaires

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  • #727210
    Le 15 février 2014 à 06:15 par zuleya
    Comment le capital a écrasé le travail

    Pat buchanan est un politicien intéressant, De meme que Joe scarborough. D’ailleurs buchanan est souvent invité dans les émissions de Joe et Mika Brezinski, la fille du diplomate pas très apprécié pas certains habitués de E&R...pour ma part, je sais que j’apprécie beaucoup Joe et Mika.
    Concernant buchanan, il est dit dans les notes de l article que buchanan était opposé à Bush et aux néo-conservateurs...
    Moi c est pas ce que j ai pu voir. Il était à fond dans la campagne de haine antifrançaise de 2003-2007 et dans la défense de la guerre d Irak contre ces ’’odieux islamistes ’’, et sur la ligne "Israël est le seule democratie de la région..."
    contrairement à scarborough qui s’est toujours admirablement comporté, et c est le seul à la tv américaine sur la droite de l’échiquier ( à gauche y a eu olbermann et bill maher).

     

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    • #729745
      Le Février 2014 à 10:35 par Olivier R.
      Comment le capital a écrasé le travail

      il y a également Ron Paul, si l’on considère les "libertariens" comme un mouvement de droite, même si certains analystes d’ultra-gauche (je pense à Webster Griffin Tarpley en particulier, voir tarpley.net ou ses vidéos sur youtube) ont établi des liens entre l’idéologie libertarienne (isolationnisme, pacifisme mais surtout liberalisme économique intégral, ou refus du corporatisme, un des piliers de cette pensée pour lequel Ron Paul est le plus critiqué outre-atlantique) de Ron Paul et l’idéal ultralibéral, en faisant en quelque sorte une voie détournée pour arriver au même objectif d’un marché tout puissant et du néo-féodalisme, faisant de Paul et son mouvement une sorte de point d’appui ou d’ "armée de réserve du libéralisme" des Républicains (l’ (extrême) droite américaine), à l’instar d’un Mélenchon à gauche pour le PS..
      Bien qu’un adepte assidu de la politique américaine depuis plusieurs années, je ne connais pas très bien Joe Scarborough excepté de nom..

       
  • #727231
    Le 15 février 2014 à 07:32 par ,np
    Comment le capital a écrasé le travail

    Economie de 14 Milliards = 14 milles Milliards

     

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  • #727409
    Le 15 février 2014 à 11:42 par jollyroger
    Comment le capital a écrasé le travail

    Ce qui fait mal dans tout ça, c’est que Detroit a été fondée par des Français. C’était exactement le Fort du Détroit, un lieu stratégique pour contrôler la région des Grands Lacs. Les Français étaient plus dans la géopolitique que l’économique. Lorsqu’à la fin de la guerre de sept ans, on a été obligé de quitter l’Amérique du Nord, les Indiens du coin avaient bloqué les portes du Fort pour nous empêcher de partir. Ils avaient parfaitement compris ce qu’il allait leur arriver avec les Anglo-Saxons.

     

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  • #727436
    Le 15 février 2014 à 12:00 par DolFuSa
    Comment le capital a écrasé le travail

    C’était malheureusement dans les gènes des USA. Le fanatisme des Pères Fondateurs est tout à fait dans le prolongement de la situation moderne. Ce qui peut parfois paraître paradoxal, mais comme on devrait le dire à chaque fois : "On juge un arbre à ces fruits". Ceux des States ou de la Révolution Francçaise ne sont pas pourris, ce sont des poisons.

     

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  • #727514
    Le 15 février 2014 à 13:21 par legrandjeu
    Comment le capital a écrasé le travail

    Bravo Alain, on y arrive......
    Il faudrait donc utiliser un nouveau concept Uberprolétariat pour qualifier cette classe qui elle en est bien une,la seule qui lutte pour propager la FANTAISIE, bisounourserie qui innove dans le sous traitement de la vie, métastases innombrables de cellules psychologico consommatrices pour améliorer l’espèce en cache, le spectacle de la société, tiens, tiens, c’est l’inverse du Debord. Faut lire JP Voyer, plus modeste mais plus réel, surtout dans sa description de l’absence de réel, c’est Kapital, le seul critique de Max la pseudo menace.

     

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  • #727583
    Le 15 février 2014 à 14:38 par Nicolas Jaisson
    Comment le capital a écrasé le travail

    Alors que depuis dix ans, la plupart des pays développés se sont engagés à réduire la part de l’Etat dans l’économie ou bien encore le niveau de la redistribution sociale, la France préfère recourir au déficit public. Objectif : maintenir le niveau de vie des Français afin de cacher le déclassement du pays face à ses concurrents dans la course à la mondialisation.
    Accroissement du nombre d’actifs employés dans la fonction publique, du niveau de la redistribution sociale, de la part des recettes publiques ramenée au PIB… et donc du niveau de déficit et de dette : les principales raisons du déclassement de la France face à ses concurrents des pays développés. Ayant entamé les réformes nécessaires, ces derniers ont pris conscience de la contrainte extérieure pesant sur leur économie.
    Pendant ce temps, la France donne l’illusion d’avoir maintenu, malgré tout, le niveau de vie des Français et ce grâce à l’accroissement massif de l’endettement. La réalité des chiffres est tout autre : selon Eurostat, le taux de parité de pouvoir d’achat des Français est de 108 depuis 2005 alors que la moyenne pour l’UE à 15 est de 110. Une politique qui, outre le creusement des déficits, ne stimule pas la croissance.
    http://fr.irefeurope.org/L-etrange-...

     

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  • #727639
    Le 15 février 2014 à 15:41 par RETRAC
    Comment le capital a écrasé le travail

    Simplement exprimé, prenons l’exemple du proverbe qui dit que : ce qui est cher et bon marché...
    Concluant, vu l’état délabré actuel de l’économie, qu’en fait, ce qui est bon marché on le paye très très très cher.

     

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  • #727692
    Le 15 février 2014 à 16:25 par skoop
    Comment le capital a écrasé le travail

    Le progrès technique et l’évolution de la démographie rendent l’abaissement de la valeur travail tout à fait logique ...

     

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  • #728202
    Le 15 février 2014 à 23:34 par Reset
    Comment le capital a écrasé le travail

    Pour ceux qui ne connaissent pas les paléo-conservateurs comme Rick Santorum, Pat Buchanan, ces derniers sont l’honneur de l’Amérique.

     

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  • #728258
    Le 16 février 2014 à 00:56 par david
    Comment le capital a écrasé le travail

    Une grande époque de "démolitions contrôlées" (911, mondialisme ...), on démolie sous contrôle l’économie et le statut quo social pour un autre paradigme, soit le Nouvel Ordre Mondial et apparemment ce sera pas la joie pour une immense majorité.

     

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