Après dix-huit procès, et dix-sept acquittements, Dieudonné, l’humoriste devenu provocateur, boudé par les médias français, a décidé d’abandonner ses ambitions politiques. Il retourne à ce qu’il fait de mieux : l’humour et la scène. Ces prochains jours, il sera en Suisse romande pour présenter son « Best of » qui retrace ses dix ans de carrière comique. Rencontre.
Il est loin le temps où Dieudonné était nommé Homme de bonne volonté dans sa lutte contre le racisme par l’ONU... C’était en 2000, quelques années après sa séparation avec Élie Semoun. C’était aussi avant son sketch du rabbin sur le plateau de Marc-Olivier Fogiel, ses procès en série, ses rêves de présidentielle... Aujourd’hui, il abandonne définitivement la politique et se recentre sur ce qu’il fait de mieux, la scène. Après une année de recul nécessaire, Dieudonné présente son « Best of », un spectacle réunissant le meilleur de ses dix ans de carrière.
Vous êtes déguisé en Mister T sur l’affiche de votre spectacle. Dieudonné, c’est un peu « L’agence tous risques » ?
Il fallait trouver une image et un spectateur me l’a suggérée. Ça représente toute ma jeunesse. Et, à l’époque, il y avait très peu de Noirs dans les séries. Mister T faisait partie des personnages auxquels on pouvait s’identifier. Je joue ce « Best of » à Paris et, pour la première fois depuis quatre ans, je vais partir en tournée dans les grandes villes françaises.
Avez-vous encore le droit à la parole en France ?
Il y a eu de la censure, c’est clair. Quand on est humoriste et qu’on aborde des sujets sensibles, qu’on provoque des débats importants, il faut assumer ce rôle. La censure est relativement injuste car la justice m’a très souvent relaxé. Là, c’est un jugement d’un autre ordre qui s’est imposé. Mais je pense que cette période est révolue.
Le clown n’a pas le droit de parler de sujets sérieux ?
Oui, alors que pour moi, l’humour est très sérieux. Je pense qu’il est important de rire des choses graves, de ce qui nous divise. Mon genre humoristique est peut-être un peu en avance. Pourtant, il s’inscrit dans une tradition française du bouffon à la cour. Ces années ont été difficiles, mais j’ai beaucoup appris. Ça m’a rechargé pour le prochain spectacle.
Vous vous débarrasserez difficilement de l’étiquette d’antisémite, non ?
On ne choisit pas. Dans un film, il y a un scénario avec un gentil, un méchant. On décide que je suis le méchant et je n’ai même plus à m’exprimer, on parle à ma place. Il y aura peut-être bientôt des personnages qui vont m’interpréter au cinéma dans le rôle de l’ordure. Mais il y a un temps pour tout. Les méchants d’un jour sont les gentils du lendemain. Le rôle du méchant m’a amusé aussi, j’ai trouvé l’énergie nécessaire pour rebondir, faire des spectacles. Aujourd’hui, c’est terminé. Il y en a encore qui s’accrochent à cette idée mais je ne suis qu’un humoriste, je ne représente pas un danger. Nicolas Sarkozy est président de la République. Lorsqu’il vous dit : « Ce sera la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran », inquiétez-vous, parce que ce n’est pas un sketch, il va y avoir des morts. Il faut remettre les choses à leur place. Je ne suis qu’un batteur de planches qui fait du rêve avec du vent.
Pourquoi vous êtes-vous mis en retrait cette année ?
Après mon retrait de l’élection, je n’ai fait aucune émission de télé, j’ai recentré toute mon énergie dans le spectacle, l’écriture, et dans un projet autour des Pygmées. Je compte faire venir deux Pygmées en Europe et aux Etats-Unis pour qu’ils témoignent de leur situation. Ils vont dire que la déforestation les anéantit, qu’ils disparaîtront avec le dernier arbre, que leurs enfants meurent. J’ai rarement vu des gens aussi dignes. Lorsque l’on voit ces pleurnichards qui instrumentalisent les génocides de la planète pour faire chialer le monde entier, alors qu’aujourd’hui, des gens meurent... Le génocide le plus important, c’est bien celui qui se passe actuellement, sur lequel on peut intervenir. Et arrêtons de hiérarchiser les souffrances, cette compétition victimaire.
La politique, c’est complètement fini pour vous ?
C’est une guerre avec des enjeux, des armées. L’argent est une arme, l’administration aussi. La démocratie se construit, c’est une utopie formidable. Désormais, mon rôle, ce sera de faire rire. J’ai eu besoin de comprendre les contours de cette démocratie, de me confronter à l’exercice politique. Je suis politique, je le serai toute ma vie, on est tous politiques mais après, dans la structure pyramidale, où est-ce qu’on se situe ? Moi je vais me situer, maintenant et jusqu’à la fin de mon existence, dans le rire. Comme une prière pour un avenir meilleur. Nougaro me disait que j’étais esclave de ma liberté, enchaîné à ma libre expression. C’est vrai. Je ne sais pas où le chemin mène mais j’aurais l’objectif de le rendre toujours drôle.
À VOIR
« Best of », par Dieudonné, le 27 novembre à Crissier, le 28 à Sion, les 29 et 30 à Genève, le 1er décembre à Fontainemelon et le 2 à Porrentruy.
Rés. : www.starticket.ch
Karine Vouillamoz
Source : http://www.lematin.ch
Il est loin le temps où Dieudonné était nommé Homme de bonne volonté dans sa lutte contre le racisme par l’ONU... C’était en 2000, quelques années après sa séparation avec Élie Semoun. C’était aussi avant son sketch du rabbin sur le plateau de Marc-Olivier Fogiel, ses procès en série, ses rêves de présidentielle... Aujourd’hui, il abandonne définitivement la politique et se recentre sur ce qu’il fait de mieux, la scène. Après une année de recul nécessaire, Dieudonné présente son « Best of », un spectacle réunissant le meilleur de ses dix ans de carrière.
Vous êtes déguisé en Mister T sur l’affiche de votre spectacle. Dieudonné, c’est un peu « L’agence tous risques » ?
Il fallait trouver une image et un spectateur me l’a suggérée. Ça représente toute ma jeunesse. Et, à l’époque, il y avait très peu de Noirs dans les séries. Mister T faisait partie des personnages auxquels on pouvait s’identifier. Je joue ce « Best of » à Paris et, pour la première fois depuis quatre ans, je vais partir en tournée dans les grandes villes françaises.
Avez-vous encore le droit à la parole en France ?
Il y a eu de la censure, c’est clair. Quand on est humoriste et qu’on aborde des sujets sensibles, qu’on provoque des débats importants, il faut assumer ce rôle. La censure est relativement injuste car la justice m’a très souvent relaxé. Là, c’est un jugement d’un autre ordre qui s’est imposé. Mais je pense que cette période est révolue.
Le clown n’a pas le droit de parler de sujets sérieux ?
Oui, alors que pour moi, l’humour est très sérieux. Je pense qu’il est important de rire des choses graves, de ce qui nous divise. Mon genre humoristique est peut-être un peu en avance. Pourtant, il s’inscrit dans une tradition française du bouffon à la cour. Ces années ont été difficiles, mais j’ai beaucoup appris. Ça m’a rechargé pour le prochain spectacle.
Vous vous débarrasserez difficilement de l’étiquette d’antisémite, non ?
On ne choisit pas. Dans un film, il y a un scénario avec un gentil, un méchant. On décide que je suis le méchant et je n’ai même plus à m’exprimer, on parle à ma place. Il y aura peut-être bientôt des personnages qui vont m’interpréter au cinéma dans le rôle de l’ordure. Mais il y a un temps pour tout. Les méchants d’un jour sont les gentils du lendemain. Le rôle du méchant m’a amusé aussi, j’ai trouvé l’énergie nécessaire pour rebondir, faire des spectacles. Aujourd’hui, c’est terminé. Il y en a encore qui s’accrochent à cette idée mais je ne suis qu’un humoriste, je ne représente pas un danger. Nicolas Sarkozy est président de la République. Lorsqu’il vous dit : « Ce sera la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran », inquiétez-vous, parce que ce n’est pas un sketch, il va y avoir des morts. Il faut remettre les choses à leur place. Je ne suis qu’un batteur de planches qui fait du rêve avec du vent.
Pourquoi vous êtes-vous mis en retrait cette année ?
Après mon retrait de l’élection, je n’ai fait aucune émission de télé, j’ai recentré toute mon énergie dans le spectacle, l’écriture, et dans un projet autour des Pygmées. Je compte faire venir deux Pygmées en Europe et aux Etats-Unis pour qu’ils témoignent de leur situation. Ils vont dire que la déforestation les anéantit, qu’ils disparaîtront avec le dernier arbre, que leurs enfants meurent. J’ai rarement vu des gens aussi dignes. Lorsque l’on voit ces pleurnichards qui instrumentalisent les génocides de la planète pour faire chialer le monde entier, alors qu’aujourd’hui, des gens meurent... Le génocide le plus important, c’est bien celui qui se passe actuellement, sur lequel on peut intervenir. Et arrêtons de hiérarchiser les souffrances, cette compétition victimaire.
La politique, c’est complètement fini pour vous ?
C’est une guerre avec des enjeux, des armées. L’argent est une arme, l’administration aussi. La démocratie se construit, c’est une utopie formidable. Désormais, mon rôle, ce sera de faire rire. J’ai eu besoin de comprendre les contours de cette démocratie, de me confronter à l’exercice politique. Je suis politique, je le serai toute ma vie, on est tous politiques mais après, dans la structure pyramidale, où est-ce qu’on se situe ? Moi je vais me situer, maintenant et jusqu’à la fin de mon existence, dans le rire. Comme une prière pour un avenir meilleur. Nougaro me disait que j’étais esclave de ma liberté, enchaîné à ma libre expression. C’est vrai. Je ne sais pas où le chemin mène mais j’aurais l’objectif de le rendre toujours drôle.
À VOIR
« Best of », par Dieudonné, le 27 novembre à Crissier, le 28 à Sion, les 29 et 30 à Genève, le 1er décembre à Fontainemelon et le 2 à Porrentruy.
Rés. : www.starticket.ch
Karine Vouillamoz
Source : http://www.lematin.ch